samedi 13 septembre 2014

Muhammad Sinokrot, 15 ans, assassiné par les troupes d’occupation

Sa photo a été accrochée au mur de sa salle de classe à l’école al-Rashidiya de Jérusalem, et sa chaise reste maintenant vide.

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Muhammad Sinokrot, enterré le 8 septembre, est décédé de ses blessures une semaine après avour été abattu par les forces israéliennes près de son domicile dans le quartier de Wadi al-Joz à Jérusalem - Photo : ActiveStills/Faiz Abu Rmeleh
Muhammad Sinokrot, qui aurait eu seize ans le 9 décembre, n’était pas particulièrement friand de l’école et ses notes n’étaient pas les meilleures. Mais c’était un garçon qui savait travailler dur et qui voulait progresser.
Quelques mois plus tôt, il avait emprunté la tenue usée portée par cousin lors d’une remise de diplôme, se faisant photographier dans cette tenue. Il lui restait deux ans à faire pour obtenir le diplôme des études secondaires, et cette photo l’encourageait à travailler encore plus dur.
Mais une balle d’acier et de caoutchouc, tirée par les troupes israéliennes, l’a touché à la tête et a mis fin à ses rêves, fauchant sa vie encore toute jeune.
Le 31 août, Sinokrot a été blessé à la tête par la police israélienne sur le chemin de la mosquée d’Abdine à Wadi al-Joz, un quartier de Jérusalem-Est sous occupation. Ce fut une soirée inhabituellement calme malgré la présence de soldats israéliens et de la police des frontières qui ont l’habitude de lancer des raids dans Wadi al-Joz depuis ces deux derniers mois.
Des cris à notre porte
Au moment où Mahomet a été abattu, il n’y avait eu absolument aucun d’affrontement entre les forces israéliennes d’occupation et les jeunes Palestiniens, ont affirmé les habitants du quartier interrogés par The Electronic Intifada.
« Il était environ 20h15. Je préparais à manger et j’ai demandé [à Muhammad] de nous acheter du pain après qu’il ait terminé la prière du soir dans la mosquée, et il a rapidement quitté la maison, » nous raconte Ilham, la mère de Muhammad.
« Quelques minutes plus tard, j’ai entendu des hurlements et des cris à notre porte [qui disaient] ’Votre fils a été blessé à la tête.’ J’ai vite couru... La scène de mon fils saignant dans la rue, la tête fracturée et le visage défiguré, était bouleversante, » se souvient-elle.
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Des femmes palestiniennes pleurent devant la maison de la famille de Muhammad Sinokrot dans le quartier de Wadi al-Joz de Jérusalem, après que la mort de l’adolescent a été annoncé le 7 septembre - Photo : ActiveStills/Faiz Abu Rmeleh
La police israélienne a déclaré aux journalistes que Muhammad jetait des pierres lors d’affrontements quand il a été touché à la jambe par une balle en caoutchouc et qu’il est tombé et s’est blessé la tête. Sa mère conteste vigoureusement cette version des faits et un rapport d’autopsie préliminaire indique que le garçon est mort des blessures causées par une balle dans la tête.
« Allons ! Vous pensez que si il y avait eu des affrontements je lui aurais permis de sortir ? En aucune façon. Et il est ridicule de dire qu’il a été blessé à la jambe quand il n’y a aucun signe de blessure ou de coup sur les jambes », a déclaré la mère de Muhammad.
Muhammad Sinokrot a été transporté à l’hôpital palestinien Al-Makassed, dans le quartier du Mont des Oliviers, où les médecins ont dit à ses parents qu’il lui fallait une opération très délicate. Il a ensuite été transporté à l’hôpital Hadassah Ein Karem à l’ouest de Jérusalem, où il a passé une semaine dans le coma avant d’être déclaré cliniquement mort.
« Les chances pour qu’il vive étaient extrêmement minces, mais nous avions foi en Dieu. Nous avons attendu un miracle ; il ne s’est pas produit... », a déclaré le père de Muhammad, Abd al-Majid Sinokrot, qui travaille pour le tramway de Jérusalem. « Ma femme et moi sommes allés à l’hôpital, rester à ses côtés. Ce fut une semaine très difficile, mais nous remercions Dieu pour tout. »
Affrontements à Jérusalem
L’annonce de la mort de Sinokrot le 7 septembre a été précédée d’affrontements violents entre des jeunes Palestiniens et les forces d’occupation israéliennes dans le quartier Wadi al-Joz et dans Jérusalem-Est.
Un quartier habituellement tranquille et un centre industriel pour les Palestiniens de Jérusalem connu pour ses garages et ses entreprises d’automobile, Wadi al-Joz a été tout sauf calme depuis l’enlèvement et l’assassinat brutal de Muhammad Abu Khudair, âgé de 16 ans, le 2 juillet. Abu Khudair était un habitant de Shuafat, un quartier proche de Wadi al-Joz.
L’attaque d’Israël contre Gaza n’a fait qu’alimenter les manifestations à Jérusalem cet été.
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Un policier israélien tire des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation après la mort de Muhammad Sinokrot dans le quartier de Jérusalem de Wadi al-Joz le 8 septembre - Photo : ActiveStills/Oren Ziv
Les forces d’occupation israéliennes ont réagi en multipliant les raids comme jamais auparavant sur Wadi al-Joz, tirant d’énormes quantités de gaz lacrymogène dans les zones densément peuplées et douchant les maisons et les ateliers et commerces avec un liquide nauséabond appelé « skunk ».
« La situation ici est très tendue depuis le martyre d’Abou Khudair. Nous sommes régulièrement harcelés et attaqués par des soldats israéliens, mais nous savons que nous n’avons pas d’autre choix que de nous révolter contre eux », a observé le chauffeur du bus lors de mon départ de Wadi al-Joz.
« Les choses peuvent paraître faussement calme en surface, mais en vérité, l’explosion était inévitable. Les Israéliens ont cru avoir réussi enfin à étouffer Jérusalem et ils ne s’attendaient pas à ce que la ville, en particulier dans des endroits comme Shuafat et Wadi al-Joz, se révolte comme ça », dit-il encore.
Funérailles
Les funérailles de Mohammed Sinokrot ont eu lieu un jour après que sa mort ait été annoncée, des milliers de Palestiniens défilant de son domicile de Wadi al-Joz jusqu’à la mosquée al-Aqsa dans la Vieille Ville de Jérusalem.
Un grand nombre de soldats et de policiers israéliens ont été déployés, mais toutes les tentatives pour contenir la colère des jeunes étaient vaines et l’enterrement s’est transformé en une manifestation de masse.
« Les jeunes ont surpris les forces d’occupation israéliennes qui voulaient étouffer toute possibilité de revendication ou d’affrontements lors de la procession funèbre. Les jeunes ont jeté des pierres et des fusées d’artifice sur les soldats qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes », a noté Yassin Sbeih, un militant palestinien du camp de réfugiés de Shuafat.
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Des Palestiniens portent le corps de Muhammad Sinokrot lors de son enterrement dans le quartier de Wadi al-Joz de Jérusalem, le 8 Septembre - Photo : ActiveStills/Oren Ziv
Comme ce fut le cas lors des affrontements à Shuafat au début de juillet, les jeunes des différents villages de la région de Jérusalem se sont rendus à Wadi al-Joz pour les funérailles et montrer leur solidarité.
Parmi ceux qui sont venus pour rendre hommage se trouvait aussi la mère de Muhammad Jaabis, originaire de Jabal al-Mukabber, un jeune homme abattu à Jérusalem-Ouest le 4 août lorsque la pelle mécanique qu’il conduisait a heurté un bus après avoir écrasé un piéton israélien.
Les autorités israéliennes ont qualifié l’incident d’attaque, mais sa famille a toujours affirmé qu’il s’agissait d’un accident. Il y a eu plusieurs cas au cours des dernières années dans lesquels des Palestiniens conduisant ce genre d’engins ont été abattus dans des circonstances similaires.
Visiblement ébranlée, la mère de Jaabis étreint Ilham Sinokrot à l’enterrement et lui dit : « Tous les cœurs ne font pas face à la douleur de la même façon. Vous avez l’air tellement plus forte que je ne le suis ».
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Un jeune Palestinien blessé est traité par des médecins après que les policiers israéliens l’ont battu pendant les funérailles de Mohammed Sinokrot à l’extérieur de la vieille ville de Jérusalem, le 8 septembre - Photo : ActiveStills/Oren Ziv
Pendant ce temps, le père de Muhammad insiste sur le fait qu’il faudra demander des comptes.
« Nous ne croyons pas que les bourreaux vont nous donner toute la justice, mais nous irons devant les tribunaux israéliens et internationaux et nous demanderons à tous les parents de réclamer justice pour leurs proches tués. Nous ne pouvons pas laisser les assassins de nos enfants vivre dans l’impunité », dit-il.
Ceux qui ont parlé à The Electronic Intifada ont souligné que Muhammad Sinokrot a été tué tout simplement parce qu’il était palestinien.
« Son crime était d’être palestinien et de vivre Jérusalem, sous une domination qui ne nous voit pas comme des êtres humains », a déclaré l’un des voisins de la famille.
« Hier, c’était Muhammad Sinokrot, et demain, ce pourrait être le tour de mon fils, » a-t-il ajouté. « Tous les Palestiniens sont visés et ils doivent tous ensemble se soulever contre cet État raciste. »
Budour Youssef Hassan (@Budour48) est une anarchiste Palestinienne et diplômés en droit. Elle vit à Jérusalem Occupée.

12 septembre 2014 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib