vendredi 19 septembre 2014

Les plus démunis de Gaza attendent toujours l’aide alimentaire et humanitaire

Ville de Gaza, Bande de Gaza – Zahra al-Arif habite à Gaza. Elle est obligée de courir d’une organisation à une autre dans l’espoir de s’inscrire pour l’aide humanitaire.

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Une femme Palestinienne dans le sud de la Bande de Gaza, marchant sur les décombres d’un immeuble détruit et portant ses effets personnels, le 3 août 2014 - Photo : Reuters/Finbarr O’Reilly
La canicule n’arrange pas trop les choses et pèse lourdement sur ceux qui sont contraints de sortir de chez eux. Mais Zahra n’a pas le choix. Âgée de 32 ans, cette mère de famille qui accouchera bientôt est devenue veuve et a perdu son père dans un bombardement israélien le 12 juillet dernier. Elle a également perdu sa maison située dans le quartier Shejaiya, détruite par l’armée israélienne lors de son opération au sol.
Interrogée par Al-Monitor, elle raconte : « Mon mari travaillait dans la police de l’Autorité Palestinienne (AP) et couvrait tous les besoins du ménage et les produits de première nécessité. A présent, c’est moi qui dois tout prendre en charge. Je me retrouve seule face à la vie et ses complications, surtout que je suis à mon huitième mois de grossesse. »
Hormis le panier d’aliments, Zahra n’a rien reçu des agences officielles, sachant qu’elle vit actuellement avec sa mère, veuve elle aussi, dans le quartier Shaaf. Dans leur maison indigente les enfants de Zahra sont plongés dans une tristesse qui dépasse largement leurs jeunes âges.
A l’instar d’un grand nombre de Palestiniens, Zahra est submergée par le sentiment de solitude déclenché par l’Opération Bordure Protectrice. Ils ont été nombreux à se plaindre à Al-Monitor que depuis qu’ils sont sans abri, ils n’ont reçu aucune aide, excepté les paniers alimentaires distribués, d’après ce qu’ils racontent, dans des « conditions chaotiques et tumultueuses. »
Pour sa part, le responsable chargé du Comité d’Urgence au sein du Ministère des Affaires Sociales et directeur général de la protection sociale, Riad al-Bitar, nous a informés que le personnel du ministère et des comités d’urgences nouvellement créés ont travaillé jour et nuit pendant la guerre. Malgré les bombardements et la situation hautement périlleuse, ces équipes ont réussi à entrer en contact avec les gens afin de recueillir le nombre des familles affectées et des personnes blessées.
Il a souligné : « Ces comités ont été en mesure de fournir l’aide aux personnes ayant perdu leurs domiciles. Ils ont également soutenu les habitants des zones frontalières pour qu’ils puissent rester dans leurs maisons. »
Bitar a noté que les organisations distribuent les colis de vivres en coordination avec le ministère comme c’est le cas de l’Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), le Secours Islamique Mondial (SIM), Mercy Corps et Oxfam. La répartition des subventions se déroule sous le contrôle du ministère et en toute transparence.
Et d’ajouter : « Nous travaillons dans le cadre d’une base de données unifiée et notre objectif est que l’aide ne soit pas octroyée deux fois à la même famille. » Il a par ailleurs précisé que la base de données principale inclut environ 50 000 familles qui sont en dehors des centres de secours et dont les maisons avaient été complètement ou partiellement démolies, ou alors ceux contraints de fuir leurs domiciles par peur.
Outre les efforts consentis par les parties officielles, un important groupe d’individus et de jeunes ont conjugué leurs efforts durant la guerre pour distribuer l’aide. Al-Monitor s’est entretenu avec le jeune militant Abdel Karim Abu al-Ainayn qui a répondu : « Des amis m’ont suggéré de mettre en œuvre une campagne de dons en ligne, et c’est ce que j’ai fait. Au départ, je ne pensais pas que les dons pouvaient dépasser les $1.000, néanmoins, la compassion et la sympathie internationales ont dépassé mes attentes et en moins d’un mois, j’ai été capable de fournir 600 paniers alimentaires et produits de nettoyage pour 600 familles. Abu al-Ainayn a souligné que les pays qui ont le plus répondu présent par leurs dons sont le Royaume-Uni, suivi des Pays-Bas et enfin la France, tout en précisant que les transactions se sont effectuées par Western Union.
Par ailleurs, Al-Monitor a parlé avec un responsable dans une organisation locale qui a distribué des milliers de paniers alimentaires durant la guerre. En raison du caractère sensible de la question, il a requis l’anonymat. « Malheureusement, le Ministère des Affaires Sociales a amassé d’énormes quantités de colis de vivres dans ses entrepôts, que ce soit l’aide donnée au ministère ou les convois donnés aux autres organisations. » Il a expliqué qu’il était difficile pour le personnel du ministère de sortir et de distribuer l’aide durant la guerre car ses équipes étaient elles aussi ciblées par l’occupation.
Il a ajouté qu’une quantité considérable d’aide humanitaire est entrée dans la Bande de Gaza durant la guerre : « Le Kuwait a, lui seul, envoyé un million de colis de vivres. C’est juste pour dire que l’aide alimentaire et humanitaire était importante mais que c’est le manque de personnel qui posait problème. »
Il a souligné que si beaucoup de produits ne sont plus valables c’est parce qu’il y a eu un retard dans la distribution et une tentative de contrôler toutes les aides en les stockant. En effet, l’aide qui finit par arriver à Gaza contient des produits dont le tiers dépasse la date d’expiration, comme les aliments en conserve.
Il a expliqué que les principaux pays qui ont envoyé leurs dons durant la guerre sont la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite. Les Émirats Arabes Unis ont, quant à eux, préféré entrer en contact avec les organisations sur place plutôt qu’avec le Ministère des Affaires Sociales.
Pour sa part, Bitar a répondu que l’aide reçue par les organisations de secours a en fait intégré les entrepôts du ministère, mais a été remise ensuite aux organisations non-gouvernementales. « Chacun peut participer à la distribution à condition qu’elle soit destinée aux pauvres, aux déplacés et aux personnes affectées et touchées. La priorité est accordée à ceux qui n’ont pas bénéficié d’aide auparavant, » a-t-il précisé.
L’analyste économique Omar Shaban a écrit sur sa page Facebook que l’engagement monétaire international a atteint 280 millions de dollars US au 28 août. De ce montant, 200 millions ont été reçus ; l’Arabie Saoudite étant à la tête des donateurs avec 80 millions de dollars US, suivie de l’Australie avec 14 millions, l’Allemagne avec 13 millions, les États-Unis avec 12 millions, les Émirats Arabes Unis avec 11 millions et le Kuwait avec 10 millions.
« La majorité de cette somme a été versée dans les comptes de l’AP et du Croissant Rouge Palestinien, » précise Shaban.
Il ajoute que l’UNRWA a demandé la somme de 367 millions de dollars afin de faire face à la crise, mais n’en a reçu que 177. Shaban a par ailleurs exigé de documenter tout type d’aide et de garantir la transparence financière et administrative de toutes les parties concernées, à savoir le donateur, le receveur, le médiateur et le bénéficiaire.
En attendant, ceux qui ont désespérément besoin d’aide attendent toujours l’arrivée de l’assistance. Zahra est retournée chez elle, non sans inquiétude et angoisse. Le Comité de la Zakat (Charité) était fermé et la Qatar Foundation l’a informée que l’enregistrement de ses enfants sur la liste des orphelins se fera ultérieurement. Une autre organisation a expliqué qu’elle a atteint sa capacité maximum et qu’elle ne peut fournir d’aide au-delà des personnes inscrites sur ses listes. D’un autre côté, le Ministère des Affaires Sociales a notifié à Zahra que « son nom figure déjà sur la liste, mais la situation demeure inchangée et il n’y a rien de nouveau pour le moment. »

Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-palestine.eu - Niha