mardi 2 septembre 2014

Israël était prêt à rayer Gaza de la carte

Des hommes, femmes et enfants sont sortis dans les rues de Gaza, quelques minutes après 19 heures, après que la guerre de 51 jours se sit enfin terminée. Des centaines se sont rassemblés dans les rues, brandissant des drapeaux du Hamas et du Jihad islamique, tandis que quelques-uns portaient des drapeaux du Fatah et du Front populaire pour la libération de la Palestine.

JPEG - 126.2 ko
Les Palestiniens se rassemblent autour des décombres d’un centre commercial à Rafah dans le sud de la bande de Gaza - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa
Hala, une petite fille, passe la tête hors de la voiture et acclame les « Brigades Izz ad-Din ! » D’autres, hommes et femmes crient leur joie de célébrer la fin de la guerre, tandis que des chants patriotiques s’entendent des haut-parleurs des mosquées avec des « Allahu Akbar, Allahu Akbar, la résistance a gagné ».
Cela reste un moment historique, même si les citoyens en parlent de différentes façons. Um Fayez, 45 ans, dit : « C’est un jour de victoire », et elle remercie Dieu. « Bientôt, nous allons célébrer la libération de Jérusalem, mais nous ne pourrons jamais oublier les martyrs, » dit-elle tandis que sa voix s’affaiblit et qu’elle se met à pleurer.
C’est ainsi que s’est terminé la journée du 28 août 2014 . Cependant, le début était complètement différent et les habitants de Gaza ont été traumatisés lorsque les forces israéliennes ont ciblé deux immeubles résidentiels - le complexe italien et la tour Basha - dans les premières heures de la matinée dans une des zones les plus vitales de la bande de Gaza.
Le siège de la radio Sawt El Shaab ainsi que plusieurs autres bureaux de presse, ont été transformés en décombres dans la tour Basha. Le rédacteur en chef de la station de radio, Shady Abu Shadak, 27 ans, a parlé avec Al-Monitor tandis qu’il se tenait en face de la tour détruite, qui maintenant bloque la rue al-Salasini et d’autres accès fameux dans la ville de Gaza. « Un officier des forces israéliennes d’occupation a appelé le gardien de la tour et lui a dit de faire sortir tout le monde, car ils allaient frapper dans les 20 minutes. Le gardien a donné la nouvelle et nous avons commencé à appeler toutes les familles - qui avaient fui le nord de la bande et étaient venues s’abriter dans la tour - ainsi que tous les journalistes, à quitter le bâtiment et nous avons couru aussi loin que nous le pouvions. » Il a ajouté que les avions ont lancé deux missiles guidés qui ont détruit le bâtiment juste en face de leurs yeux, alors qu’ils se tenaient là, choqués et impuissants.
Le complexe italien dans le quartier al-Nasr est considéré comme l’une des tours les plus hautes de la bande de Gaza. Une partie de la tour est toujours debout, bien que l’aviation israélienne l’ait bombardé à six reprises.
Tareq Abu Hassan, 33 ans, un témoin direct et le propriétaire de l’un des magasins dans le complexe, a déclaré à Al-Monitor : « Nous ne pensions pas qu’ils allaient frapper la tour. Quand ils ont appelé un des résidents et ont menacé de bombarder la tour, nous ne sommes pas sortis jusqu’à ce que la première roquette guidée ait été lancée ».
Il a ajouté, alors qu’ il cherchait dans les décombres de sa boutique toute pièce de mobilier utilisable : « Nous pensions que c’était un des endroits les plus sûrs pendant la guerre. Regardez comment il s’est transformé en un cauchemar maintenant, d’autant plus qu’il y a encore des fusées non explosées ici ».
La guerre a pris un cours différent lors de ses quatre derniers jours. L’aviation israélienne a commencé à cibler les quartiers de la classe moyenne et supérieure, où étaient aussi réfugiées des centaines de familles qui avaient fui les quartiers limitrophes de Shajaiya et Beit Hanoun, pensant être plus en sécurité ici.
Les F-16 ont d’abord tiré deux roquettes sur les fondations de la tour de 14 étages, Zafer 4, dans le quartier moderne de Tal al-Hawa. Le bombardement a eu lieu en plein jour, le 23 août, et Gaza ne pourra jamais oublier l’image de cette tour qui s’effondre.
L’analyste politique Akram Atallah voit le ciblage des tours résidentielles comme une sonnette d’alarme pour les Palestiniens, afin de montrer concrètement ce qu’Israël est capable de faire et prouver qu’il est prêts à poursuivre la guerre, même si cela conduit à la destruction complète de Gaza. Il a déclaré à Al-Monitor : « La destruction des tours n’a pas affecté la bataille autant que cela a affecté l’opinion publique palestinienne. »
Tout au long des jours, les factions de la résistance ont tiré des roquettes et des obus de mortiers par centaines vers les villes israéliennes à la frontière de Gaza. Toutefois, les opérations de terrain à travers les tunnels conduites par la résistance pendant le premier mois de la guerre, avaient diminué après le retrait terrestre israélien et la concentration sur les frappes aériennes.
Analysant les différentes phases de la bataille, Atallah a déclaré à Al-Monitor : « Quand les combats au sol ont cessé, Israël a commencé à reprendre la main sur la décision d’accepter une trêve ou pas. Cela a affecté les Palestiniens et le moral des factions de la résistance », d’autant plus que les organisations s’étaient forcément relâchées pendant la trêve de 12 jours après avoir accepté le recours à une solution politique qui permettrait de protéger autant de vies que possible.
Atallah pense que, profitant de la trêve de 12 jours, Israël a commencé à préparer une offensive majeur, lançant des attaques plus violentes que jamais en plus de l’assassinat de la direction sud des Brigades al-Qassam. Il a ajouté : « Le fait qu’Israël ait reçu de telles informations aussi précises concernant la direction des Brigades al-Qassam, lui a permis de marquer des points dans la bataille. »
Atallah a confirmé que les impressions ont changé après cet instant. Israël a été plus enclin à utiliser des avions et il a multiplié les frappes aériennes, entraînant la diminution du nombre et de la diversité des roquettes de la résistance. Au fur et à mesure que la bataille se prolongeait, le potentiel de la résistance s’affaiblissait.
Il a continué : « ... ce qui a eu des répercussions politiques. Au début de la guerre, la résistance a refusé la trêve tout en disant qu’elle ne serait d’accord qu’en vertu de conditions strictes. Mais à la fin, Israël est devenu celui qui décide dans le fait qu’il y ait une trêve ou non. »
Une heure après que le cessez-le-feu ait été annoncé, les dirigeants du Djihad islamique et du Hamas se sont montrés en public pour la première fois depuis le début de la guerre, pour proclamer la victoire de la résistance et la fin de la guerre, disant que leurs conditions étaient remplies.
Atallah estime que tout est mitigé en politique. Le Hamas a marqué quelques points dans la guerre, mais Israël en a également acquis d’autres. Il a ajouté : « Tout est relatif. Quand Israël a lancé l’opération terrestre, les cercueils ont été envoyés en Israël sur une base quotidienne. Cependant, après le retrait au sol, il n’y avait plus de cercueils israéliens, et les gens ont eu le sentiment que la résistance subissait un revers, après avoir initialement été à l’offensive ».
Quelques minutes avant le cessez-le-feu, le Hamas a annoncé la mort de deux soldats israéliens, les médias israéliens prétendant ensuite qu’il s’agissait de civils. « La mort de ces soldats israéliens montre l’échec d’Israël à atteindre l’objectif qu’il s’était fixé au début de la guerre, qui était d’éliminer le tir fusées. C’est ainsi que les rideaux se sont fermés sur les derniers instants de l’échec d’Israël et sur la victoire de la résistance », nous dit encore Atallah.

Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-palestine.eu - Naguib