jeudi 21 août 2014

Les Gazaouis sont préparés au pire

La violence a recommencé avant la fin du cessez-le-feu, mais pour beaucoup de Gazaouis, Israël « gagne du temps et n’a rien à offrir de concret ».
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Quartier de Shejaiya dans la ville de Gaza : des familles palestiniennes quittent leur domicile pour rejoindre des zones où elles pourraient se voir plus en sûreté, après que le cessez le feu temporaire ait pris fin le 19 août - Photo : AA
« Avant j’étais capable d’analyser la situation, de déchiffrer le silence, de lire entre les lignes et de voir ce qu’il y avait derrière les prises de position mais plus maintenant, » dit Abu Amjad Saleh, un Gazaoui de 42 ans.
Pour lui les pourparlers du Caire sont une perte de temps, c’est « comme de courir après son ombre ».
« Ce qu’Israël sait faire de mieux, c’est nous faire perdre notre temps en tergiversations, » dit Saleh, furieux d’avoir dû quitter sa maison et se réfugier chez des parents quand les environs de Rafah ont été violemment bombardés récemment.
Saleh n’est pas le seul à penser de la sorte. Lui qui est père de 5 enfants a conscience que la puissance militaire d’Israël les dépasse mais il ne peut pas se résoudre à laisser Israël obtenir gain de cause après les épouvantables destructions et pertes de Gaza.
« Je ne doute pas que les négociateurs palestiniens sont unis au Caire, mais il faudrait que la communauté internationale ne se contente pas de réclamer un cessez-le-feu quand le sang coule à Gaza. Il est temps que Ban-Ki Moon vienne au Caire, » ajoute-t-il.
Dr. Mukhair Abusada dit que le premier ministre israélien Netanyahou a l’air d’avoir des problèmes de politique intérieure et ne semble pas avoir réussi à atteindre ses objectifs à Gaza.
« Il est clair, d’après les déclarations de ses officiels ces derniers jours qu’Israël veut reprendre les violences. »
Fawzi Barhoun, le porte parole du Hamas, évoque le manque de progrès des négociations en ces termes : « Si Netanyahou ne comprend pas notre message et nos demandes quand nous utilisons le langage de la politique au Caire, nous saurons bien comment les lui faire comprendre, » a t-il écrit sur sa page facebook.
Le Hamas est prêt à étudier toutes les possibilités mais selon lui, c’est l’intransigeance d’Israël qui est responsable de l’échec des négociations pour un cessez-le-feu durable.
Le leader du Djihad Islamique, Khaled Al-Batsh, qui est au Caire dit que la délégation palestinienne est désireuse de signer un accord de cessez-le-feu mais pas à n’importe quel prix. « L’accord doit correspondre aux aspirations, aux espoirs et à la détermination de notre peuple. »
Avant l’expiration du cessez-le-feu il y a eu plusieurs frappes de F16 israéliens sur Khan Yunis à l’est de la ville de Gaza et sur le nord de la bande de Gaza. Israël prétend que c’était en riposte aux tirs de roquette de Gaza.
Mais selon les analystes politiques, les factions palestiniennes annoncent généralement les tirs de roquettes de Gaza et aucune faction n’a revendiqué ces tirs.
« Israël a intérêt à ce que des roquettes soient tirées de Gaza pour pouvoir rappeler avant ce soir ses négociateurs du Caire sans avoir atteint de résultats, » explique Abusada.
Les drones israéliens continuent de voler au dessus de Gaza en dépit du cessez-le-feu et de temps en temps un F16 survole Gaza à basse altitude pour intimider les Gazaouis.
Et pendant tout ce temps, les Gazaouis reçoivent du Caire des rapports contradictoires qui ne leur permettent pas de savoir ce qu’il en est.
Selon Mahmoud Aldermli, 49 ans, un père de 11 enfants, qui s’est réfugié dans une école de l’ONU : « La résistance doit continuer le combat aussi longtemps que possible. Il faut mieux mourir dans la dignité que vivre dans la honte. »
Pour Aldermli, c’est très dur d’attendre le résultat des négociations, sans savoir si elles vont aboutir : « J’ai de la patience, je peux attendre malgré nos conditions de vie misérable mais il faut qu’à la fin nous ayons des résultats, il faut que nous puissions vivre dans la dignité. »
Les dernières frappes vont sûrement sonner le glas des pourparlers de paix. D’ailleurs des officiels israéliens ont déjà annoncé l’interruption des négociations. Le premier ministre Netanyahou et le ministre de la Défense, Ya’alon, ont rappelé les envoyés israéliens.
Auparavant, l’ambassadeur palestinien en Egypte, Jamal Shoubaki, avait annoncé que les Israéliens proposaient de « ne pas lever le blocus mais de l’alléger. » Mais les négociateurs palestiniens veulent la levée définitive du blocus.
Le bruit des frappes israéliennes retentit tout près et Saleh dit : « C’est le message des Israéliens ; il est sans équivoque : si vous n’acceptez pas nos conditions, nous continuerons à vous bombarder. »
Les factions palestiniennes, y compris le Hamas, ont affirmé n’avoir pas tiré sur Israël et avoir respecté le cessez-le-feu de 24 heures.
Le Hamas accuse Israël de « traîner les pieds » et Sami Abu Zuhri dit que c’est une tactique israélienne bien connue pour « faire avorter les pourparlers de paix ».
Le ministre palestinien du logement - Mofeed Al Hassayneh - estime que Gaza a besoin de 6 à 8 milliards de dollars US pour reconstruire la bande de Gaza. Vingt mille maisons ont été entièrement détruites. Quarante mille autres sont partiellement détruites et il y a environ 2,5 millions de tonnes de débris à déblayer.
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* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.