samedi 23 août 2014

Dans Gaza, « même un bébé dans le ventre de sa mère n’est pas à l’abri »

La population civile palestinienne se prépare à une nouvelle série d’attaques intensives et reste fermes dans son soutien à la résistance, alors qu’Israël emploie ses missiles les plus meurtriers.
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Avec une large complicité des États occidentaux comme d’une partie des États arabes, Israël se comporte contre la population sans défense de Gaza avec la dernière des cruautés et des violences. Comme des milliers d’autres, ce garçonnet âgé de 4 ans, Mohammed Al Awaj, a été la victime d’un bombardement israélien sur Khan Younès le 16 juillet dernier - Photo : AP/Eyad Baba
GAZA - « Nous pouvons aussi bien mourir que vivre », a déclaré Abou Suliman al-Buriem et les 11 membres de la famille, alors qu’ils fuyaient leur maison dans le quartier al-Zannah, à l’est de Khan Younis.
La vie n’amène guère de bonnes nouvelles pour la famille d’Abou Suliman. Pendant le cessez le feu, il passa son temps à aller d’une école de l’ONU servant d’abri à une autre, plus sûre. Selon lui, cette fois-ci, Israël a rompu le cessez-le pour échapper à l’obligation de signer un accord de cessez-le-feu à long terme.
« Si c’était moi seul, j’aurai su faire face, mais cela touche également la vie des 11 membres de ma famille, principalement des enfants » dit-il, alors qu’il se précipite avec eux vers un autre refuge. Cette fois, dit-il, il ne se sent en sécurité nulle part. Plus la guerre se poursuit, plus Israël voudra tester de nouvelles armes.
Mardi, l’armée israélienne a utilisé des missiles GBU-28 « anti-bunker » - parfois appelés « Deep Throat » - pour tuer la famille Aldalou. Les longs missiles s’enfoncent à cinq mètres de profondeur dans les maisons, puis explosent ...
Les Palestiniens de Gaza ont été amenés à croire que la paix était négociée pour la fin de la guerre. Mais les frappes aériennes de la nuit dernière ont fait comprendre à Abu Suliman que personne n’est à l’abri.
« Pas même un enfant dans le ventre de sa mère », a déclaré Abou Suliman, se référant à Nabila Allouh, dont la maison a été touchée par un raid aérien israélien, tuant sept membres de la famille. Parmi les victimes, une femme enceinte de 9 mois a été tuée ainsi que son bébé à naître.
A Gaza, le public est choqué que toutes les cibles, à ce jour, soient des civils, et il y a un sentiment général que c’est dans l’objectif de faire se retourner la bande de Gaza contre les organisations de la résistance. Mais Abu Suleiman nous dit : « Si nous abandonnons la résistance, qui d’autre va nous protéger des missiles israéliens ? »
Selon lui, les Nations Unies et les dirigeants arabes restent silencieux sur les meurtres continuels d’habitants de Gaza. La colère gronde encore plus à l’égard des pays arabes qui ne soutiennent pas les Palestiniens, occupés et et assiégés.
Israël a déclaré que l’un raid aérien visait à assassiner Mohammed Deif - le chef de l’aile militaire du Hamas, les Brigades Qassam. Cependant, des sources médicales ont déclaré que sa femme et son petit bébé ont été tués. Les sources du Hamas ont déclaré de leur côté que l’appartement que la femme de Deif occupait était connu de tous, et que le bâtiment n’avait rien à voir avec la résistance.
La colère monte également chez les habitants de Gaza à l’égard d’Israël qui n’hésite pas à tester ses missiles GBU-28, apparemment plus destructeurs que les missiles tirés par les F16.
Mais il apparaît qu’Israël n’a pas réussi à assassiner Deif. Ismail Haniyeh et Mohammed Deif étaient devenus des leaders de la résistance après qu’Israël eut assassiné cheikh Ahmed Yassine, le Dr Abdelaziz al-Rantissi, et Ahmed al-Jabari.
Le Hamas sait que le fait de s’attaquer à ses dirigeants a peu de chances d’écraser l’esprit de résistance, bien que les Brigades al-Qassam et de nombreux habitants de Gaza craignent plus de frappes israéliennes que jamais.
Abu Suleiman a déclaré aussi que Netanyahu a tenté de justifier la guerre contre Gaza devant la communauté internationale, mais que les Nations Unies ont déclaré que la majorité des personnes tuées et blessées étaient des civils.
Lors d’une interview sur Al-Aqsa TV, le Hamas a déclaré que Mohammed Deif est celui qui détient le pouvoir d’arrêter des tirs de roquettes à partir de Gaza.
Six semaines de bombardements intensifs ont coûté la vie à plus de 2055 personnes et en ont blessé 12 000, dont la majorité sont des civils. Et ces chiffres changent toutes les heures. Tout le monde se demande quels sont les prochaines cibles d’Israël.
La grande majorité des objectifs ne sont pas prévenus des frappes. Un témoin dans Rafah a dit avoir reçu un appel d’un officier israélien, lui disant d’évacuer une maison qu’il avait déjà quittée en 2009. L’appartement a été bombardé et il n’a pas eu le temps de dire à la famille qui y vivait de vider les lieux immédiatement.
Le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, a déclaré que c’est Israël qui a recommencé cette guerre, tout en demandant à l’Égypte de noter que les factions palestiniennes n’avaient pas tiré de roquettes. Des troupes israéliennes ont été rappelées huit heures avant que le cessez-le feu ne prenne fin, dans le but de tuer la femme et l’enfant de Mohammed Deif.
L’Égypte a exprimé « son profond regret » à la fin de la période de 10 jours de trêve, et a déclaré qu’elle continuerait à essayer d’obtenir une trêve durable.
Il semble que la tentative d’assassinat de Mohammed Deif peut expliquer l’intensité des tirs de roquettes survenus après l’échec des pourparlers de paix du Caire.
Azzam al-Ahmed, un membre éminent du mouvement Fatah du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a déclaré qu’Israël était responsable. « Israël a contrecarré les accords qui auraient apporté la paix. »
Pendant ce temps, le Hamas a déclaré que la frappe était une tentative d’assassiner Deif et a déclaré qu’Israël avait ouvert les « portes de l’enfer. » Barhoum, un des commandants du Hamas, a déclaré que les prochains jours allaient être difficiles, sans précédents.
Le porte-parole du Hamas Abo Obaida a averti que les compagnies aériennes internationales devraient arrêter leur service dans l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, en assurant au public que Deif n’avait pas été tué.
Sadi Hamd, âgé de 39 ans, est arrivé du nord de Gaza pour trouver un abri - et il a exprimé sa colère face au déplacement de ses enfants. Il a dit qu’il ne dirigerait jamais sa colère vers la résistance, mais vers l’occupant israélien qui a tué plusieurs personnes dans l’école où il a cherché refuge.
« Un abri est censé être sûr, et je pense à la responsabilité des États-Unis qui fournissent des missiles pour tuer des innocents », a-t-il dit, alors qu’il emmenait ses quatre filles dans une école des Nations Unies, pour y chercher refuge.
« Il paraît certain que l’administration Obama est satisfaite de cette destruction massive et de l’utilisation des missiles GBU-28 contre un peuple sans défense qui ne peut même pas trouver de lait pour ses bébés. »
« J’ai applaudi Obama quand il est arrivé au pouvoir, pensant qu’il était meilleur que Bush, mais maintenant je dis qu’un homme qui a combattu l’injustice est honteusement en train de fournir des armes à l’occupation israélienne. »
A Gaza, la rage est à son comble contre la communauté internationale, pour son manque de réaction aux attaques israéliennes. « Pour une fois, il [Obama] devrait se lever et de dire ce qu’il pense. Mais peut-être va-t-il d’abord attendre que tous les missiles de fabrication américaine aient été testés sur nos corps. »
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* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.