samedi 5 mars 2011

Mettre fin au"conflit"

publié le samedi 5 mars 2011
Laila el-Haddad

 
OPINION :
" Israël n’a jamais été intéressé par une paix juste et durable avec les Palestiniens"
Le discours conventionnel sur le “conflit ” israélo-arabe, si on peut parler de “conflit”, s’appuie sur une résolution basée sur les prémisses de deux Etats, comme si c’était à portée de main. Comme si une résolution, n’importe laquelle – peu importe la forme ou le statut final de cet Etat — valait mieux que pas d’Etat du tout. Il n’en va pas autrement de l’Initiative de paix arabe.
Tout d’abord, il faudrait appeler les choses par leur nom : ce n’est pas un “conflit” , mais l’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, de Jérusalem-Est et des hauteurs du Golan, accompagnée de l’expulsion de centaines de milliers de réfugiés et du déni de leur droit au retour —et celui de leurs descendants— dans leur foyers d’origine, l’incarcération continue de plus de 10 000 prisonniers politiques, et la colonisation violente constante de la terre palestinienne.
Pour paraphraser l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, Edward Peck, ce n’est pas d’un "conflit" qu’il faut parler ici, c’est d’une occupation illégale. Et dans la même logique, un " processus de paix" implique un état de guerre, qui à son tour implique que deux parties égales sont en conflit et ont besoin de se réconcilier.
A la place, il y a une occupation illégale, et la solution est simple : exiger qu’il y soit mis fin. Comme nous le rappelait Frederick Douglass [1], "le pouvoir ne concède rien sans qu’on l’exige. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais."
Les Etats arabes doivent repenser radicalement le genre d’ “accord de paix ” qu’ils valident et sont prêts à accepter à la lumière des changements tectoniques qui ont cours dans le monde arabe, de l’écroulement de la Pax Americana et du régime arabe"répressif mais stable", et des nouvelles révélations de Wikileaks et des Palestine Papers sur les agissements douteux de ces régimes.
Désormais il n’est plus suffisant d’endosser simplement une initiative à l’image de ces processus stériles et ratés du passé et du présent et d’espérer que cela suffira. Parce que, même si les régimes arabes le croient, le peuple arabe, non.
Ils ne devraient pas faire l’erreur d’entrer dans un accord de paix avec Israël sans s’assurer d’abord de la fin de l’occupation israélienne et de la reconnaissance par Israël de l’Etat palestinien -ce dont les accords d’Oslo ne font pas la moindre mention et que n’accepte pas la charte du parti au pouvoir [en Israël], le Likoud , qui « rejette platement » son établissement.
Ils ne devraient pas non plus brader les droits imprescriptibles d’un autre peuple –comme le droit au retour des Palestiniens. Et ils ne devraient certainement pas offrirent des concessions s’ils n’obtiennent rien en retour.
Si l’on doit conserver quelque chose des Palestine Papers rendus publics par al-Jazeera, ce sont ces leçons. Les négociateurs palestiniens étaient bien trop enclins à accorder des concessions à Israël—concessions qu’ils n’avaient aucun droit d’offrir, pour commencer. En réponse à leur capitulation, ils n’ont reçu que l’intransigeance d’Israël, un nouveau durcissement de la position israélienne, une augmentation du vol de terre et de la colonisation, et le sabotage résolu du processus.
La leçon à tirer, c’est qu’ Israël n’a jamais été intéressé par une paix juste et durable avec les Palestiniens, seulement une paix qui servirait à renforcer le contrôle israélien de la terre, sans les gens, bloquant à jamais l’accession des Palestiniens à un Etat viable.
C’est Dov Weisglass, le conseiller de l’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon, qui parlait du désengagement [des colonies de Gaza en 2005] comme d’un processus conçu pour parvenir à ce résultat : "Le désengagement est en réalité du formol. Il apporte la quantité de formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus politique avec les Palestiniens."
L’Initiative de paix arabe renforce encore le mythe qu’il y eut au début un processus de paix actif et continu—qu’ Oslo et toutes ses ramifications amènent au bout du compte à une paix juste et durable entre égaux, à un Etat palestinien viable et contigu, à la souveraineté, la liberté, l’égalité et l’Etat.
Il est temps que les Etats arabes sortent du cadre de deux Etats et de la terre contre la paix et qu’ils ouvrent les yeux sur la réalité. Il est temps maintenant d’envisager sérieusement d’accepter la solution d’un pays avec des droits égaux pour tous : la solution d’un seul Etat. Etant donné la réalité sur le terrain en Cisjordanie –où le mur d’annexion israélien, les colonies illégales et les lignes de clôture dévorent presque la moitié de la terre, où Israël est déterminé à maintenir une majorité juive à Jérusalem et dans le reste du pays, quel qu’en soit le prix (c’est du nettoyage ethnique), alors qu’il entend bien repousser indéfiniment un Etat palestinien viable— c’est la seule solution pour parvenir à une paix juste, réalisable et durable. .
[1] célèbre abolitionniste noir aux Etats-Unis au moment de la guerre civile en 1861-65
 Publié par bitterlemons-api.org
Laila el-Haddad is author of "Gaza Mom : Palestine, Politics, Parenting, and Everything in Between". She is also a contributing author to "The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict". http://www.bitterlemons-api.org/inside.php ?id=35#
traduction et notes : C. Léostic, Afps