lundi 16 août 2010

Eviscérer le Droit au Retour

Liban - 15-08-2010

Par Franklin Lamb 
Depuis des mois, pendant qu’était exposé l’historique débat sur les droits civils des réfugiés palestiniens au Liban, l'administration Obama regardait dans les coulisses sans rien faire. Alors que des centaines de milliers de réfugiés palestiniens toussaient et crevaient de chaud en respirant l'air rance du camp dans un Liban accablé par la chaleur et sans air, la Maison-Blanche transmettait un message au Parlement libanais. Les États-Unis ne soutiendront plus de façon significative les droits civils, sociaux ou économiques pour la plus grande et ancienne population de réfugiés au monde et ils veulent qu’ils soient naturalisés partout sauf en Palestine.





Photo : Un réfugié Palestinien montrant son certificat de propriété et la clé de sa maison en Palestine





Beaucoup de gens avaient espéré que le président Obama honorerait au Liban ses appels à des "droits civiques à l'américaine" pour l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan, où chaque jour des actions militaires américaines trahissent les principes fondateurs américains. Ou que son administration prendrait des mesures pour donner une certaine crédibilité au discours du Caire d’Obama en Juin 2009 ou au moins aux promesses de George Mitchell, l’envoyé du président auprès de l’Autorité Palestinienne à Ramallah : «les Etats-Unis travailleront sans relâche jusqu'à ce qu’on en finisse avec les conditions inhumaines des Palestiniens dans tous les camps de réfugiés."
Le bureau de presse de l’ambassade américaine au Liban a informé le mois dernier les militants de la Campagne Libanaise pour les Droits Civiques des Palestiniens, en faisant référence au débat parlementaire, que : «Les États-Unis n'avaient pas de chien dans la bagarre."
Un choix de mots bizarre, pourrait-on penser, compte tenu des souvenirs encore frais dans la mémoire des Libanais des chiens dans la bagarre pendant les 18 ans d’occupation brutale des troupes israéliennes dans 151 villages du Sud Liban et l'utilisation de chiens d'attaque payés par les Américains pour terroriser la population et l'usage de chiens pour profaner des dizaines de mosquées dans le Sud Liban.
En fait, l'administration Obama a un chien dans cette bagarre historique des droits civils au Liban. Métaphoriquement parlant, le bâtard est un croisement entre un pit-bull-Doberman et un Rottweiler enragé et est connu localement sous le nom de «NABI» (Naturalization Anywhere But Israel) (ndt Naturalisation Partout Sauf en Israël).
La Maison Blanche, et le lobby israélien au Congrès, veut que «NABI» guide et amène les Palestiniens du Liban à se réinstaller définitivement et sans peine (au moins pour leur bien payé pays d'accueil) dans le monde entier.
Plus les réfugiés seront loin de la Palestine, mieux ce sera avec peut-être seulement 100.000 Palestiniens qui resteront au Liban, bien qu’ils seront arrêtés s'ils se déplacent au Sud le long de la «ligne bleue» et s’ils s’arrêtent dans des villages comme Maron al Ras pour regarder mélancoliquement leurs anciennes maisons et villages près d’Akka ou de Safad, par exemple.
Les États-Unis prévoient également que NABI éviscèrera le Droit au Retour et ils ont commencé à s’organiser pour que l'argent du pétrole arabe paye la facture de ce plan américano-israélien.
L'administration Obama, de connivence avec Israël, soutien la naturalisation progressive des Palestiniens, où qu'ils soient ou peuvent être intégrés. Dans ce contexte, et selon les informations obtenues par le quotidien koweïtien Al-Anbaa, "le Département d'Etat a formé une équipe d’Arabes et d’Européens, pour faire pression sur les Etats du Golfe afin qu’ils financent un fonds de soutien destiné à tout pays qui acceptera de nationaliser des Palestiniens."
Au cours de son audition de confirmation au Congrès le mois dernier, Mme Maura Connelly, qui doit remplacer Michele Sisson en tant qu’ambassadeur américain au Liban, a été interrogée par un membre de l’AIPAC au Congrès quand le Département d'Etat a abordé la question de l’embarquement des Palestiniens du Liban sur des bateaux en direction du monde entier.
Elle répondit: «Monsieur le Sénateur, les États-Unis sont opposés à une naturalisation forcée», en insinuant que serait autorisé le versement d’argent et d’autres aides pour installer les Palestiniens, plutôt qu'une opération de nettoyage ethnique comme la Nakba de 1948.
Le Secrétaire d'Etat-adjoint pour le Proche-Orient, Jeffrey Feltman, avait affirmé au Liban que les États-Unis étaient absolument contre une naturalisation des Palestiniens au Liban, mais cela a eu lieu au cours des élections municipales libanaises du printemps dernier où de nombreuses promesses politiques américaines ont été faites dans l'espoir d’étayer les perspectives de vote des électeurs anti-Hezbollah et anti-palestiniens, qui sont aujourd'hui, en gros, les mêmes politiciens qui sont opposés aux droits civiques des Palestiniens.
Le député Michel Aoun, le chef du Courant Patriotique Libre et allié du Hezbollah, (sauf sur la question d’accorder aux Palestiniens des droits civiques, même élémentaires), a fait une tournée électorale cette semaine en alertant les gens au sujet du plan américano-israélien.
Le 26 juillet 2010, Aoun a déclaré: «Ce projet (d'installer les réfugiés palestiniens) est une question que nous rejetons et nous ne nous soumettrons pas à une politique étrangère qui prévoit d’exécuter certains plans. Les Etats-Unis ne sont pas intéressés par le fait d’assurer la sécurité, la stabilité et la souveraineté du Liban, mais ils ne veulent que résoudre le problème palestinien d'Israël à nos dépens à nous, les Libanais."
Le chef du Parti Phalangiste, Amin Gemayel, a rapidement ajouté sa voix à celle de son rival Aoun et a exprimé ses craintes face au plan israélo-américain de naturaliser les réfugiés palestiniens au Liban.
Il a révélé dans une interview à Al-Jazira qu'il disposait d'informations au sujet "d'un plan israélien, soutenu par les Américains, pour naturaliser les Palestiniens grâce aux efforts des institutions internationales". Amin n’a pas de problème avec le sabordage du droit au retour et est en faveur de la naturalisation aussi longtemps que cela ne se produira pas au Liban. C'est 50% de la position israélienne et américaine - le seul point de discorde exprimé par les éléments de la Droite libanaise, c'est que les États-Unis et Israël n'ont aucun problème une naturalisation des Palestiniens au Liban - le concept NABI.
L'administration Obama estime que le gouvernement libanais ne peut pas être «persuadé» à coopérer et que les services sociaux pour les réfugiés palestiniens restants pourront être payés par les alliés, y compris par certains membres de l'OPEP même si l'UNRWA doit être éliminée progressivement, ce que préfèrent Israël et les États-Unis pendant la période intermédiaire.
Pourquoi l’UNRWA doit être démantelée
Pour Israël et ses élus américains à Washington, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNWRA), par le simple fait de son existence, est métaphoriquement le Cœur Révélateur d’Edgar Allen Poe qui ne cesse de battre et qui, à chaque battement de plus en plus fort, rappelle au monde la série de crimes internationaux d'Israël.
La raison pour laquelle l'UNWRA doit être mise en pièces par NABI, c'est qu'Israël a longtemps cru que de par son nom même, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l'UNRWA incitait les gens à en savoir davantage sur son travail et sur ce qui s'est passé en Palestine pendant la Nakba. Israël ne peut pas souffrir la nouvelle génération adulte, en particulier en Occident, mais aussi en Israël, qui étudie l'histoire des réussites de l'UNRWA pour les Palestiniens dans le cadre de six décennies de massacres, de saisies de terres et de nettoyage ethnique.
Le Cœur Révélateur de l'UNRWA doit être réduit au silence et ses services pris en charge, au moins pour quelques années, par l'Europe et les Etats-Unis en utilisant l'argent arabe.
Le plan américano-israélien est que les réfugiés naturalisés se débrouilleront tous seuls partout où ils se retrouveront et que l'UNRWA peut être définitivement démantelée.
Des sources proches d'Israël au Congrès américain s’attendent à ce que l'UNRWA soit supprimée purement et simplement, ou au moins vidée financièrement suite à des audiences du Congrès et à une campagne de calomnies organisée par le Lobby israélien ressuscitant les "terroristes dans ses rangs" et les faux "manuels antisémites de l’UNWRA", paradigmes d’un récent passé.
Ce qui est à l’étude, c’est une campagne similaire aux accusations jamais prouvées de la candidate à la présidence Hillary Clinton et d'autres lors de manifestations de l'AIPAC qui ont lancé des accusations comme l'augmentation de terroristes dans les écoles de l'UNRWA.
Au Liban, le fait est que l'UNRWA interdit dans ses 78 écoles l’histoire et la vie politique palestinienne. Les jeunes dans les camps ont déclaré à la Campagne Libanaise pour les Droits Civiques des Palestiniens (PCRC) que l'UNRWA a tellement peur de la critique d'Israël ou du Congrès américain qu'elle ne leur permet même pas de porter le keffieh traditionnel ou des tee-shirts, bracelets, colliers ou broches qui pourrait laisser entendre (Pourvu que non !) un soutien politique pour leur propre pays, la Palestine.
La Marque de Fabrique Américaine
Le gouvernement américain est nettement favorable à la proposition du projet de loi de la "coalition" des Forces Libanaises du 14 Mars de Samir Geagea. Cette approche édulcorée, au plus petit dénominateur commun, prévue actuellement au vote parlementaire du 17 Août, offre quelques miettes aux réfugiés Palestiniens, dont une adaptation de l’article 9 du Code du Travail qui facilitera l’obtention d’un permis de travail mais ne permettra pas de posséder un logement, de bénéficier d’une sécurité sociale significative ou d’accéder à plus de 20 professions syndiquées.
Dans sa rédaction actuelle, la «proposition de consensus» du 14 Mars n’accomplira pratiquement rien pour l'attribution des droits civils, sociaux et économiques aux normes internationales pour les réfugiés palestiniens du Liban.
Le gouvernement américain soutient la proposition de la coalition du 14 Mars et fera pression pour qu'elle soit adoptée, au moins, si cela ressemble aux projets du Parti Socialiste progressiste de Joumblatt ou au Parti National Socialiste Syrien qui peuvent avoir une chance d'être adoptés.
Chacun de ces deux projets de loi serait une amélioration considérable par rapport au Projet de loi de «nourriture à des poulets dispersés» des Forces Libanaises ou au «projet de loi consensus» du 14 Mars. Si le projet de loi à la marque de fabrique américaine est adoptée, l'administration américaine fera pression sur ses amis dans la région pour qu’ils l’acceptent et annoncera, sans aucun doute, que «la mission pour les droits civils des Palestiniens a été accomplie».
Ce sera un mensonge et la pression de la génération des jeunes dans les camps qui se voient refuser une dignité et toute réelle possibilité dans la vie continuera à se développer vers une explosion. L’inquiétude américano-israélienne pour garantir le droit fondamental au travail et la possession de maison aux réfugiés palestiniens au Liban n'a rien à voir avec les craintes d’al tawtin (de naturalisation), ou de la perte du Droit au Retour des réfugiés, ce qui est une grande source de préoccupation pour les Libanais.
En effet, les préoccupations américano-israéliennes sont précisément le contraire. Tous les deux veulent que les Palestiniens deviennent des citoyens dans des dizaines de pays si nécessaire et qu’ils se fondent dans le décor et qu’ils oublient la Résolution 194 de l’Assemblée Générale des Nations Unies qui a mandaté leur inaliénable Droit au Retour.
La seule force politique au Parlement qui peut mettre en échec cette dernière stratégie américano-israélienne, qui vise également indirectement le Hezbollah et l'Iran, est la Résistance Nationale Libanaise, avec son large soutien dans le public et ses alliés législatifs.
La résistance menée par le Hezbollah peut rassembler les 65 voix pour promulguer une loi aux normes internationales sur les droits civils au lieu de l'actuel geste de bonne conscience médiocre que les Etats-Unis, Israël et leurs mandataires planifient actuellement pour le 17 août.
Il serait préférable pour tous les intéressés que ce vote soit reporté de 60 jours au lieu de faciliter le plan soutenu par les Etats-Unis et Israël. S'il est adopté dans sa forme actuelle, il garantira de sombres perspectives pour les réfugiés palestiniens du Liban, et très probablement pour le Liban et la région dans les années à venir.