lundi 28 septembre 2009

Israël, vers un renversement d’alliance ?

Dimanche, 27 septembre 2009 :: Christian Bouchet
Israël, vers un renversement d’alliance ?

Selon un récent sondage du Jerusalem Post seuls 4% des Israéliens estiment que le nouveau président américain Barack Obama mène une politique qui leur soit favorable et un peu plus de la moitié des personnes (51%) interrogées dans le cadre de ce sondage pensent que la nouvelle administration américaine est « plus pro-palestinienne que pro-israélienne », 35% estimant qu’elle est neutre. Ces résultats sont à mettre en regard avec ceux d’un autre sondage effectué durant la présidence de George Bush. 88% des Israéliens considéraient alors l’administration Bush comme pro-israélienne, 7% la jugeaient neutre et 2% l’étiquetaient comme « pro-palestinienne ».

Si la politique suivie par Barack Obama au Proche-Orient, depuis son accession à la présidence, agace les israéliens de la rue, il va sans dire que dans les milieux diplomatiques et militaires du pays l’inquiétude est encore plus grande. Si aucune rupture inéluctable n’est encore survenue, certains analystes de l’État sioniste pensent cependant que la situation peut notablement s’aggraver et conduire à un dangereux isolement d’Israël sur la scène internationale.

D’où la volonté de certains des officiers généraux de Tsahal, parmi les plus influents, de mettre en place des plans d’action en direction des deux autres grands – la Chine et la Russie – en vue de diversifier les alliances stratégique du pays.

Les relations économiques et militaires entre les Chinois et les Israéliens ne sont pas récentes. Elles ont par contre toujours été caractérisées par une extrême discrétion et comme le relate un document de la Chambre de Commerce France Israël « Pour connaître réellement se qui se passe entre les deux pays il faut posséder en Israël le plus haut niveau sécuritaire. Les israéliens ne veulent pas que leurs alliés américains en sachent trop. » Cependant, de temps à autre un article, en apparence anodin, paraît sur cette coopération anonyme : une nouvelle ligne régulière de EL-AL qui ouvre entre les deux pays; une
visite de militaires Chinois à Jérusalem; une déclaration de l’Ambassadeur Chinois en poste à Tel-Aviv dans un magazine; une visite officielle de généraux israéliens à Pékin…

Cependant, si la coopération bi-nationale est bien réelle, elle ne semble concerner encore que des aspects économiques, le meilleur exemple en étant l’accord de coopération de 200 millions de dollars qu’a signé, en 2008, le gouvernement de la province chinoise de Jiangxi avec Israël. On sait aussi qu’Israël attire de plus en plus de firmes multinationales chinoises spécialisées dans le domaine de la construction et des infrastructures et que la Chine et Israël réalisent ensemble un courant d’affaires de 4,5 milliards de dollars, dont une part notable concerne des marchés de ventes d’armes, secteur dans lequel la Chine est l’un des trois principaux acheteurs d’Israël.

Si l’importance des relations économique avec la Chine est grande, au niveau diplomatique c’est cependant vers la Russie que regardent les militaires israéliens afin de conclure une alliance alternative.

Leur meilleur allié dans cette affaire est Avigdor Liberman, le très contesté ministre des Affaires étrangères d’origine russe. Sa stratégie est transparente : construire une alliance profonde avec son pays natal et dans la foulée faire passer l’alliance USA-Israël au second rang. En cela, il est aidé par un phénomène démographico-sociologique particulier : le million de juifs russes qui a émigré en Israël dans les années 1990 détient de plus en plus de responsabilités gouvernementales et compte maintenant des représentants au cœur de l’appareil d’État. Un nombre important d’entre eux ont gardé des liens familiaux ou affectifs avec la Russie et se sentent mille fois plus proche d’elle que des USA, ils sont donc extrêmement favorables à la mise en oeuvre d’une coopération politique, technologique et militaire solide entre leur pays de naissance et leur pays d’élection.

Ce n’est donc pas du tout par hasard que Shimon Péres s’est rendu en août à Moscou. Ce n’est pas non plus par hasard qu’il y a abordé des sujets auxquels les américains ont toujours été très hostiles (achat d’armement, transfert de technologie et de savoir-faire israélien vers la Russie dans des domaines sensibles : drones, avionique, nanotechnologie, nucléaire, etc.)

Si des accords venaient à être conclus, toute la région y gagnerait sans aucun doute en stabilité car les bonnes relations qu’entretiendrait alors Moscou avec la Syrie, l’Iran et … Israël, seraient de nature à modifier notablement la donne au Proche-Orient. Cela réduirait à néant le projet d’un « Nouveau Moyen-Orient », feuille de route militaire yankee au Moyen-Orient à laquelle le Département d’État n’a pas totalement renoncé et qui consiste à créer un champ d’instabilité, de chaos, et de violence, s’étendant du Liban, de Palestine et de la Syrie, à l’Irak, au golfe Persique, à l’Iran et aux frontières de l’Afghanistan tenu par l’OTAN permettant de redessiner la carte du Moyen-Orient en fonction des besoins et objectifs géostratégiques de l’Oncle Sam.

C’est ce que crains, bien sur, le Département d’État. Et c’est, vraisemblablement, ce qui explique que la police israélienne a très récemment clos une enquête qui durait depuis trois ans et recommandé l’inculpation d’Avigdor Lieberman pour fraude, obstruction à la justice, harcèlement et blanchiment d’argent… Alors que dans le même temps la presse de « gauche » se déchaîne d’une manière hystérique contre lui car il a eu l’outrecuidance d’exiger – ce qui semble pourtant la moindre des choses – que tous les candidats au poste de diplomate aient effectué leur service militaire…

Il n’y a pas, en effet, qu’en Europe que le parti américain compte des auxiliaires zélés, et on ne manque pas de petits Quisling à Tel-Aviv comme à Paris ou à Bruxelles.