dimanche 16 août 2009

Fatah : éviter les vrais questions et courir après les titres

samedi 15 août 2009 - 08h:06

Khalid Amayreh - Uruknet


Alors que les 2200 délégués du Fatah se sont querellés dans la course aux titres, ils ont soigneusement évité les questions importantes, écrit Khalid Amayreh.

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Abbas à la conférence de Bethléhem - Les résultats des votes pour les instances du Fatah à peine publiés, les contestations fusent, qu’il s’agisse de l’ancien ministre Qorei ou des "fatahistes" de Gaza qui s’estiment complètement sous-représentés - Photo : AP/Nasser Shiyoukhi

Beaucoup de Palestiniens imaginaient que la convention du Fatah à Bethléem permettrait de revitaliser le mouvement en le libérant de son actuelle et déshonorante soumission à Israël, et en le remettant sur la bonne voie, celle d’une authentique lutte nationale qui aboutirait à la libération du peuple palestinien et de sa patrie de la cruelle occupation et domination sionistes.

Mais ce dont nous avons été les témoins au cours des derniers jours, c’est d’une cacophonie délirante et déclamatoire qui a lamentablement échoué à traiter les vrais problèmes auxquels fait face la population palestinienne, et a mis en péril ses intérêts nationaux vitaux.

En effet, alors que les environ 2200 délégués du Fatah se sont déchirés entre eux dans la course aux titres, ils ont soigneusement évité les questions essentielles telles que le Droit au Retour, l’ignominieuse coordination sécuritaire avec Israël et la persistance du blocus israélien de la bande de Gaza, ainsi que la criminelle politique israélienne de limitation des matériaux de construction destinés à Gaza.

Le Fatah a également laissé de côté le spectacle scandaleux connu sous le nom de « processus de paix », utilisé par Israël comme couverture pour continuer l’expansion des colonies juives ainsi que la suppression dans Jérusalem de toute identité arabo-islamique.

Aucune personne de bon sens ne s’attendait à ce que la conférence du Fatah déclare la guerre à Israël. Cependant, tous les Palestiniens avaient absolument le droit d’attendre des délégués du Fatah qu’ils prouvent être dignes de représenter le peuple palestinien comme ils le prétendent.

Ce qui est encore plus tragique, c’est l’impression largement répandue que les délégués du Fatah placent leurs propres intérêts partisans avant leur devoir national.

Eh bien, c’est le malheur d’une nation divisée en clans, chaque clan s’affichant comme étant la nation.

Malheureusement le Fatah n’est plus ce qu’il était. L’ancien mouvement de libération s’est de lui-même et grâce à ses dirigeants corrompus, complètement domestiqué et « dé-révolutionnarisé » tout en prétendant abusivement rester sur la voie de la résistance et de la lutte armée.

Cette direction a tenté au maximum la voie des négociations avec Israël depuis 1993, mais en vain. En fait, le seul résultat de près de 15 ans d’un marathon de négociations avec Israël, c’est plus de colonies de peuplement juives en Cisjordanie et plus de vol de terres arabes, à tel point qu’il n’y a plus de réel espace pour la mise en place d’une véritable et viable État palestinien.

A présent, cette direction, qui s’obstine à fonctionner sans vergogne sous la rubrique du faux patriotisme, promet rien de moins que de continuer, avec encore plus plus de vaines négociations avec Israël, probablement jusqu’à ce qu’il ne reste rien à négocier. Malheureusement, c’est la façon déformée dont ils comprennent le pragmatisme et le réalisme.

La façon dont la conférence de Bethléem a traité la question du Droit au Retour est très préoccupante, pour dire le moins. Le Fatah comme le Président Mahmoud Abbas n’ont fait qu’une vague et imprécise allusion à ce droit.

Ces allusions ont montré que le Fatah va peut-être utiliser la plus primordiale des questions palestiniennes comme une sorte de monnaie d’échange pour obtenir qu’Israël accorde un Etat aux Palestiniens, aussi dépourvu de substance que soit peut-être « l’État » en question.

En effet, une lecture attentive du discours de Abbas laisse entendre que la direction de l’OLP et du Fatah serait disposée et prête à réellement compromettre le Droit au retour en échange d’une compensation politique.

Plus précisément, la mise en avant par Abbas du retour de 300 000 Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza après les Accords d’Oslo montre une tendance de sa part à considérer « le retour des Palestiniens déplacés dans les territoires occupés par Israël en 1967 » comme une application partielle du Droit au Retour.

Si c’est le cas, cela équivaudrait à une trahison définitive de ce droit et à un abandon perfide de millions de réfugiés qui souffrent qui ont toujours rêvé de retourner dans les maisons, les villages et les villes d’où eux ou leurs parents et grands-parents ont été expulsés lors de la création de l’Etat sioniste il y a plus de 60 ans.

Nous savons tous que Abbas est habitué à parler du Droit au Retour en termes négatifs et péjoratifs. C’est ce qui lui a valu de plaire à Israël et de gagner le surnom sans consistance de « modéré ». Nous savons aussi que s’il n’y avait pas eu tous les efforts déployés par le Hamas et d’autres dignes nationalistes palestiniens pour affirmer le caractère central de ce droit, le Fatah, avec sa direction compromise, aurait plus que probablement fait en sorte que la question tombe dans l’oubli.

Cela montre que le Fatah à lui seul ne peut pas être chargé du droit sacré pour les réfugiés de retourner dans leurs foyers. C’était déjà le cas au cours de l’ère Arafat et c’est encore plus vrai aujourd’hui avec l’apparition d’une nouvelle génération de dirigeants du Fatah qui montrent plus d’intérêt pour les belles voitures et l’accumulation de richesses que pour la souffrance du peuple palestinien.

Une autre question que la convention du Fatah a presque complètement ignorée est la scandaleuse « coordination de sécurité » avec Israël en Cisjordanie. Cette abominable coordination sécuritaire n’est rien de moins que de la trahison.

La coordination sécuritaire prend une variété de formes très laides, dont une persécution systématique et la traque des sympathisants du Hamas, la fermeture d’institutions islamiques, la révocation des fonctionnaires islamiques de leur emploi ainsi que l’échange de données [avec Israël] sur de potentiels militants de la résistance.

L’année passée, un haut commandant de la sécurité palestinienne a été cité comme disant à un commandant de l’armée sioniste : « Nous sommes des alliés, pas des ennemis, nous avons un ennemi commun qui est le Hamas. »

Malheureusement, cet officier et ses collègues n’ont jamais été réprimandés et encore moins punis pour avoir fait ces commentaires qui relèvent de la haute trahison. Et même, certains de ces soi-disant officiers ont pris part à la conférence de Bethléem.

Inutile de dire que la collaboration étroite entre les organismes de sécurité de l’Autorité palestinienne [AP de Ramallah] et Israël a eu des conséquences désastreuses pour l’unité nationale palestinienne.

Depuis le milieu des années 2007, on estime que plus de 10 000 militants islamiques ont été arrêtés en Cisjordanie, beaucoup d’entre eux étant soumis à de graves tortures mettant leur vie en danger.

Ce sont au moins onze personnes, dont des responsables religieux et des enseignants, qui ont trouvé la mort sous la torture aux mains des interrogateurs de l’AP.

La dernière victime est Kamal Abu T’iema, un enseignant et dirigeant communautaire au camp de réfugiés de Fawwar, près de al-Khalil, qui avait passé un quart de sa vie à se languir dans les prisons et forteresses israéliennes.

Abu T’iema est décédé la semaine dernière, succombant à un accident cérébro-vasculaire qui s’était déclaré il y a quelques semaines à la suite de graves tortures au siège de l’agence de sécurité de l’AP à Hébron. Il n’avait jamais imaginé même dans ses pires cauchemars qu’il mourrait suite aux tortures subies aux mains de gens qui prétendent lutter pour la liberté de la Palestine.

Malheureusement, très peu de représentants du Fatah à Bethléem ont le courage d’appeler les choses par leur nom, surtout après avoir vu « la pelle dans les mains de gens comme Muhammad Dahlan », qui avec rapidité et enthousiasme ont suivi les ordres de l’administration Bush pour allumer une guerre civile en Palestine, servant ainsi des objectifs et desseins israéliens.

Le Fatah était une organisation de renom qui luttait pour une noble cause, la cause d’un peuple opprimé résistant à un agresseur s’apparentant aux nazis et voulant faire disparaître et effacer [les Palestiniens] de la surface de la terre.

Il apparaît aujourd’hui que le Fatah s’est effectivement transformée en un hôtel cinq étoiles où les anciens révolutionnaires tentent de profiter de la vie, tout en regardant avec la plus grande indifférence le reste du pays - qu’ils sont censés devoir libérer - mis en miettes et accaparé par les sionistes, et regardant le peuple qu’ils devraient représenter se faire kidnapper, maltraiter et torturer par Israël, le présumé partenaire pour la paix.

Le Fatah que nous connaissions depuis des décennies semble bien mort. Peut-être un autre Fatah, un mouvement intègre et digne, prendra-t-il la place de ce cadavre. Ceci est inévitable car la trahison ne peut pas prospérer dans ce pays.

10 août 2009 - Uruknet - Vous pouvez consulter cet article à :

http://www.uruknet.info/?p=56806
Traduction : Claude Zurbach