vendredi 17 juillet 2009

Haniyeh : Pas de solution sans dialogue

Gaza - 16-07-2009
Par Palestine Info
Ismaël Haniyeh, premier ministre palestinien, a confirmé que le dialogue national reste la seule route possible permettant la fin des conflits intérieurs et de l’état de division qui déchire la scène palestinienne. Haniyeh a accordé une interview au journal Al-Ray(L’opinion), journal publié par le ministère palestinien d’informations, à Gaza, dimanche 12 juillet 2009. Notre Centre Palestinien d’Information (CPI) en a reçu une copie.

Haniyeh insiste à dire que le choix le meilleur, pour toutes les factions palestiniennes est l’union pour préserver les droits du peuple palestinien.

Et pour ce qui est des conséquences de la guerre agressive israélienne menée contre Gaza sur le rendement du gouvernement, six mois après, Haniyeh dit que son cabinet a pu amortir beaucoup, dans un délai record. Armés d’une forte volonté, les ministres travaillent dans des conditions exceptionnelles très difficiles, conditions conséquences du blocus et de la guerre agressive israélienne menée contre Gaza et de beaucoup d’autres défis.

Il saisit l’occasion pour saluer les ministres qui ont beaucoup fait, en dépit de toutes les difficultés. Il confirme la détermination de s’ouvrir sur toutes les composantes de la société palestinienne, politiques, tribus ou organisations civiles.

Le gouvernement adopte la stratégie de la résistance. En effet, la résistance n’est pas seulement représentée par le fusil et par l’obus, mais aussi par la culture et par l’identité. Nous ne mélangeons pas les étapes et nous nous rendons compte que nous sommes dans l’étape de la libération nationale. En tout cas, nous dirigeons un cabinet qui protège la résistance.

Puis Haniyeh adresse aux membres du Hamas plusieurs messages. Dans le premier, il leur demande de garder l’espoir de toute la Nation pour reprendre la sainte mosquée d’Al-Aqsa.

Dans le deuxième, il leur fait part de sa compréhension de tous leurs sacrifices, la taxe de la victoire à venir.

Dans son troisième message, il leur demande de rester attachés aux éléments de la force : la foi en Allah (le Tout Puissant) en premier.

Puis Haniyeh exhorte le mouvement du Fatah à travailler avec eux pour reprendre les droits perdus du peuple palestinien et pour créer leur Etat.

Il n’y a de solution que par le dialogue et l’unité, dit Haniyeh, puisque la direction est unique : la ville d'Al-Quds et la sainte mosquée d’Al-Aqsa.

La première question

Le journal Al-Ray : Six mois après la guerre, quel regard portez-vous sur le rendement du gouvernement ?

Ismaël Haniyeh : Sans aucun doute, ces six mois sont différents des précédents. Ils viennent après une guerre, la plus agressive menée contre la bande de Gaza. L’occupation israélienne a dirigé tous ses feux sur tout ce qui est palestinien dans la bande de Gaza. Les occupants ont détruit les infrastructures, les ministères, les bâtiments des services de sécurité, les maisons civiles, les écoles, les maternelles, les universités, les arbres, les plantes, les rues, les réseaux d’eau, d’électricité et de téléphone. Ils ont tout détruit, mais pour aussitôt fuir la Bande.

Une image bien sombre. Cependant, notre peuple palestinien a montré une résistance exceptionnelle pendant la guerre comme après. Les ministères ont repris leur travail comme avant et même mieux. Les ministres et les fonctionnaires ont travaillé sous des tentes ou dans des bâtiments des plus étroits. Avec les moyens du bord, vraiment limités, ils ont pu offrir leurs services au public.

Le domaine de la santé a connu des cas créatifs exceptionnels, en traitant surtout les blessés de la guerre agressive israélienne menée contre Gaza. Les ministères des affaires sociales, des travaux publics, des transports, des communications ont mis des efforts grandioses pour servir le public, d’une bonne façon, rapide.

A titre d’exemple, des dizaines de rues ont été restaurées, bien que le goudron fût pratiquement inexistant. Mais les Palestiniens ont la bonne idée d’utiliser les petites pierres, un moyen pour dépasser les conséquences de la guerre.

Le gouvernement a pu, en un temps record, amortir beaucoup d’effets de l’agression et reprendre le travail, armé d’une volonté inébranlable.

Toutefois, nous admettons qu’il y a des ratés ici et là : les pressions sur le terrain sont trop fortes.

L’ouverture sur autrui

Le journal Al-Ray : Etes-vous satisfaits du rendement de vos ministres et des responsables des bureaux ?

Ismaël Haniyeh : Sûrement, nous avons une confiance totale en nos frères ministres, notamment du fait qu’ils travaillent dans des conditions exceptionnellement difficiles. Le blocus, l’agression, la guerre, l’état de division intérieure, les défis sont très nombreux. Malgré tout, les frères ministres tiennent le cap. Ils font des miracles, en dépit des peu de moyens qu’ils ont sous la main. Les ministères travaillent main dans la main, d’une façon jamais vue auparavant.

Le journal Al-Ray : La cause de la sécurité vous empêche de vous montrer en public assez souvent. Cela n’affecte pas la tâche du gouvernement ?

Ismaël Haniyeh : Jamais le premier ministre n’est absent de son travail, ni les ministres d’ailleurs. Il suit les affaires les plus minimes, et même dans les plus sombres moments et durant la guerre. Nous avons trouvé les moyens de continuer nos missions qui nous sont confiées par le peuple.

Le journal Al-Ray : La relation entre votre cabinet et le mouvement du Hamas, comment la voyez-vous ?

Ismaël Haniyeh : Notre gouvernement est ouvert à toutes les composantes de la société palestinienne : mouvements, partis, organisations privées, tribus.

C’est évident que le mouvement du Hamas possède une position particulière. Nous travaillons pour une complémentarité entre les composantes de la société et le gouvernement, au service de notre peuple. Il y a évidemment quelques différences entre le gouvernement et le mouvement. Ces différences viennent de la position de chacun. Toutefois, nous avons réussi à empêcher la fusion entre le gouvernement et le mouvement. Un équilibre s’établit, profitant de toutes les expériences et de tous les conseils, des conseils venant du Hamas ou d’autres factions nationales.

Créativité politique

Le journal Al-Ray : On croit que l’adoption de la résistance par le gouvernement sera un suicide politique. Qu’en dites-vous ?

Ismaël Haniyeh : Pas du tout, c’est une créativité politique. En fait, la résistance n’est pas seulement un fusil ou un obus explosif ; c’est une culture et une identité. Nous ne mélangeons pas les étapes. Nous vivons actuellement une étape de libération nationale. Nous dirigeons un cabinet qui défend le choix et le programme de la résistance pour arriver à la création de notre Etat, après la libération. Nous essayons de servir le public dans ses affaires quotidiennes, sans pour autant faire de concession politique. Notre gouvernement adopte toujours le projet de la résistance.

Les discours d’Obama et de Netanyahu

Le journal Al-Ray : Quelle est votre position sur les discours d’Obama et de Netanyahu ?

Ismaël Haniyeh : Il est clair que nous vivons une nouvelle phase politique différente des précédentes, aussi bien aux Etats-Unis qu’à l’intérieur de l’entité israélienne. En effet, le discours du président Obama exprime une volonté de pratiquer des changements dans les politiques de son pays, en ce qui concerne la région en général et la question palestinienne en particulier. Ce qui nous intéresse, c’est que ces paroles se concrétisent afin de rendre à notre peuple palestinien ses droits et afin qu’il ait son Etat indépendant.

Nous avons parlé de façon positive du discours d’Obama et nous attendons qu’il se concrétise. Et nous avons confirmé que nous ne serions jamais un obstacle face à la sécurité, la stabilité et la paix dans la région.

Et pour ce qui est du discours de Netanyahu, il ne reflète que l’esprit sioniste qui refuse toujours de rendre aux Palestiniens leurs droits, même les plus minimes. Il affirme encore une fois l’échec de toutes ces politiques qui essaient de satisfaire l’ennemi et qui applique gratuitement les accords servant seulement sa sécurité. Et lui, par contre, refuse de reconnaître nos droits nationaux et continue de confisquer nos terrains, de judaïser la ville d'Al-Quds, de refuser le droit au retour, d’ignorer la loi internationale et humaine, de commettre plus de crimes et de guerres, de renforcer le blocus imposé sur notre peuple. Tout cela rend inutile l’application de la « feuille de route » et d’autres accords. Cette application ne sera qu’une mauvaise aventure qui vient à l’encontre des droits de notre peuple et de ses intérêts nationaux.

Le choix de l’union

Le journal Al-Ray : Abou Al-Abd (Ismaël Haniyeh) restera-t-il attaché au poste de premier ministre dans tous les cas ?

Ismaël Haniyeh : J’ai l’honneur de ce poste dont le peuple palestinien m’a chargé pour toute cette période. Et j’implore Allah (le Tout Puissant) pour qu’Il m’aide à assumer cette tâche de sorte qu’Il soit satisfait. J’espère pouvoir travailler dans l’intérêt de notre peuple, pour ses droits et ses principes. Nous considérons ce poste comme une charge et non comme un privilège. Certes, nous avons assumé nos responsabilités en travaillant main dans la main avec nos frères pour servir notre peuple. J’espère que Ismaël Haniyeh ne sera pas un jour un obstacle devant une réconciliation nationale. En effet, l’unité de notre peuple est plus importante que les individus. Ses intérêts sont plus importants que les noms. Allah (le Tout Puissant) sait bien que nous n’avons aucune envie d’aucun poste. Nous ne cherchons pas des privilèges pour nous-mêmes. Nous cherchons une bonne place pour notre peuple sur la carte politique du monde. Et il la mérite, cette place. Après toutes ses luttes et tous ses sacrifices. Il doit prendre son rôle naturel bafoué depuis des décennies.

Le journal Al-Ray : Comment voyez-vous l’avenir des relations nationales ?

Ismaël Haniyeh : Le meilleur choix pour tous les Palestiniens est l’union pour préserver les droits du peuple palestinien. C’est vrai qu’il y a des opinions et des tendances politiques diverses, je ne crois pas cependant qu’il y ait des divergences sur le droit palestinien ou sur l’objectif palestinien final. Etant donné que nous vivons sur la même terre, notre destin sera le travail commun et l’accord entre les différents programmes. En fin de compte, nous devons travailler comme une seule équipe afin que nous progressions face aux Sionistes ; la division politique ne fait que renforcer notre faiblesse. Par contre, cette division donne des points de force supplémentaires à nos adversaires qui appliqueront la règle : « diviser pour régner ». Nous sommes pleins d’espoir pour que la réconciliation, tant attendue par notre peuple, soit faite en préservant les principes et les droits de notre peuple ainsi que son choix de la résistance.

Le journal Al-Ray : Quel regard portez-vous sur les délégations venant rendre visite à Gaza, ces derniers temps ?

Ismaël Haniyeh : Nous considérons ces visites comme un pas positif pour briser le blocus. La visite de ces délégations, ces personnes, ces institutions, confirme combien ce blocus est injuste et combien le peuple palestinien est opprimé. C’est un message adressé à la communauté internationale lui demandant d’y mettre fin.

Ces visites sont une confirmation de l’échec de la volonté d’isoler le peuple palestinien. C’est aussi un signe que la solidarité avec notre peuple est en augmentation et que la souffrance tout au long de toutes ces années a donné ses fruits. L’avenir le confirmera de plus en plus.

Double message

Le journal Al-Ray : Quel message aimeriez-vous adresser aux membres du mouvement du Hamas ?

Ismaël Haniyeh : En fait, ils sont plusieurs, les messages.

Le premier : Ce que vous avez semé commence à donner ses fruits. Vous êtes dans l’avant-garde du projet de la libération nationale de la reconstitution islamique. Tout le monde vous regarde. La nation a une bonne image de vous, alors continuez. Vous êtes l’espoir de cette Nation ; vous êtes l’avant-garde dans la route menant vers la sainte mosquée d’Al-Aqsa ; vers la grande dignité.

Notre deuxième message : Nous savons combien vous donnez de martyrs, de blessés et de captifs, mais nous savons aussi que c’est la taxe de ceux qui croient en la victoire à venir. Restez compréhensifs avec vos frères qui ont des opinions différentes des nôtres. Appliquez l’invocation du prophète (que la prière et la salutation d’Allah (le Tout Puissant) soit sur lui) : « Ô mon Seigneur ! Guide ma tribu ; ils sont ignorants ». La bienfaisance restera sur cette terre bénie.

Notre troisième message : Restez attachés aux éléments de la puissance. Le premier est la foi en Allah (le Tout Puissant), la piété. Evitez de Le contrarier. Hissez loin l’étendard de l’islam. Sachez que celui qui cherche la dignité en dehors d’Allah (le Tout Puissant), Il Le rabaisse. Sachez aussi que le monde d’ici-bas et sa force ne sont qu’une attirance négative. Et notre vraie force sera d’avoir la foi et de servir notre peuple. {Modeste envers les croyants, fiers envers les mécréants}(Sourate 5, verset 54). Enfin, soyez ascètes, le monde d’ici-bas vous sera obéissant.

Message au Fatah

Le journal Al-Ray : Et quel sera votre message adressé au mouvement du Fatah ?

Ismaël Haniyeh : Nous leur disons : Qu’Allah (le Tout Puissant) nous guide dans le bon chemin. Vous et nous sommes dans le même bateau, sur la même terre, la terre de la Palestine. C’est Lui qui rehausse et rabaisse qui Il veut. Notre ennemi est commun. Nous devons alors travailler ensemble face à lui ; nous devons travailler main dans la main pour reprendre nos droits et installer notre Etat.

Nous leur disons : Dès le départ, nous avions dit qu’il n’y a pas de solution si ce n’est par le dialogue, par la coexistence des programmes différents, étant donné que l’orientation est la même. L’orientation nous est connue : la ville d'Al-Quds et la sainte mosquée d’Al-Aqsa et les droits de notre peuple. Cependant, chercher l’appui à l’étranger et mettre tout intérêt plus haut que l’intérêt de notre peuple n’ont aucune utilité. La manœuvre perfide ne joue que contre ses propres joueurs. Sachez que notre force réside dans notre union, union pour la Palestine et sa cause. Tout pari sur autre chose ne sera que jouer les intérêts et les droits de notre peuple ; les résultats auraient ainsi été connus d’avance : la perte.

Nous demandons au mouvement du Fatah l’union, qu’il en finisse avec ses différends, qu’il développe une position unique préservant les fondements du mouvement. Le Fatah est parti comme un mouvement de résistance, un mouvement de libération nationale, non un mouvement ébranlé par toutes les vagues, dirigé vers cette plage ou vers une autre.

Le dialogue

Le journal Al-Ray : Où en est-on avec le dialogue ?

Ismaël Haniyeh : Nous croyons que le dialogue reste le seul moyen pour mettre fin à nos différences internes, pour en finir avec cet état de division. Nous avons tout fait pour réussir le dialogue, dès son premier round. Cependant, il y a deux problèmes principaux.

Le premier est de s’appuyer sur l’étranger et de céder aux pressions internationales : les conditions du Quartette, l’affaire des détenus politiques.

Le deuxième réside dans les bases avancées pour une solution. Par exemple, le mouvement du Fatah trouve que ce qui s’est passé à Gaza et ce qui s’est passé en 2007 sont les vrais problèmes. Il veut retourner à Gaza pour mettre fin à la division entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Cette idée ne mène à aucune solution. La bonne logique veut que l’on parle des problèmes existant avant et après le 14 juin 2007, des problèmes qui ont besoin de solutions afin que ce qui s’est passé ne se produise plus et afin de protéger la société palestinienne et son système politique sur la base de l’acceptation de l’autre, en croyant au travail commun.

Le journal Al-Ray : Regrettez-vous d’avoir participé aux élections et d’avoir constitué le gouvernement ?

Ismaël Haniyeh : Sans doute, il y a deux positions différentes. Nous entendons de temps à autre quelqu’un dire : Vous êtes un mouvement de résistance, que faites-vous avec la politique ?

De telles questions sont posées par deux genres de personnes. Le premier genre aime le mouvement. Il croit qu’en travaillant en politique, nous laissons tomber la résistance et nous perdons la tête. A ceux-là, nous confirmons que nous nous rendons compte que nous vivons dans une étape de libération nationale. Toutefois, nous devons assumer la tâche qui est de diriger la société et de défendre politiquement ses droits. Heureusement, nous avons réussi dans les deux domaines, même sous le blocus. Nous avons pu assurer la couverture politique et officielle au programme de la résistance, stopper les séries de concessions. Il était naturel que nous travaillions dans la politique après avoir été choisis par la majorité de notre peuple.

Le deuxième genre utilise la même logique, mais seulement pour critiquer le mouvement, afin de dire qu’il a laissé tombé ses programmes, afin aussi de condamner ses positions politiques. A ceux-là, nous disons que nous sommes toujours dans la résistance. La politique ne nous change pas et ne peut changer nos positions.

L’abus de pouvoir

Le journal Al-Ray : Par la nature du travail de terrain, des erreurs inacceptables voient le jour. Comment traitez-vous de telles affaires ?

Ismaël Haniyeh : Sans aucun doute, celui qui ne travaille pas ne commet pas d’erreurs. Il y a certainement des fautes commises, involontairement. Elles concernent cependant l’application et non le programme.

Nous poursuivons tout abus de pouvoir. Plusieurs fonctionnaires ont été licenciés ou sanctionnés différemment. Nous ne permettrons aucun abus.

Pour cette raison, nous avons mis en place un bureau de plaintes. Il reçoit les plaintes du public, dans le conseil des ministres comme dans le ministère de la justice. Il tâche à rendre au citoyen son droit bafoué. Il y a également le bureau du contrôleur général du ministre de l’intérieur.

Enfin, nous implorons Allah (le Tout Puissant) afin qu’Il nous guide pour servir notre peuple, afin que nous restions dans la bonne pensée de notre Nation et notre peuple palestinien, afin qu’Il nous unifie, afin qu’Il guide nos semblables à ce qui nous amène le bien et la droiture dans ce bas monde comme dans l’au-delà.