Nora Barrows-Friedman - Al Jazeera
Les résidents palestiniens de Wadi Rahaal ont toujours su que le moratoire sur la construction des colonies prendrait fin, écrit Nora Barrows-Friedman.
Une fois les maisons palestiniennes démolies, de nouvelles constructions israéliennes se mettent en place, en l’occurrence, cas parmi tant d’autres, c’est Wadi Rahaal qui fait l’expérience d’une réduction drastique de ses ressources.
La route qui mène à Wadi Rahaal, sur laquelle il n’y a pas de place pour deux voitures de front, se faufile à travers des vallées rocheuses encaissées, dont les flancs regorgent de colonies israéliennes et d’avant-postes de colons qui dégringolent les pentes.
Ca n’a pas toujours été comme ça, me dit Shadi Fuwaghara, énergique résident de 23 ans à Wadi Rahaal, s’aventurant dans la chaleur montante de l’après-midi Montrant une route bitumée mais déserte, autrefois utilisée par les habitants du village - et qui disparaît maintenant derrière la barrière de la colonie, toute proche, d’Efrat, à côté des rangées de résidences identiques - il me dit que ça ne prenait que cinq minutes pour arriver à l’entrée de la ville de Bethlehem. Et, il poursuit, « Maintenant, il faut trente minutes sinon plus, et il nous faut traverser sept villages. » Les mois d’hiver, les routes sont inondées, ce qui les rend impraticables - et enferme donc la communauté entière des 1700 habitants dans une véritable prison.
Le petit village des alentours désertiques de Bethléhem, Wadi Rahaal a été étouffé par la colonie et le dispositif sécuritaire qui l’accompagne : le chemin qui longe le mur de séparation a été pourvu de trottoirs de béton, et à la fin des travaux une nouvelle partie du village sera circonscrite par les murailles de séparation de la colonie.
Plusieurs maisons ont été démolies quand on a modifié le tracé du mur pour le faire pénétrer plus profondément à l’intérieur des terres de Wadi Rahaal, et un arrêté militaire israélien en place depuis 2006 interdit la construction de nouvelles maisons dans le village - une mesure punitive et cynique, quand on pense aux 4000 nouvelles maisons neuves que le maire d’Efrat, Oded Revivi, dit qu’il commencera à construire dans sa colonie de l’autre côté de la rue dès la semaine prochaine, après l’expiration des dix mois de moratoire.
« Question faisabilité, ça se compte en jours, pas plus, on peut redémarrer les tracteurs et se remettre au travail d’ici un jour ou deux , » a déclaré Revivi sur ABC News cette semaine. En d’autres mots, les habitants de Wadi Rahaal se préparent à une nouvelle phase, plus agressive, d’annexion .Une phase qui succédera à des années de confiscation de leur terre, moins intense certes mais suffisamment soutenue pour avoir dévasté leur village.
L’expansion d’Efrat a déjà confisqué presque quatorze pour cent de la terre du village, d’après les statistiques de Fuwaghara, et les habitants de Wadi Rahaal vivent dans une atmosphère de siège permanent. » « Ils déversent les ordures de la colonie tout contre notre école élémentaire » dit Fuwaghara. Il n’est pas difficile de voir quel genre de message est envoyé par là aux jeunes du village.
Mais, avec toute l’attention accaparée par l’orchestration sur la fin du moratoire -un moratoire qui n’en a jamais été un, comme l’a dit la commission relative à la colonisation de La Paix Maintenant, qui a comptabilisé la construction de 600 unités de logement dans 60 colonies pendant les dix mois de duperie - la question principale, l’objet attendu des discussions, a été contournée.
Ce qui se passe à Wadi Rahaal, et dans des centaines de villages, villes et cités de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, otages de l’industrie prédatrice de la colonisation, est entièrement illégal du point de vue du droit international.
En juin 2010, le groupe pour les droits humains B’tselem a édité un rapport concernant les activités de colonisation et la confiscation de la terre depuis 1967 : « Quelques cinq cent mille Israéliens vivent maintenant du côté palestinien de la Ligne Verte : plus de 300000 dans 121 colonies et environ une centaine d’avant-postes, qui contrôlent 42 pour cent de la surface de la Cisjordanie, et le reste dans douze implantations sur des terrains qu’Israël a annexés à la municipalité de Jérusalem, » dit le rapport.
Le rapport de B’tselem rappelle aussi : « Un des objectifs de l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève est de préserver le statu quo démographique dans le territoire occupé ». L’article dit littéralement : « Le Pouvoir Occupant ne déportera ou ne transférera aucune partie de sa propre population civile dans les territoires qu’il occupe. » D’après l’avis du Comité International de la Croix Rouge, le but de cet article est d’empêcher le retour d’une pratique qui avait été adoptée par certains pouvoirs pendant la seconde guerre mondiale, « qui ont transféré une partie de leur propre population dans le territoire occupé pour des raisons politiques, raciales, ou dans le but, assumé, de coloniser ces territoires. »
De plus, la Cour de Justice Internationale de la Haye a jugé en 2004 que « les colonies dans les Territoires Palestiniens Occupés, incluant Jérusalem-Est, sont illégales et constituent un obstacle à la paix et au développement économique et social. »
L’éléphant dans le salon, c’est l’oubli des violations du droit commises par l’industrie de la colonisation, bien loin des mains qui se tordent de détresse, victimes de la mise en scène perverse et vaine du moratoire de Netanyahu, et ça les Palestiniens ne le perdent pas de vue, eux qui voient sans cesse leur terre annexée aux blocs de colonies en expansion,
La diplomatie frileuse adoptée par l’Amérique, demandant à Israël de geler tout projet d’expansion - au lieu d’exiger le démantèlement des centaines d’implantations de colonies, comme gage significatif de l’établissement d’une justice durable dans la région - révèle le mythe de la fin moribonde du projet colonialiste israélien et ne fait que préparer l’échec des négociations futures.
Israël a en effet mis en avant la question du moratoire pour écarter l’attention de la pratique galopante d’irréparables « faits accomplis » qui est la sienne - comme par exemple la continuelle démolition de maisons de Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à l’intérieur de l’Etat lui-même, dans le Negev ; la permission toujours donnée à des colons violents, armés, de s’emparer de maisons de Palestiniens et de quartiers à Jérusalem ; le siège et le blocus inlassables imposés aux Palestiniens enfermés dans la bande de Gaza.
En attendant, Shady Fuwaghara, sa famille, les enfants ainsi que les anciens du petit village de Wadi Rahaal regardent les tracteurs d’Efrat faire le plein, s’attendant au pire mais renforçant la détermination de la communauté de ne pas perdre tout espoir.
“Vous voyez ce qui se passe ici, » dit-il. « Bientôt, on sera entourés de tous côtés par les colonies. C’est pourquoi on cultive la terre. On tient des rassemblements et on manifeste. On se bat pour rester ici. »
* Nora Barrows-Friedman est une journaliste freelance actuellement détachée en Cisjordanie , autrefois elle était productrice d’une des émissions phares de PacificaRadio, Flashpoints.
28 septembre 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction de l’anglais : JM
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Traduction de l’anglais : JM