C'est
déjà la troisième fois cette année que Atiya Bani Minna et les siens se
retrouvent sans abri, leurs baraques de tôle rasées par les bulldozers
israéliens.
Mais les Palestiniens de la vallée du Jourdain
demeurent attachés à leur glèbe, essentielle à la viabilité d'un Etat
palestinien.
"Qu'est-ce qu'Israël nous veut?", demande le
patriarche quinquagénaire, qui vit avec sa famille élargie dans le nord
de la vallée, au milieu d'une "zone de tir" affectée par l'armée
israélienne à ses exercices militaires, un des nombreux secteurs
interdits aux Palestiniens - avec les terres domaniales, les réserves
naturelles et les colonies - soit près de 85 % de la région.
"Nous
ne faisons de mal à personne, alors pourquoi veulent-ils nous expulser?
Il n'y a personne d'autre que nous ici, mais ils viennent avec des
chars, des bulldozers et des soldats pour nous évacuer de nos maisons",
explique ce pasteur bédouin de la communauté de Khirbet Aïn Karzaliya,
une longue barbe couvrant une grande partie de son visage buriné.
Dénoncée
depuis des années par les organisations internationales et de défense
des droits de l'Homme comme une tentative délibérée de déplacer la
population palestinienne, la politique d'Israël dans les 60% de
Cisjordanie sous son contrôle total (dits "zone C"), dont la vallée du
Jourdain représente plus de 40%, n'a pas atteint cet objectif.
En
témoigne une étude publiée en mars par le Bureau de coordination des
affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) montrant que la population
palestinienne en "zone C" avoisine les 300.000 personnes, soit presque
le double des dernières estimations, en 2008. Plus de 18.000 vivent dans
la vallée du Jourdain, dispersés en 68 secteurs habités, dont 54
communautés d'éleveurs ou de bédouins.
"Nous ne quitterons pas
cette terre, malgré toutes leurs tentatives pour nous chasser", affirme
Atiya Bani Minna. "En tant que Palestiniens, c'est notre patrie et nous
n'en avons pas d'autre".
L'Occupation israélienne justifie ces démolitions par l'absence d'autorisations de construire.
Dans
le cas de Khirbet Aïn Karzaliya, "les structures concernées étaient
illégales. Elles ont été bâties dans une zone d'entraînement au tir sans
permis et ont été enlevées après que la Haute Cour de Justice a rejeté
le recours intenté", a précisé le porte-parole de l'administration
militaire israélienne.
Record de démolitions depuis 5 ans
Mais
les Palestiniens et les organisations de défense des droits de l'Homme
affirment que la population palestinienne de la "zone C" - dont seul 1%
est dévolu au développement palestinien, selon l'ONU - est réduite à y
bâtir sans autorisation, l'armée israélienne ne lui délivrant de permis
de construire que très parcimonieusement.
L'exigence de
l'entité sioniste de maintenir pour "raisons de sécurité" une présence
militaire à long terme dans la vallée, sur la frontière avec la
Jordanie, même après un accord de paix avec les Palestiniens, constitue
l'une des principales divergences à la table des négociations de paix.
Les
démolitions ont atteint en 2013 leur plus haut niveau en cinq ans dans
la vallée du Jourdain, avec un doublement du nombre de structures rasées
et de personnes déplacées par rapport à 2012 (de 172 et 279 contre 390
et 590), selon les statistiques de l'ONU.
"Israël
considère la vallée du Jourdain comme un territoire israélien",
explique Yaël Stein, avocate pour l'organisation israélienne de défense
des droits de l'Homme B'Tselem. "Israël refuse de planifier la
construction de maisons pour les Palestiniens ou de les raccorder à
l'eau".
"Dans le même temps, il accorde des conditions très
généreuses aux Israéliens qui vivent dans cette zone et les
discriminations sont flagrantes", souligne-t-elle, en référence aux
9.500 colons de la région.
Tout près de la ville autonome
palestinienne de Jéricho, dans la colonie de Naomi, Yinon Rosenblum
règne sur des rangées verdoyantes de menthe, de basilic et de concombres
biologiques.
"J'ai
déménagé ici avec le soutien de l'Etat, mais c'est aussi mon droit de
vivre ici", déclare ce natif de Haïfa, dans le nord d'Israël, qui habite
la colonie depuis sa fondation en 1982 et emploie aujourd'hui 20
ouvriers palestiniens.
"Il y a trois synagogues à Jéricho qui
ont plus de 2.000 ans - trois, pas seulement une. Cela prouve que j'ai
des racines ici", ajoute-t-il.
"Les Palestiniens ont des droits, et je ne le conteste pas, mais j'ai aussi des droits, qui passent en premier".
"Je ne crois absolument pas que la vallée du Jourdain fera un jour partie de l'Etat palestinien", assène-t-il.
Faiblement
peuplée, la vallée représente la seule réserve foncière de Cisjordanie,
susceptible d'absorber la croissance démographique naturelle et
l'éventuel afflux de réfugiés palestiniens des pays avoisinants après un
accord de paix.
C'est aussi là, dans le nord de la vallée, à
Al-Bouqea, que les plans des architectes de l'édification d'un Etat
palestinien situent la construction d'un aéroport, qui permettrait de
désenclaver la Cisjordanie et de l'ouvrir sur le monde.
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