Chems Eddine Chitour
Jeudi 3 novembre
2011
«Les pays qui,
comme la France, ont soutenu la demande
d'adhésion de la Palestine à l'Unesco,
verront leur influence sur Israël
s'affaiblir. Les pays qui ont voté oui
«ont adopté une version de
science-fiction de la réalité en
admettant un Etat qui n'existe pas à
l'organisation chargée de la science...
L'Unesco doit se charger de la science,
pas de la science-fiction».
Nimrod Barkan, ambassadeur
israélien auprès de l'Unesco.
C'est par un tonnerre d'applaudissements
que la Palestine a été admise comme
membre à part entière de l'Unesco
L'adhésion de l'Etat palestinien à
l'Unesco est une victoire sur Israël qui
´´cherche à détruire le patrimoine
culturel et religieux du peuple
palestinien´´, a déclaré lundi à Ghaza
le porte-parole de l'Autorité
palestinienne Ghassan al-Khatib. ´´Ce
progrès démontre que la communauté
internationale comprend mieux les
exigences des Palestiniens qui réclament
la liberté et la création d'un Etat
indépendant. Cette décision témoigne
d'un soutien à la politique
palestinienne dans le monde´´.
L'Autorité palestinienne est devenue
lundi membre à part entière de l'Unesco
lors de la 36e Conférence générale de
l'organisation à Paris. 107 pays dont la
Russie, la France, la Norvège, le
Luxembourg, l'Espagne, la Grèce, la
Finlande et la Turquie se sont exprimés
en faveur de cette décision. 14 pays ont
voté contre - entre autres la Suède, la
République tchèque, l'Allemagne,
l'Australie, le Canada, les Etats-Unis
et Israël.(1)
La
Palestine est à l’Unesco . Et après?
L'Unesco devient la première agence des
Nations unies à accueillir la Palestine,
ce qui suscite des réticences, notamment
de la part d'Israël et des Etats-Unis.
Peu de temps après le vote, Washington,
qui assure 22% du budget de l'Unesco, a
annoncé la suspension de sa contribution
financière en raison de l'admission de
l'Autorité palestinienne. L'ambassadeur
d'Israël auprès de l'agence culturelle
de l'ONU, Nimrod Barkan, a qualifié le
vote de "tragédie pour l'Unesco". "Il
n'y a pas d'Etat palestinien et, par
conséquent, il ne fallait pas en
admettre l'adhésion". Il ne faut pas
croire, cependant, ou laisser croire que
cette «victoire» en est une. Il est vrai
que pour une fois les pays arabes pour
des logiques différentes ont fait le
forcing pour ce strapontin de l'Unesco.
L'Algérie a même envoyé ses deux
ministres «responsables du système
éducatif» pour aller voter pour la
Palestine.
On sait que les déclarations des
responsables français ces dernières
semaines laissaient entendre que la
France s'abstiendrait. "L'Unesco, ce
n'est ni le lieu ni le moment. Tout doit
se passer à New York", disait encore
vendredi 29 octobre le porte-parole du
ministère français des Affaires
étrangères, Bernard Valero. Changement
de programme le lundi 31 octobre! "Il
nous faut prendre nos responsabilités et
répondre sur le fond. Et sur le fond, la
France dit oui, la Palestine a le droit
de devenir membre de l'Unesco", a-t-il
ajouté.
En prenant cette position à l'Unesco,
Paris a pris le risque de «déplaire» aux
Israéliens et de rompre l'équilibre de
sa position entre les parties. En fait,
la France a toujours deux fers au feu ou
plutôt trois. Se voulant la patrie des
Lumières, elle abrite le siège de
l'Unesco; elle essaie de satisfaire les
Arabes avec le gadget de l'Unesco qui au
fond n'avance en rien la cause des
Palestiniens. Enfin elle tient, à en
croire le porte-parole Bernard Valero, à
sa «solution vaticane». On peut être à
peu près sûr qu'elle suivra les
Etats-Unis dans le vote au Conseil de
sécurité des Nations unies, seule
instance de décision de reconnaissance
des Etats.
Cette admission palestinienne embarrasse
particulièrement les Américains, qu'elle
place dans une position délicate
vis-à-vis de l'Unesco. La pleine
adhésion des Palestiniens, qui
bénéficiaient jusqu'à présent du statut
d'observateur, devrait provoquer l'arrêt
immédiat de leur contribution financière
à l'organisation, soit 70 millions de
dollars et 22% de son budget.
Pour l'Unesco, les conséquences
financières seront considérables.
Vendredi 28 octobre, la directrice
générale de l'Unesco, Irina Bokova,
admettait que l'organisation devrait
probablement réduire la voilure. «Il
faudra couper des programmes, réajuster
l'équilibre de notre budget. Mais ce
n'est pas seulement un problème
financier, c'est un problème qui
concerne l'universalité de notre
organisation», affirmait-elle. La
Maison-Blanche, par la voix du
porte-parole du président Barack Obama,
a estimé que le vote à l'Unesco était
´´prématuré et contreproductif´´ dans la
perspective d'une reprise espérée des
négociations de paix. "Nous devions
effectuer un versement de 60 millions de
dollars à l'Unesco en novembre et nous
ne le ferons pas", a déjà annoncé la
porte-parole du département d'Etat,
Victoria Nuland à la presse. Les
Américains sont, dit-on, tenus par deux
lois votées au début des années 1990 par
le Congrès sous la pression de l'Aipac
le lobby tout puissant, qui interdisent
le financement d'une agence spécialisée
des Nations unies qui accepterait les
Palestiniens en tant qu'Etat-membre à
part entière.
Pourquoi
Israël est contre l'admission de la
Palestine à l'ONU?
Du point de vue impact politique, cette
admission à l'Unesco est un
non-évènement. Le poids de l'Unesco est
négligeable dans la marche et le rapport
de force mondial. Cependant, du point de
vue du symbolique, c'est une avancée
majeure si l'Unesco rendait justice à la
Palestine en ce qui concerne son
identité culturelle et cultuelle. Le
nouveau statut permettra aux
Palestiniens de déposer des demandes de
reconnaissance au Patrimoine culturel
mondial, y compris portant sur les sites
contestés par Israël. Dans la foulée de
leur adhésion à l'Unesco, les
Palestiniens vont signer la Convention
sur le Patrimoine mondial et ainsi
pouvoir déposer des demandes de
reconnaissance pour des sites dans les
territoires occupés par Israël. Les
Palestiniens veulent que l'église de la
Nativité à Bethléem soit le premier site
inscrit "au nom de la Palestine" au
Patrimoine mondial, dès 2012.
«Un changement de statut, lit-on dans
l'Express à l'Unesco permettrait aussi à
la Palestine de déposer des demandes de
reconnaissance au Patrimoine mondial de
l'Humanité pour des sites dans les
territoires palestiniens occupés par
Israël. Les Palestiniens comptent
notamment présenter au Patrimoine
mondial les candidatures de Bethléem,
lieu de naissance du Christ, Hébron,
pour le Caveau des Patriarches - la
mosquée d'Ibrahim - un site révéré à la
fois par les juifs et les musulmans, et
Jéricho. L'Esplanade des mosquées va
être protégée, nous sommes sûrs qu'aucun
temple ne sera construit dessus....Il ne
faut surtout pas se faire d'illusion sur
la puissance moralisatrice et le poids
moral de l'Unesco.(2)
Nous l'avons vu en juin 2003 quand
l'Unesco -sur le tard- a protesté du
bout des lèvres auprès de Bush contre le
pillage du musée de Baghdad seul musée
au monde qui recèle les trésors des
premières civilisations humaines (Vase
de Warka..) On peut sans être devin dire
que les décisions de l'Unesco seront des
voeux pieux contre la volonté d'Israël
de faire ce qu'il veut, de s'approprier
ce qu'il veut.
Les sites historiques palestiniens font
l'objet depuis plusieurs années d'une
agression physique et surtout
symbolique. Israël voulant à tout prix
judaïser la Palestine et surtout
Jérusalem (le tombeau des Patriarches,
la Mosquée d'Omar...) Dans son délire
mythique elle va jusqu'à dénaturer
l'histoire et se faire un récit sur
mesure. En France, le Crif déplore
vivement le vote de la France en faveur
de l'admission de la Palestine à
l'Unesco. Il rappelle que divers Etats
musulmans tentent dans l'enceinte de
l'Unesco de falsifier l'histoire en
s'appropriant pour eux seuls des sites
millénaires du patrimoine juif, comme le
tombeau de Rachel. Il redoute que ce
négationnisme culturel ne se renforce à
la suite de ce vote.(3)
Qu'en est-il justement de la réalité des
mythes fondateurs de l'Israël politique.
Fadel al-Rubai, anthropologue irakien,
invite à une lecture des récits sur
Jérusalem. Il détricote à sa façon les
mythes fondateurs qui ont donné lieu à
des consensus donnés comme vérité
immuable, on est loin de la critique
raisonnée. «Avec enthousiasme, Fadel al-Rubai
pose la question. «Pourquoi les
archéologues et les historiens
n'interviennent-ils pas sur les
inscriptions himyarites qui ont été
découvertes sur des sites
palestiniens?». Et de répondre: «Parce
que l'histoire arabe a été écrite par
des non-arabes. La lecture orientaliste
de la Torah, qui a renforcé les fausses
croyances, a éradiqué les récits arabes.
Ainsi, les récits par al-Tabari, al-Masoudi,
et Ibn al-Atheer sont-ils présentés
comme des récits mythiques, qui
conduisent à une vision péjorative des
textes des narrateurs arabes. Ma mission
est de séparer le mythique de
l'historique.»» (4)
La surprise ne s'arrête pas là. L'auteur
des Heroes Without History (Les héros
dans l'histoire) affirme avec audace,
«Donnez-moi un exemple où la Jérusalem
antique est citée dans la Torah». Il
note que la cité s'appelait autrefois
Ilia et non Jérusalem. Par conséquent,
il n'existe aucun texte narratif sur
Jérusalem avant la conquête islamique.
La Torah, comme documentée par al-Rubai,
se réfère à une Jérusalem antique située
au Yémen et non en Palestine. Il
explique. «C'est ce que les inscriptions
assyriennes et babyloniennes prouvent,
quand elles se réfèrent à neuf campagnes
d'asservissement qui eurent lieu au
Yémen, pas en Palestine». Mais pourquoi
les récits historiques disent-ils que
l'incident de l'asservissement
babylonien a eu lieu en Palestine? Selon
Fadel al-Rubai, auteur de The Truth
Behind the Babylonian Enslavement (La
vérité derrière l'asservissement
babylonien), «La raison en réside dans
le monopole sur cette histoire tragique,
qui fut par la suite utilisée dans le
récit sur l'Holocauste comme une
continuation de la persécution
historique des juifs, renforçant ainsi
leur rôle comme victimes historiques ».
(4)
« Tout ce que nous avons besoin de
faire, poursuit l’anthropologue, est de
revenir à l'histoire d'al-Tabari, qui
indique clairement que l'invasion de
Nabuchodonosor a eu lieu au Yémen et non
en Palestine.» Se basant sur ces
révélations controversées, al-Rubai
conclut de façon solide dans sa thèse
que le judaïsme est une vieille religion
arabe, et que la Torah est un livre
yéménite. Il conclut également que la
Jérusalem antique n'est pas la Jérusalem
actuelle. Elle était située au Yémen et
non en Asie, comme le défunt
intellectuel Kamal al-Salibi le
concluait dans son livre The Bible Came
from Arabia (La Bible venue
d'Arabie).(4)
Le dogme ayant pris la place de
l’Histoire de la justice et du droit et
en son nom on permet à un pays colonial
de faire ce qu'il veut là ou il veut en
n'ayant à rendre compte à personne ni à
cette fameuse communauté internationale
dont il faudra bien nous dire un jour
quels sont les pays qui la composent et
quel est son credo. Bref personne ne
doit bousculer l'ordre établi, En son
temps, le général Mc Crystal avait
critiqué la politique israélienne et
avait prévenu qu'elle risquait de
compromettre dangereusement l'image des
Etats-Unis dans le Monde arabe. Son
franc-parler lui a valu d'être relevé de
ses fonctions.
Les conséquences de cette admission à
l’Unesco. On le sait, les Américains
«tenus par les lois de 1990 et 1994 »
votées comme nous le savons sous la
pression pro-israélien, vont fermer le
robinet à l'Unesco. Pour le journal
l'Express. les Palestiniens ont réalisé
une percée diplomatique significative ce
lundi. Ce vote se déroulait dans un
contexte de regain de violence entre
Israël et les Palestiniens de la bande
de Ghaza. Le Brésil, la Russie, l'Inde
et la Chine, ainsi que la quasi-totalité
des pays arabes, africains et
latino-américains ont aussi voté pour:
107 des 193 Etats membres ont dit "oui",
alors que 14 autres pays ont rejeté
cette candidature.(2)
L'ancien sénateur américain et actuel
président de la fondation des Nations
unies, Timothy E. Wirth, rappelle dans
une tribune publiée dans le Los Angeles
que la reconnaissance de la Palestine
par l'Unesco entraîne de fait une "perte
d'influence dans les grandes
négociations internationales". (...)
Dans un éditorial tranché au titre sans
équivoque, "La Palestine ne doit pas
rejoindre l'Unesco", le quotidien
conservateur Washington Times est
catégorique: "Il n'y a pas et il n'y a
jamais eu un pays appelé Palestine". Et
selon l'éditorialiste, Sonia Bloomfield,
"le terroriste et chef palestinien
Yasser Arafat a inventé un peuple qui
n'a jamais existé".
Le très influent éditorialiste de CNN et
Time, les menaces ne sont pas loin après
la fermeture du robinet américain à
l'Unesco, c'est le tour d'Israël
d'asphyxier encore plus les
Palestiniens. Dans une tribune parue
dans Time, il prédit le lourd prix à
payer d'une "victoire" palestinienne à
l'Unesco: "Les Israéliens pourraient
rendre la vie des Palestiniens encore
plus difficile en renforçant la
sécurité, en étendant les colonies...
Les potentats arabes, avec leur manne
imméritée à plus de 500 milliards de
dollars peuvent suppléer au défaut de
paiement des Etats-Unis c'est pour eux
une heure de pompage de pétrole et de
gaz sur les 8500 heures de l'année!
Pourtant les sanctions décidées par
Israël , sont de notre point de vue ,
incompréhensibles. Cette décision
palestinienne de grignoter des parcelles
de respectabilité en tant qu’Etat, sont
du pain béni pour l’administration
israélienne qui attendait cela pour
autoriser une colonisation accélérée de
la colonisation par des constructions
dont les surfaces forcément arrachées à
la peau de léopard de ce qui reste de la
Palestine , les plans, la désignation
des entreprises et les financements
étaient prévus depuis longtemps, il
fallait attendre une occasion de plus.
Celle-ci est tombée du ciel avec cette
admission à l’Unesco. En clair si cette
« occasion » n’est pas venue, il aurait
fallu l’inventer et on peut faire
confiance au génie de l’administration
israélienne pour trouver des motifs de
constructions illicites. On dit Ban Kii
Moon s’est dit atterré -nous sommes
tristes de cela, par la décision
israélienne, les grandes puissances
regardent ailleurs. Israël a donc imposé
des milliers de logements par la
technique rodée du fait accompli.
Voilà donc un échantillon des premières
sanctions à l'encontre des Palestiniens
coupables d'avoir demandé de faire
partie de la communauté des hommes en
apportant leur lumière d'humanité au
patrimoine mondial. En tout cas c'est
une erreur que de croire que la
Palestine sera de cette façon, un jour
indépendante, ces miettes - d'admission
dans les agences internationales- jetées
à dose homéopathique donnent l'illusion
que l'Occident consentira à faire
pression pour faire émerger le droit
international. En fait, cette admission
à l'Unesco est l'arbre de la
civilisation ou réputée telle qui cache
la forêt de la réalpoltik, celle dictée
par le Nouvel Ordre dont Israël est l'un
des bras armés au Moyen-Orient. Un
diplomate palestinien parlant des
négociations avec Israël compare ces
«négociations» de la terre palestinienne
au partage d'une pizza. Israël veut
qu'on négocie avec elle tout en mangeant
pendant ce temps.. la pizza. Tout est
dit.
1.Palestine/Unesco: une victoire
diplomatique sur Israël Ria Novosti1
novembre 2011
2.http://www.lexpress.fr/actualite/monde
/unesco-victoire-diplomatique-pour-les-palestiniens_1046302.html?xtor=EPR-583-[XPR_Alerte_Info_Actif]-20111031-1789313@179648658-201110311407288
3.http://www.crif.org/?page=articles_display/detail&aid=26687&returnto=articles_display/detail&artyd=9
4.Fadel al-Rubai: Récuser les mythes de
l'Orientalisme
http://www.legrandsoir.info/
fadel-al-rubai-recuser-les-mythes-de-l-orientalisme.html
Professeur
Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz