“Bien sûr, car la Palestine appartient aux Palestiniens. L’idée d’une solution provisoire avec deux États côte à côte n’est ni juste ni viable. Et les sionistes ne sont pas les représentants des juifs. Ce sont des imposteurs ! Une fois l’État d’Israël démantelé, nous sommes convaincus que les citoyens de toute confession auront leur place dans le nouvel État, s’ils respectent les lois.”
Contrairement à ce que l’on peut penser, ces propos émanent du rabbin new-yorkais Yisroel Dovid Weiss, membre de l’organisation dénommée Neturei Karta (gardiens du Temple).
L’Humanité, dans son évolution perpétuelle, a pour but la quête du bien-être et le salut de l’Homme. Dans cette recherche, l’homme est confronté au paradoxe que posent le bien et le mal. Dès lors, une lutte permanente est engagée entre ces deux natures, que mènent des individus avec des attitudes morales souvent antagonistes. L’égoïsme et la perfidie face à l’altruisme et la loyauté.
L’homme s’est toujours appuyé sur la religion et la philosophie pour trouver explication, justification et prétexte à ses attitudes et actions. Chacun s’organise pour assurer son bien-être ; qui pour dominer, qui pour se libérer, qui pour se défendre. Dans cette lutte, l’humanité renferme, heureusement, suffisamment d’hommes de bonnes volontés, des éclairés, des mécènes - qui sacrifient leur vie pour mettre “l’autre au-dessus de soi” - sans qui toutes les féodalités, toutes les dictatures, tous les totalitarismes, toutes les colonisations ne seraient pas tombés.
Parmi les organisations qui luttent activement en ce XXIe siècle, il en existe une, paradoxalement juive, qui lutte au côté du peuple palestinien pour se défaire du joug colonial israélien, “État” né d’une forfaiture légalisée par l’ONU. Il s’agit de l’organisation dénommée Neturei Karta qui regroupe des juifs, depuis 1938, qui refusent le sionisme, prône un État palestinien et le démantèlement de “l’État d’Israël” qu’ils considèrent contraire à l’enseignement de la Torah.
Ces juifs se défendent d’être des parias ou une secte. Ils sont des centaines de milliers dans le monde (principalement à New York) et en Israël. Son leader, le rabbin Moshe Hirsch, gendre du Rav Aharon Katzenelbogen, fondateur du mouvement, est décédé récemment, dimanche 2 mai à El-Qods (Jérusalem), à l’âge de 79 ans. Moshé Hirsh, qui vivait dans le fief juif orthodoxe à Jérusalem, dans les années 1960, était devenu l’un des dirigeants de ce groupe en 1974 après la mort du rabbin Amram Blau. Proche de Yasser Arafat, il avait été son ministre des Affaires juives de son premier gouvernement.
Hirsh, qui qualifiait le dirigeant palestinien de “frère et ami”, soutenait mordicus la cause palestinienne. À la mort de Arafat, il a déclaré : “Je suis très triste, c’était un grand dirigeant qui a toujours fait la différence entre le peuple juif et le sionisme.”
Un rabbin juste et fidèle à ses principes
Ce rabbin, véritablement religieux, juste et fidèle à ses principes, a, toute sa vie durant, été aux côtés des Palestiniens contre le sionisme, cette funeste idéologie qu’il considérait comme une tromperie qui s’abrite sournoisement derrière la religion juive. Il se déclare, avec ses fidèles, foncièrement antisioniste et pour la libération totale de la Palestine. On dit de lui, dans les milieux antisionistes, “un homme d’étude, de prière et de paix”. Son engagement est tel qu’un colon sioniste l’a aspergé d’acide au visage, le rendant aveugle d’un œil. Le Parti anti sioniste (PAS) de Yahia Gouasmi le considère comme “le rabbin qui incarne les vertus religieuses, morales et humanistes les plus hautes” dans son communiqué annonçant son décès.
Dans leur “fief” à El-Qods, ils se regroupent principalement dans un vieux quartier, au nord de la ville construit hors muraille, dénommé Méa Shéarim. Les gens de ce quartier (mais aussi de Mnebrak), bastion du judaïsme orthodoxe, se déclarent avec leur mouvement farouchement antisionistes, contre la création de “l’État israélien”.
Weiss considère que ‘l’idée même d’une souveraineté temporelle juive est contraire à l’enseignement de la Torah”.
Leur refus de ‘l’État israélien’ va jusqu’à ne pas aller au Mur, refuser de payer les impôts, refuser l’argent de l’État, conserver leurs passeports d’origine, user de faux nom, refuser de faire l’armée en s’inscrivant dans les “yeshivas” qui donnent le droit d’être exempté ou carrément faire de la prison. Certains refusent d’avoir de l’électricité, “pour n’avoir aucun lien avec ‘l’État’”. Beaucoup envisagent plutôt de s’installer dans un pays arabe en cas de conflit ; une idée qui a prévalu pendant la guerre de 1967 chez les séfarades, contrairement aux ashkénazes considérés “comme non religieux et sans aucune racine”.
Ces Juifs disent qu’“être juif, ici, ça veut dire essentiellement contester le régime, accepter le refus de l’État. Ce qui marque les juifs, c’est que dans une première période, Dieu leur a donné la Terre ; dans une deuxième période, Dieu les retire de la Terre... Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des juifs sur la Terre... Mais que le rapport à la terre est différent, ce qui suppose, encore une fois, de ne pas avoir d’État, de ne pas dominer”. “La grande tentation sioniste, c’est de faire comme si l’on n’avait jamais quitté la Terre.” Leur antisionisme, selon le mouvement, entretient qu’“un état juif ne peut être recréé que par le messie” et de prôner le “démantèlement” d’Israël.
Des liens avec des mouvements palestiniens
L’engagement de cette organisation va jusqu’à nouer des amitiés, voire des liens avec les mouvements de résistance palestiniens comme avec le président iranien Ahmadinejad, mais aussi avec Dieudonné en France.
Ainsi, à l’occasion des élections en Palestine, une lettre de félicitations des rabbins Weiss et Cohen a été envoyée au Hamas sur laquelle on peut lire :
“Fidèles aux préceptes de la Torah, nous avons toujours reconnu et accepté que les Palestiniens gouvernent l’ensemble de la Palestine. Les juifs fidèles à la Torah ont toujours été profondément peinés par la souffrance du peuple palestinien, causée par la création de l’État sioniste...
Toute tentative de créer notre propre État, dans notre présent exil de décret céleste, est expressément interdite... en fabriquant l’idéologie sioniste et en créant... l’État soi-disant d’‘Israël’... ils soumettent et oppriment inlassablement et impitoyablement les Palestiniens restés sur place et les juifs religieux, dans l’ensemble de la Palestine, depuis près d’un siècle...
Puisse le Tout-Puissant avoir pour volonté que vous méritiez de voir le démantèlement prochain et rapide de l’entité sioniste... et la dévolution de la gouvernance sur l’ensemble de la Terre sainte, y compris, bien entendu, à Jérusalem, à ceux à qui il revient légitimement de l’exercer, c’est-à-dire au peuple palestinien. Alors, nous pourrons de nouveau vivre... en bons voisins, Arabes et Juifs, comme nous l’avons fait pendant de si nombreux siècles jusqu’à l’apparition du sionisme...”
En juillet 2009, des membres américains de Neturei Karta se rendent à Gaza, où ils ont déclaré : “C’est votre terre, elle est occupée de manière illégitime et injuste par des gens qui l’ont volée, kidnappée au nom du judaïsme et de l’identité juive.”
Bons rapports avec Mahmoud Ahmadinejad
Quant au président iranien, qui a reçu des membres du mouvement à New York, il leur a réaffirmé les droits civils dont jouissent les juifs et autres minorités religieuses en Iran. La réponse de Weiss - dont des membres de son organisation se sont rendus en Iran en 2006 où ils ont rencontré des dirigeants iraniens - est que “l’Iran a toujours défendu le Vrai, au grand dam des campagnes mensongères des médias occidentaux”. Nous avons toujours soutenu que l’objectif de l’Occident n’est pas, à proprement parler, “le nucléaire iranien”, que l’on soupçonne militaire, mais bien empêcher ce pays - et d’autres pays du Moyen-Orient riches en matières premières, sauf leur gendarme - de se développer technologiquement. Il les préfère ignorants pour imposer son hégémonie et accaparer leurs richesses.
Ce qui est net pour l’heure, c’est que l’Occident, sous l’influence et domination des lobbies sionistes, ne voudra pas de solution à l’état de guerre et d’instabilité dans cette région. Il trouvera toujours un prétexte, on le perçoit déjà ces derniers temps, pour torpiller toutes les initiatives menant vers l’apaisement ou la paix qui sont antinomiques avec l’alibi permettant au sionisme d’exister et de durer pour coloniser encore plus la Palestine, voire les pays voisins, mais aussi de dominer les gouvernements occidentaux.
Le sionisme, ennemi de la paix
Point de paix donc avec le sionisme, à voir les affirmations de Weiss : “Les tentacules du sionisme sont telles que les pays occidentaux sont ses laquais... les hommes politiques américains sont soumis à des pressions ou menaces de toutes les calomnies s’ils ne sont pas suffisamment loyaux... à Israël...
Ils leur font faire des guerres et organiser des embargos en fonction des retombées éventuelles sur Israël.” “Ils ont créé des organisations juives qui prétendent contrôler les peuples, les nations et les autres religions, sous prétexte de défendre les intérêts juifs.” “(...) S’emploient à dicter à des groupes raciaux ou ethniques ce qu’ils doivent dire ou ne pas dire, croire ou ne pas croire et qui passent leur temps à humilier et à exiger des excuses... des réparations financières.” “... Les sionistes ont envisagé de faire couler des fleuves de sang pour atteindre leurs buts. La terreur et la contre-terreur, les expropriations, la guerre dès qu’une guerre se termine, voilà ce qu’est devenue la vie quotidienne des Juifs et des Arabes.”
Au sujet de l’antisémitisme, l’organisation constate qu’il peut être réel, apparent ou bien fabriqué par les sionistes là où il n’existerait pas, en assénant : “Voilà pourquoi et comment Israël est devenu le pays le plus dangereux au monde pour les juifs.” Terminons avec l’idée en cours consistant en l’acceptation de deux États que rejette l’organisation : “Juifs et Arabes ont vécu en bonne entente durant des siècles. Le seul problème est apparu avec la création d’Israël... L’idée d’une solution provisoire avec deux États côte à côte n’est ni juste ni viable... L’État d’Israël doit être démantelé pacifiquement et sans plus tarder. Nous demanderons pardon aux Palestiniens... et humblement l’autorisation de séjourner parmi eux.”
Cette opposition juive à l’idéologie sioniste - qui n’est pas la seule à travers l’Occident, notamment en Allemagne, en France, en Autriche et à Londres - semble décidée à affronter le sionisme, car, selon elle, c’est “une négation de l’essence spirituelle du peuple juif et de la providence divine quant aux affaires humaines”, et de souhaiter son effondrement comme toutes les idéologies dominatrices ou tyranniques, “le système soviétique s’est écroulé en une nuit. Il en sera de même pour le sionisme”, assure-t-elle avec détermination.
Si Mea Shearim, selon un de ces hommes, c’est la mauvaise conscience d’Israël, Naturei Karta ne peut être que la mauvaise conscience des sionistes !