Par Christian Merville | 21/10/2010
Le point
Le coup du « retenez-moi ou je fais un malheur », ça prend toujours. Du moins certains le croient-ils. Tel le Parti travailliste dont l'un des membres, Avishaï Braverman - il est ministre des minorités -, a lancé hier une mise en garde à ses pairs du cabinet : « Nous quitterons le gouvernement si les négociations avec les Palestiniens ne reprennent pas d'ici à la fin de l'année en cours », a-t-il dit à Paris où il venait de participer à une table ronde. Puis, comme effrayé par sa propre audace, le brave homme s'est hâté de préciser, pour le cas où on ne l'aurait pas compris : « Je ne veux pas mettre un revolver sur la tempe de "Bibi", mais nous avons une date limite, janvier prochain. » Une dernière précision à l'adresse des journalistes, comme en bémol destiné à certains observateurs de la scène politique de son pays : « Formellement, je ne l'ai pas déclaré, mais vous pouvez écrire que j'ai l'intention d'être candidat à la direction du parti. » Voilà qui éclaire quelque peu une prise de position qui a jeté un froid à Tel-Aviv.
Le fait en lui-même est d'autant plus remarquable que l'intéressé, un ancien cadre de la Banque mondiale, a des idées et qu'il tient à les exprimer. Celles-ci par exemple : « Nous devons ne pas tenir compte de ce qui est marginal, mais plutôt prendre des décisions sur ce qui est important, dont un gel de quatre à cinq mois des implantations. » Ou encore : « Si nous ne décidions pas d'un partage de la Terre sainte, les Nations unies pourraient proclamer la création d'un État à l'ouest du Jourdain et Israël deviendrait un pays gênant pour tous, avec une majorité arabe. » Et ce jugement à l'emporte-pièce sur le projet de loi exigeant la reconnaissance par les citoyens arabes du caractère juif d'Israël : « Un texte stupide, peu sage et... populaire. Mais le rôle des dirigeants n'est pas de rester rivés à Twitter. »
Le fait en lui-même est d'autant plus remarquable que l'intéressé, un ancien cadre de la Banque mondiale, a des idées et qu'il tient à les exprimer. Celles-ci par exemple : « Nous devons ne pas tenir compte de ce qui est marginal, mais plutôt prendre des décisions sur ce qui est important, dont un gel de quatre à cinq mois des implantations. » Ou encore : « Si nous ne décidions pas d'un partage de la Terre sainte, les Nations unies pourraient proclamer la création d'un État à l'ouest du Jourdain et Israël deviendrait un pays gênant pour tous, avec une majorité arabe. » Et ce jugement à l'emporte-pièce sur le projet de loi exigeant la reconnaissance par les citoyens arabes du caractère juif d'Israël : « Un texte stupide, peu sage et... populaire. Mais le rôle des dirigeants n'est pas de rester rivés à Twitter. »
Personne ne croit à la chute, dans trois mois, de la maison Netanyahu, même si la formation dirigée aujourd'hui par Ehud Barak détient 13 des 120 sièges de la Knesset. C'est que les travaillistes, qui représentaient jadis une force dominante, se traînent dans les sondages et un scrutin anticipé les affaiblirait davantage encore. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs qu'ils menacent de détruire le temple. Fin mars de cette année, alors que devait se tenir une réunion des instances dirigeantes, Isaac Herzog, ministre des Affaires sociales, se prononçait pour un cabinet minoritaire incluant le Kadima de Tzipi Livni. Quelques jours auparavant, Shalom Simhon (Agriculture) avait feint de claquer la porte et il ne se passe pas de semaine sans que Barak lui-même ne rue dans les brancards.
Il faut reconnaître que les émois des héritiers de Yitzhak Rabin servent les intérêts du Premier ministre, tout autant que les foucades d'Avigdor Lieberman, ministre des Affaires (qui lui sont de plus en plus) étrangères. Il lui est facile en effet de faire valoir la difficulté de naviguer entre des courants aussi contraires, en réalité de pencher nettement, ces temps-ci, du côté du second, suivant ainsi un cheminement dont il n'a pas dévié depuis son retour au pouvoir. Il reste le fils de Benzion Netanyahu, un historien qui fut le secrétaire de Zeev Jabotinsky, le père du sionisme révisionniste dont l'idéologie prévoit pour l'essentiel la création d'un État sur les deux rives du Jourdain. C'est pourquoi il avait, en 2004, vivement critiqué son rejeton, coupable d'avoir cédé la localité de Hébron à l'Autorité palestinienne, comme le prévoyaient les accords d'Oslo. Il avait récidivé en septembre de la même année, dénonçant le retrait israélien de l'enclave de Gaza, qualifié par lui de « crime contre l'humanité ».
Aucun risque d'assister aujourd'hui à une nouvelle trahison. L'impasse dans les pourparlers ne figure plus que dans le vocabulaire des Américains, peut-être aussi des Palestiniens. Pour le reste du monde, le dialogue de paix a été porté en terre en ce doux mois d'octobre, même si les Arabes ont donné un nouveau délai aux négociateurs, même si, à Tel-Aviv, on fait encore semblant de louvoyer et qu'en Europe, on cherche les moyens de le relancer. En promettant à leur protégé dans la région vingt F-35 - l'avion de combat le plus perfectionné du monde -, leur veto à tout vote anti-israélien au Conseil de sécurité et un accès aux satellites espions destinés à alerter en cas d'attaque, l'administration Obama a trop donné, et trop vite, sans contrepartie aucune. Le résultat a été une nouvelle rebuffade après la claque retentissante administrée à Joe Biden. Israël, juge le journaliste Thomas L. Friedman, se comporte en enfant gâté. En mars déjà, il avait écrit que les (ir)responsables israéliens avaient perdu tout sens des réalités. Le devoir, ajoutait-il, consiste à ne pas laisser un ami conduire en état d'ivresse.
Trop tard. La voiture est déjà au fond du ravin.
Il faut reconnaître que les émois des héritiers de Yitzhak Rabin servent les intérêts du Premier ministre, tout autant que les foucades d'Avigdor Lieberman, ministre des Affaires (qui lui sont de plus en plus) étrangères. Il lui est facile en effet de faire valoir la difficulté de naviguer entre des courants aussi contraires, en réalité de pencher nettement, ces temps-ci, du côté du second, suivant ainsi un cheminement dont il n'a pas dévié depuis son retour au pouvoir. Il reste le fils de Benzion Netanyahu, un historien qui fut le secrétaire de Zeev Jabotinsky, le père du sionisme révisionniste dont l'idéologie prévoit pour l'essentiel la création d'un État sur les deux rives du Jourdain. C'est pourquoi il avait, en 2004, vivement critiqué son rejeton, coupable d'avoir cédé la localité de Hébron à l'Autorité palestinienne, comme le prévoyaient les accords d'Oslo. Il avait récidivé en septembre de la même année, dénonçant le retrait israélien de l'enclave de Gaza, qualifié par lui de « crime contre l'humanité ».
Aucun risque d'assister aujourd'hui à une nouvelle trahison. L'impasse dans les pourparlers ne figure plus que dans le vocabulaire des Américains, peut-être aussi des Palestiniens. Pour le reste du monde, le dialogue de paix a été porté en terre en ce doux mois d'octobre, même si les Arabes ont donné un nouveau délai aux négociateurs, même si, à Tel-Aviv, on fait encore semblant de louvoyer et qu'en Europe, on cherche les moyens de le relancer. En promettant à leur protégé dans la région vingt F-35 - l'avion de combat le plus perfectionné du monde -, leur veto à tout vote anti-israélien au Conseil de sécurité et un accès aux satellites espions destinés à alerter en cas d'attaque, l'administration Obama a trop donné, et trop vite, sans contrepartie aucune. Le résultat a été une nouvelle rebuffade après la claque retentissante administrée à Joe Biden. Israël, juge le journaliste Thomas L. Friedman, se comporte en enfant gâté. En mars déjà, il avait écrit que les (ir)responsables israéliens avaient perdu tout sens des réalités. Le devoir, ajoutait-il, consiste à ne pas laisser un ami conduire en état d'ivresse.
Trop tard. La voiture est déjà au fond du ravin.