mercredi 23 juin 2010

Qui sont, au juste, ces soi-disant « chrétiens » qui se font sionistes ?

Monde - 22-06-2010
Par Stuart Littlewood

Stuart Littlewood est l’auteur de l’ouvrage Radio Free Palestine, qui raconte le calvaire des Palestiniens vivant sous l’occupation. Pour en savoir plus, consultez le site : www.radiofreepalestine.co.uk .
« Nous rejetons catégoriquement les diverses doctrines chrétiennes sionistes, ces faux enseignements qui corrompent le message biblique d’amour, de justice et de réconciliation » - Déclaration des Eglises de Jérusalem (2007).

Tous les juifs ne sont pas sionistes. Les juifs sont nombreux à rejeter le projet sioniste et à le combattre. Alors, pourquoi Diable un non-juif peut-il bien s’enticher de se faire sioniste ? En vérité, comment un chrétien sincère peut-il sérieusement envisager de devenir sioniste ? Cela me stupéfait, depuis bien des années. Ces deux philosophies sont totalement incompatibles entre elles, non ?
Prenons l’exemple de l’association Anglican Friends of Israel (les Amis anglicans d’Israël). Son but proclamé est notamment de :
- soutenir le peuple israélien et garantir des frontières défendables pour l’Etat d’Israël ;
- rappeler à l’Eglise (anglicane) l’Alliance de D.eu avec le peuple juif et l’appeler à affirmer la centralité d’Israël pour la foi juive ;
- inciter les Anglicans à se repentir pour les torts – tant verbaux que concrets – infligés par des chrétiens au peuple juif et à la nation d’Israël (sic) ;
- combattre toutes les attaques diffamatoires portées contre Israël, le peuple juif et son Etat ;
- protéger les communautés chrétiennes menacées par l’extrémisme musulman au Moyen-Orient.
Sont-ce des sionistes ? Cela en a tout l’air. Pour eux, il est impossible qu’Israël fasse quelque mal que ce soit et les chrétiens doivent présenter leurs excuses au peuple juif… Euh, pourquoi, au fait ?
Et qu’est-ce qui les amène à penser que les musulmans représenteraient davantage une menace pour les communautés chrétiennes que les extrémistes israéliens ?
Vous devriez aussi voir le genre de trucs que les Amis Anglicans d’Israël [AFI] affichent sur leur site ouèbe. Inimaginable ! En voici un exemple :
Communiqué de l’AFI : le Mavi Marmara
Ecrit par l’AFI
Mercredi 2 juin 2010.
Les Anglican Friends of Israel sont choqués par la condamnation internationale d’Israël faisant suite à des attaques contre des personnels des Forces Israéliennes de Défense par un convoi prétendument d’aide humanitaire pacifique… Les offres israéliennes d’acheminer cette aide à l’intérieur de la bande de Gaza par des moyens pacifiques ont été repoussées. Un document vidéo prouve que la violence qui a tragiquement entraîné la mort de quelques passagers et des blessures pour d’autres, dont des hommes de « Tsahal », a été le fait de membres de la flottille… Les terroristes, à Gaza, continuent à tirer des roquettes contre Israël – il y en a eu plus de soixante, cette année, jusqu’ici – et à faire exploser des bombes afin de tuer et de mutiler des citoyens israéliens.
Les personnes s’exprimant en Occident doivent garder à l’esprit que la menace terroriste qui pèse sur les pays occidentaux découle de la même source que celle à laquelle les Israéliens doivent faire face tous les jours et être, par conséquent, plus circonspects lorsqu’ils expriment des exigences envers Israël avant même que tous les événements aient été élucidés
».
Tous ceux qui auront pensé qu’il s’agit là en réalité de propos inventés par l’unité crapuleuse de propagande de Tel-Aviv sont excusés. Ces Anglicans (à supposer qu’ils soient anglicans) ont avalé les bobards empoisonnés d’Israël avec l’hameçon, la ligne et le flotteur et ils les rediffusent, tandis que la flottille des humanitaires kidnappés – qui ont été les témoins oculaires de l’assaut israélien meurtrier et d’exécutions – étaient emprisonnés dans des geôles israéliennes et dans l’impossibilité totale de dire au monde extérieur ce qui s’est passé en réalité.
Je ne vois pas quel danger représenterait pour nous le Hamas, le Hezbollah ou l’Iran, si telles sont bien les sources du « terrorisme » auxquelles il a été fait ici allusion. Je doute que des groupes désireux de voir neutralisée la menace nucléaire israélienne pesant sur la région soient aussi en train de nous flinguer, même si des gens tels que les Anglican Friends of Israel et William Hague, le Secrétaire (britannique, ndt) aux Affaires étrangères, font de leur mieux pour les provoquer. Mais Israël, bien entendu, veut que les Britanniques se sentent menacés et nous entraîne pour ses raisons stratégiques particulières dans ses schèmes d’occupation et de domination permanentes. Il y a toujours abondance d’idiots utiles pour s’en faire les avocats.
Quelques jours avant, les Anglicans avaient publié un communiqué de presse affirmant que la flottille pour Gaza était « une opération publicitaire, et certainement pas un authentique convoi humanitaire ». Il s’agissait en réalité là d’une antienne de l’ambassade israélienne reprise mot pour mot, et contenant de l’information absurde, du style : … « depuis le cessez-le-feu de janvier de l’année dernière, 133 millions de litre de fioul sont entrés à Gaza à partir d’Israël, soit plus que ce qui suffirait à faire le plein de toutes les voitures particulières et de tous les camions roulant en Israël ! » ou « depuis le cessez-le-feu, c’est bien plus d’un million de tonnes de fournitures humanitaires qui sont entrées à Gaza depuis Israël – cela représente presque une tonne d’aide pour chaque homme, chaque femme et chaque enfant vivant dans la bande de Gaza. »
Absurde, car ces chiffres sont extraits de tout contexte. Pour le connaître, le contexte, il vous faut aller voir l’Onu. Quoi qu’Israël laisse entrer à Gaza, dit l’Onu, cela ne représente qu’un cinquième de l’indispensable.
Des gens apparemment responsables semblent enclins à admettre sans se poser de question la désinformation dont ils sont gavés par les autorités israéliennes plutôt que les évaluations réalisées sur le terrain et les rapports de l’Onu et de diverses organisations humanitaires.
En réalité, Israël ne laisse pénétrer à Gaza qu’un quart des marchandises qu’il autorisait avant l’élection du Hamas. Indubitablement, la flottille pour Gaza comportait une dimension ‘publicitaire’. Les organisateurs avaient un argument politique à faire passer, à savoir celui que le bordel horrible créé conjointement par les Etats-Unis et le Royaume-Uni là bas est une impasse politique. Les Israéliens ne pouvaient supporter de voir brisé leur blocus illégal. Il est évident que le raid punitif mené contre le Mavi Marmara en pleine nuit et avec une liste d’hommes à abattre était prémédité. Et dans une lettre à la BBC, ces Anglicans insistaient sur le fait que l’Opération Plomb Coulé (nom donné par les Israéliens à leur blitzkrieg contre Gaza après avoir violé le cessez-le-feu avec le Hamas, entraînant la mort de 1 400 personnes, en mutilant Dieu seul sait combien et laissant des centaines de sans domicile) aurait été, selon eux, « un acte d’autodéfense ».
Si vous êtes aussi étonnés que moi-même que des chrétiens puissent adhérer au sionisme, un bref article expliquant et dénonçant ce phénomène a été rédigé par l’association de solidarité irlando-palestinienne Sadaka. A mes yeux, ce document est très utile. Il est consultable en ligne à cette adresse :
http://www.sadaka.ie
« Le destin du peuple juif consiste à retourner sur la terre d’Israël pour y revendiquer son héritage promis à Abraham et à ses descendants à jamais. Cet héritage s’étend de la Rivière d’Egypte (le Nil, ndt) à l’Euphrate. Sur la terre des juifs, Jérusalem est reconnue pour être leur capitale exclusive, unifiée et éternelle, et par conséquent, cette ville ne peut être ni divisée ni partagée. Au cœur de Jérusalem se trouvera le temple juif reconstruit, dans lequel toutes les nations viendront adorer Dieu. Juste avant le retour du Christ, il y aura sept années de calamités et de guerres, connues comme les années de tribulation, qui culmineront dans une grande bataille, l’Armageddon, durant lequel les forces impies et athées opposées tant à Dieu qu’à Israël seront vaincues.
C’est alors que Jésus reviendra en tant que Messie juif et que roi, qui règnera sur Jérusalem durant un millénaire et le peuple juif bénéficiera d’un statut et d’un rôle privilégiés dans le monde
». Tel est, en résumé, le rêve sioniste.
J’avais cru comprendre que les juifs avaient été chassés par l’occupation romaine en l’an 70, année où le second temple de Jérusalem fut détruit, puis, à nouveau, en l’an 135.
De nos jours, l’on considère que le droit au retour chez soi est inaliénable. Mais ce droit doit être exercé dès l’instant où la raison de l’expulsion (par exemple, une occupation militaire étrangère) prend fin. Dans le cas des juifs, une telle opportunité se serait présentée au 4ème siècle de notre ère, lors de l’effondrement de l’Empire romain. Mais les juifs ne l’ont pas saisie. On ne saurait admettre qu’ils aient mis seize siècles à changer d’avis : leur droit au retour est caduc depuis très longtemps.
En comparaison, le droit au retour des Palestiniens après l’épuration ethnique (sioniste, ndt) dont ils furent les victimes en 1948 et qui n’a jamais cessé depuis lors est un droit infiniment plus prégnant, car l’occupation ennemie n’a pas encore pris fin ; l’Onu a d’ailleurs pris fait et cause pour leur droit.
Néanmoins, les sionistes revendiquent Jérusalem au nom d’un décret céleste. Toutefois, la plus sainte de toutes les villes avait déjà deux mille ans lorsque le roi David la conquit. Jérusalem a en effet au moins cinq millénaires ; elle tire son nom d’une divinité cananéenne liée au coucher du soleil.
Les historiens nous disent que Jérusalem, sous sa forme de « Cité de David », n’a duré que soixante-treize années. En 928 avant JC, le royaume se divisa entre Israël et Royaume de Judée et, en 597 avant JC, les Babyloniens conquirent la ville et détruisirent le temple de Salomon. Les juifs la reconquirent en 63 avant JC. Avant le conflit actuel, les juifs, au total, ont donc contrôlé Jérusalem durant environ cinq siècles, ce qui signifie qu’elle a été gouvernée par les musulmans durant 1 277 ans. Avant les juifs, Jérusalem appartenait aux Cananéens. Et durant près de quatre-vingt-dix ans, elle fut la capitale d’un royaume chrétien. On le voit : il y a beaucoup de revendications en concurrence ; c’est sans doute ce qui avait amené l’Onu à déclarer que cette ville devait être internationalisée et dotée d’une administration autonome…
En 1187, Saladin rendit la ville à l’Islam, tout en permettant aux juifs et aux chrétiens d’y demeurer. Aujourd’hui, des groupes de fanatiques juifs veulent contrôler la ville pour en faire leur centre spirituel et y bâtir un troisième temple conformément à d’antiques prophéties. Leur plan visant à rendre permanente l’occupation israélienne menace en particulier les lieux saints musulmans, mais aussi les lieux saints chrétiens et il vise à maintenir la tension politique en état constant d’ébullition. Il n’est donc pas étonnant, lorsqu’on connaît la manière dont Israël s’appuie sur la propagande ‘noire’ des religieux, que lorsque le président iranien a cité l’ayatollah (aujourd’hui disparu) Khomeïny disant que le régime hostile occupant Jérusalem « disparaîtra de la page des temps », il ait été immédiatement propagé qu’il voulait que l’Etat d’Israël fût rayé de la carte.
Le mouvement irlandais Sadaka rappelle la position authentique du christianisme en citant la Déclaration de Jérusalem sur le sionisme chrétien, une déclaration commune du patriarche latin et des responsables des Eglises chrétiennes de Jérusalem publié en 2006… :
« Nous rejetons catégoriquement les doctrines sionistes chrétiennes, cet enseignement fallacieux qui corrompt le message biblique d’amour, de justice et de réconciliation.
De plus, nous rejetons l’alliance contemporaine de dirigeants et d’organisations chrétiens sionistes avec certains éléments au sein des gouvernements d’Israël et des Etats-Unis qui sont en train d’imposer leurs frontières préemptives et leur domination unilatérales à la Palestine. Cela conduit inévitablement à des cycles interminables de violence qui sapent la sécurité de tous les peuples du Moyen-Orient et du reste du monde.
Nous rejetons les « enseignements » du sionisme chrétien qui facilitent et soutiennent cette politique en prônant l’exclusivisme racial et la guerre perpétuelle et non l’Evangile de l’amour universel, de la rédemption et de la réconciliation enseigné par Jésus Christ. Refusant de condamner le monde à la damnation de l’Armageddon, nous exhortons tous les hommes à se libérer des idéologies du militarisme et de l’occupation. Que tous recherchent la guérison des nations !
».
Cette Déclaration, explique le mouvement Sadaka, affirme que « les chrétiens sionistes ont agressivement imposé une expression aberrante de la foi chrétienne et des interprétations erronées de la Bible qui sont au service de l’agenda politique de l’Etat d’Israël… Le sionisme chrétien se nourrit d’une herméneutique futuriste et littéraliste dans laquelle les promesses faite au peuple juif de l’Antiquité dans l’Ancien Testament sont transférées à l’Etat contemporain d’Israël, en anticipation d’on ne sait quel accomplissement final futur ».
Jusqu’à présent, je n’ai encore jamais vu la moindre réponse crédible des sionistes chrétiens…
Chose particulièrement alarmante, la Coalition de l’Union pour Israël, basée aux Etats-Unis, rassemble deux-cents organisations : c’est le réseau pro-israélien le plus important dans le monde. Ils affirment avoir quarante millions de membres actifs et ils font du lobbying pour Israël au travers de 1 700 stations de radio confessionnelles, de 245 chaînes de télévision chrétiennes et de 120 quotidiens chrétiens.
La question à laquelle j’aimerais bien voir apporter une réponse est celle-ci : veut-on vraiment nous faire avaler qu’un Etre surnaturel tout-puissant aurait sélectionné et élevé un groupe particulier d’êtres humains pour le placer dans une position de suprématie sur tous les autres, qu’il aurait approuvé leur recours à tous les moyens possibles et imaginables, y compris l’assassinat et l’éviction brutale, pour atteindre leur but et qu’il mobiliserait aujourd’hui des millions de mortels inférieurs, dans le monde entier, comme ceux qui se considèrent comme de soi-disant chrétiens, afin de servir de pions de ce « Grandiose Dessein » et d’en chanter les laudes ?
En attendant, je suis d’accord avec la position des Eglises de Jérusalem au sujet de cette bonne blague.
Il a fallu une dame de quatre-vingt-neuf ans, la formidable correspondante agréée à la Maison Blanche Helen Thomas, pour faire exploser la baudruche sur-gonflée des sionistes, lorsqu’elle a déclaré, la semaine dernière, que les Israéliens « devraient aller se faire cuire un œuf en dehors de la Palestine » et « rentrer chez eux… en Allemagne, en Pologne, en Amérique et ailleurs ».
L’équipe de malfrats qui hante l’antre de l’iniquité américaine lui est immédiatement tombée sur le paletot à bras raccourcis. Ils ont peut-être réussi à la faire taire. Ils ont même sans doute réussi à détruire cette fragile grande dame, mais la puissance de ses paroles, quant à elle, reste intacte…