Le mouvement qui contrôle Gaza a gagné en prestige suite à l’allégement du blocus, mais reste en situation difficile face aux Gazaouis.
Les dirigeants du Hamas n’ont pas manqué l’occasion pour hausser leur voix : « Nous rejetons la décision sioniste qui constitue une tentative de contourner la décision internationale d’une levée complète du blocus de la bande de Gaza ». Ismaïl Radwane, un dirigeant du Hamas, a ainsi répondu à la décision israélienne sur l’allégement du blocus. Une réponse forte à ce qui a paru être un acte de charité ni plus ni moins. « Nous demandons l’ouverture permanente des points de passage terrestres et maritimes, sur la base de nouveaux arrangements qui garantiraient la libre circulation des individus et des marchandises de et vers Gaza », précise le Hamas. Ce mouvement palestinien, qui contrôle la bande de Gaza, a ainsi insisté à mettre en relief son rejet pour l’annonce israélienne, tout en exigeant la levée totale du blocus imposé à l’enclave palestinienne pauvre et surpeuplée, dont plus de 80 % de la population dépend de l’aide étrangère. Il s’agit en fait d’une manière de se replacer sur la scène politique, surtout que beaucoup d’interrogations se posent autour du statut de ce mouvement de résistance islamique sous le blocus.
Cette situation met-elle en valeur le Hamas ou pas ? Pour Emad Gad, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, il s’agit d’« une occasion dont le Hamas a pu bénéficier en profitant de l’énorme concentration médiatique sur l’affaire de la flottille. Le monde entier a tourné les yeux vers Gaza, donc il était temps pour le Hamas d’essayer de s’imposer sur la scène, surtout que l’image d’Israël est en effet ternie depuis un certain temps », explique Gad.
Affaibli ou renforcé ?
Il est vrai que dès le départ sous le blocus israélien, le statut du Hamas a connu des hauts et des bas. Ce mouvement de résistance a-t-il vraiment été affaibli sous le blocus ou au contraire a-t-il été renforcé en gagnant du prestige ? Une question posée de plus en plus par les politologues. C’est peut-être parce que dès le départ, la raison invoquée publiquement pour l’imposition du blocus était liée à un but précis, à savoir l’affaiblissement du Hamas. Si pour certains le blocus a échoué, c’est que le Hamas ne s’est pas affaibli.
C’est d’ailleurs sur quoi Israël a tenu à insister, prévoyant que l’allégement du blocus va renforcer l’emprise des islamistes du Hamas. Le vice-ministre israélien de la Défense, Matan Vilnaï, a ainsi affirmé : « Il ne fait pas de doute que la décision de permettre l’entrée de davantage de marchandises à Gaza va aider indirectement le Hamas à renforcer son pouvoir ». Et d’ajouter : « Il ne faut pas se voiler la face, tout ce qui rentre à Gaza passe sous le contrôle du Hamas qui effectue ensuite comme bon lui semble la répartition des marchandises ».
Mais les choses ne sont pas aussi faciles qu’elles ne peuvent en l’être en apparence.
Pour certains politologues, il n’est actuellement pas facile de juger si le Hamas est affaibli ou renforcé. C’est ce qu’affirme Gad qui explique que « pour le savoir, il faudrait peut-être faire un référendum ».
A certains égards, on ne peut pas nier que le blocus a pu renforcer ce mouvement de résistance islamiste. Le Hamas n’est pas une force que l’on peut prendre à la légère. Il s’agit d’un mouvement qui a pu, et à travers le blocus, maintenir un large réseau de liens régionaux avec l’Iran ou le Hezbollah, explique Gad qui ajoute : « Ce mouvement est très fort à Gaza et a sa propre dominance. Il possède son propre appareil sécuritaire qui est pris en considération. La preuve en est que lorsqu’ils ont décidé de faire une trêve par exemple, pas une seule fusée n’a été lancée ».
Mais cette force domine un territoire qui souffre de la pauvreté dans presque toutes les ressources de la vie sans qu’il ne puisse y faire face. D’ici vient sa faiblesse.
Une question de popularité
Au départ, les Palestiniens voyaient dans ce mouvement un remplaçant du Fatah jugé passif. Mais avec le temps et une fois le pouvoir en main, la popularité du Hamas ne fait que diminuer. Le politologue Saïd Okacha affirme que le Hamas a commencé sa réputation avec ce qu’on appelle « la popularité de l’opposé ». Il explique : « Le peuple a au départ voté pour le Hamas pour voter contre le Fatah ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, si des élections ont lieu, c’est sûr que le Hamas perdra une large tranche des voix qu’il avait obtenues au départ. C’est justement d’ici que l’on peut parler de la faiblesse du Hamas ». Trois ans se sont écoulés depuis l’arrivée du Hamas au pouvoir. Pour les Palestiniens, rien n’a concrètement changé, au contraire ce peuple ressent de plus en plus l’effet du blocus qui l’enferme de plus en plus. Il souffre d’un manque dans tous les domaines : santé, éducation et même en liberté de déplacement. « La crise des Palestiniens n’est pas la nourriture comme le pensent beaucoup de gens. Leur vrai problème c’est l’absence de la liberté de déplacement. Et malgré toutes les pressions sur le Hamas, la situation n’a jamais changé. Avec le temps, les Palestiniens ont découvert que le Hamas ne leur a rien présenté », explique Okacha.
Un paradoxe : le Hamas, renforcé par l’injustice israélienne, est miné en même temps par le pouvoir qu’il exerce sur les Gazaouis.
Chaïmaa Abdel-Hamid