Alléger le blocus ou pas, là n’est pas la question essentielle. Car le siège imposé à Gaza s’inscrit en lui-même à l’encontre des textes juridiques internationaux.
« L’attaque contre la flottille de la Liberté est une attaque contre le droit international ». Cette déclaration du premier ministre turc Recep Erdogan a mis en valeur l’aspect hors la loi de l’acte de piratage israélien, mais a rappelé aussi que dans le fond, c’est aussi le blocus en tant que tel imposé à Gaza qui est lui-même contraire au droit international. Tout d’abord, Israël, comme puissance occupante, a des responsabilités et même des devoirs à l’égard du peuple palestinien dont la terre est occupée. C’est ce que font valoir de nombreux experts juridiques. Certains, il est vrai, estiment qu’Israël n’a plus d’obligation dans ce sens depuis son retrait de Gaza en 2005, mais sur ce point précis, le Dr Abdallah Al-Achaal, professeur de droit international à l’Université américaine du Caire et ex-assistant du ministre des Affaires étrangères, répond : « L’occupation ne signifie pas la seule présence militaire, c’est aussi le contrôle réel du territoire ». Israël contrôle la terre, la mer, l’espace aérien et les points de passage de Gaza. Donc, il reste obligé, selon le droit international et les Traités de Genève et de La Haye, d’assurer aux habitants de Gaza les moyens de vivre. Il ne doit pas, en outre, porter atteinte aux civils. Or, l’Etat hébreu non seulement n’accomplit pas ces tâches, mais en plus il empêche toute autre partie de le faire. « C’est un double crime », explique Al-Achaal. Israël empêche l’entrée des aides humanitaires, ce qui contredit le droit international. L’article 2/1/54 du protocole additionnel I de 1977 interdit le fait de réduire les civils à la faim, même dans le contexte de la guerre. En plus, cela est considéré comme crime de guerre, selon le statut fondamental de la Cour Pénale Internationale (CPI). Depuis 2007, Gaza est sous embargo, les avions sont interdits de franchir l’espace aérien, les navires de s’approcher des côtes et les convois terrestres de traverser les frontières. Par la suite, le secteur souffre de l’isolement et de l’absence des moyens fondamentaux de vie. La situation a été aggravée avec l’offensive israélienne en décembre 2008. « C’est un nouvel holocauste », souligne Al-Achaal, pour décrire l’attitude israélienne. Selon le texte de la pénalisation des génocides datant de 1951, on peut considérer cet embargo comme un génocide. L’argument israélien, lui, est bien connu : « Il est nécessaire d’assurer l’embargo sur Gaza pour empêcher l’entrée des armes dans cette bande contrôlée par le Hamas », a tenté de répondre le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak. Mais la protection contre le « terrorisme » du Hamas n’est pas une excuse valable, selon le droit international. La réalité concrète sur le terrain la dément.
Ressource salutaire
Un million et demi d’habitants enfermés dans un espace de 363 km2. Une économie anéantie par l’embargo. Le taux de chômage se chiffre à 38,6 % de la population active en 2009, selon le Bureau palestinien des statistiques. L’UNRWA (Office des Nations-Unies pour les réfugiés) a estimé que le nombre de réfugiés vivant dans une pauvreté extrême dans la bande de Gaza avait triplé depuis le début du blocus en 2007, passant d’environ 100 000 à quelque 300 000. D’autre part, l’insécurité alimentaire touche 60,5 % des foyers, selon les chiffres de 2009, contre 56 % en 2008, selon la FAO. La mer devient alors un recours, la seule ressource salutaire pour se nourrir et travailler. Israël a pris des mesures pour bouleverser cet état de choses si simple. Fermer les plages, ne pas fournir les autorisations nécessaires, arrestation et brutalité à leur égard, démantèlement des filets de pêche, limitation des zones de pêche autorisées ... en violation du droit international. L’article 2 du traité international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 indique que tout peuple est libre d’utiliser ses ressources, si cela n’influence pas ses responsabilités concernant la coopération internationale économique. Il est interdit, dans tous les cas, de priver un peuple de ses moyens de vie.
Certes, il y a eu des cas de blocus tout aussi injustes, concernant l’Iraq et l’Iran par exemple, mais au moins, ces mesures avaient été décidées par le Conseil de sécurité : La résolution 661 imposée à l’Iraq et les résolutions 1737, 1747, 1803 à l’Iran. Elles ont imposé en Iraq un embargo qui a duré plus de 10 ans et à l’Iran des sanctions économiques. Dans ces deux exemples, la mise en place d’embargo a exigé des résolutions de l’Onu, tandis que pour Gaza, l’embargo n’est pas autorisé par le Conseil de sécurité. Alors, selon les déclarations même de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations-Unies, « il faut mettre fin à cet embargo inacceptable ».
Mavie Maher