Bande de Gaza, Khan Younès - Ibrahim se déplace à travers tout l’hôpital, son sourire ne le quittant jamais.
- Wissam et Ibrahim sont étendus sur leur lit à l’hôpital Hilal Al-Ahmar, Khan Younès - Photo : Mohamed Othman
Pendant les 51 jours de l’agression israélienne contre la Bande de Gaza, qui s’est interrompue le 28 août, Ibrahim et son frère Wassim, tous deux de Deir Al-Balah au centre de Gaza, ont quitté leur maison et ont été blessés par un raid aérien israélien. Ibrahim a perdu sa jambe gauche et Wassim a été gravement blessé aux jambes.
Wassim, le plus grand des deux et âgé de 15 ans était un passionné de football, jusqu’à ce que les drones israéliens aient tiré leurs fusées et en même temps brisé tous ses rêves en le laissant avec une invalidité permanente.
En dépit de ses graves blessures, Wassim me dit, ses yeux pleins d’espoir : « Je souhaite que les choses reviennent comme elles étaient. Je souhaite à nouveau pouvoir jouer avec mes amis, surtout au foot parce que j’aime tellement cela. Je suis impatient de retourner à l’école et de reprendre la classe dans la 10ème année. »
Au Centre de réhabilitation du Croissant Rouge à Khan Younès, j’ai rencontré les frères Khattab avant qu’ils ne partent suivre un traitement en Allemagne. Ibrahim, le plus jeune de la famille et dont la jambe a été amputée, se déplace à travers l’hôpital dans son fauteuil roulant, aidé par son père. Wassim parait mieux supporter sa condition que son père et son petit frère. Mais il me dit ses craintes pour son avenir, d’autant plus qu’il voit ses proches et ses amis marcher alors que lui ne le peut plus.
Ibrahim me demande avec innocence : « Comment vais-je vivre plus tard ? Ma jambe, qui me servait tant pour marcher et jouer, est maintenant amputée. Mon seul tort est d’avoir voulu aller à la maison de mon oncle. Comment est-ce que j’irai à l’école maintenant ? Comment vais-je jouer avec mes amis ? »
Ibrahim pose des questions jour et nuit, auxquelles il n’a pas de réponses. Il a perdu beaucoup de poids et pèse guère plus de 20 kilos.
Khaled Khattab, le papa, fait tout pour aider ses fils à s’adapter à leur nouvelle vie. Il me dit : « J’essaye d’être là pour eux, de façon à ce qu’ils puissent quitter l’hôpital avec le moins de dommages possibles. J’aide Ibrahim à se servir de sa jambe artificielle et j’essaye de trouver le meilleur traitement pour Wassim. »
La situation économique de Khaled est difficile. Il a été sans emploi pendant plus de huit années, en raison du siège israélien sur Gaza, et la charge est maintenant plus lourde avec les coûts quotidiens qu’impliquent les soins pour ses fils.
La douleur éprouvée par les frères Khattab est hélas commune à travers la Bande de Gaza
Selon des statistiques éditées par le Ministère de la santé à Gaza, le nombre de tués dans la guerre israélienne contre Gaza comprend 540 enfants, soit plus du quart des gens assassinés. Plus de 3000 enfants ont été blessés, dont certains ont dû se faire amputer d’un ou plusieurs membres ou sont dans un état critique.
Le responsable de l’Unité de réadaptation physique au Ministère de la santé, Ayman Al-Halabi, a déclaré que la souffrance éprouvée à cause des blessures peut être une expérience difficile pour des enfants alors qu’ils étaient en plein croissance. Un grand nombre d’enfants ne peuvent pas comprendre ce qui leur est arrivé et ont besoin d’un long moment pour pouvoir faire face à leur situation. Leurs parents peuvent également avoir été blessés ou tués lors des attaques, ce qui empire les conséquences psychologiques dont ils pâtissent.
Halabi m’a dit : « Quand les blessures sont graves, les patients ont besoin de soins médicaux intenses et de longues sessions de réadaptation afin de stabiliser leur état. Ils ont besoin également d’un support psychologique pour surmonter le traumatisme, en plus de leurs besoins économiques qui ne cessent d’augmenter. »
« Par exemple, les enfants dont les membres ont été amputés sont à la première phase de leur croissance, ce qui signifie que leur poids et leur taille changent constamment. Il faut donc leur changer les membres artificiels tous les six mois ou selon l’évaluation de leur état. Cela place les enfants et leurs parents sous une forte pression, » explique encore Halabi.
En raison du manque d’hôpitaux à Gaza pouvant fabriquer les membres artificiels, la situation est plus difficile puisque les familles dont les enfants ont été amputés des membres doivent assurer des dépenses supplémentaires pour acheter de nouvelles prothèses.
« La guerre, la destruction des maisons et le blocus israélien sur la Bande de Gaza ont très largement affecté les vies des habitants sur le plan économique. Les parents d’un enfant sont dans l’incapacité de changer la prothèse de leur enfant tous les six mois, parce que c’est très cher, sans compter qu’une personne qui a subi ce genre d’opération en dehors de Gaza devra retourner à l’endroit où elle a été opérée. C’est également très coûteux et une lourde charge pour une famille déjà pauvre, » dit Halabi.
Nous avons quitté Ibrahim et Wassim, en train de jouer, et rêvant à leurs vies futures, bien que terriblement marquées par la dernière guerre.
* Mohammed Othman est un journaliste de la bande de Gaza. Il est diplômé de la Faculté des médias au département de la Radio et de la Télévision à Université Al-Aqsa, à Gaza en 2009.