mercredi 31 mars 2010

Une idée à creuser

publié le mercredi 31 mars 2010
Hmida Ben Romdhane
 
Compte tenu de l’isolement de plus en plus accentué d’Israël et du mépris et de la révolte de plus en plus prononcés que suscite la politique de ce pays au sein de la communauté internationale, les conditions sont nettement plus favorables qu’avant pour entreprendre une action sérieuse de nature à mettre un terme au banditisme politique israélien et à l’impunité qui le nourrit depuis des décennies.
La seule décision concrète prise par le sommet de Syrte est l’octroi de 500 millions de dollars aux Palestiniens dans le cadre du « plan de soutien à Al Qods ».
Le reste relève soit des déclarations auxquelles on est habitué, soit des ballons d’essai, comme ceux lancés par le secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, et qui sont restés en suspens en attendant le prochain sommet extraordinaire que les dirigeants arabes ont décidé de tenir avant la fin de cette année.
Le refus du sommet de tout dialogue avec les Israéliens tant que ceux-ci n’ont pas arrêté la construction des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est vient annuler une précédente décision de la Ligue arabe qui avait accepté au début de ce mois que les Palestiniens s’engagent dans des négociations indirectes avec Israël. Une décision qui n’a plus aucun sens au vu de l’arrogance du gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu qui semble se délecter des annonces quasi-quotidiennes de la construction de nouvelles colonies que ce soit en Cisjordanie ou dans ce qu’il appelle « la capitale éternelle d’Israël ».
Face à la « folie » israélienne de s’approprier la totalité de la ville sainte, comme l’a si justement dit le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, invité au sommet, les dirigeants arabes présents à Syrte n’avaient pas pris d’initiatives concrètes de nature à dissuader Netanyahu et sa coalition de fanatiques de faire marche arrière. Prendre à témoin les Etats-Unis, l’Union européenne et le Quartette et les inciter à faire pression sur Israël, ne constitue en rien une nouveauté, car on ne compte pas les fois où les sommets arabes demandaient de telles pressions aux alliés américain et européens d’Israël qui n’avaient jamais pu ou voulu les exercer sérieusement et efficacement.
Quand on dit qu’on attend des dirigeants arabes des décisions concrètes pour s’opposer à « la folie » israélienne qui dure depuis 43 ans, cela ne veut pas dire un appel à la guerre. Certes, il y en a qui la souhaitent vivement, ce qui équivaudrait à vouloir répondre à une folie par une autre. Aucun pays arabe n’est en mesure de supporter une guerre régionale forcément dévastatrice et dont nul ne peut prévoir l’ampleur, ni les conséquences désastreuses.
Mais cela ne veut pas dire se croiser les bras et se contenter des communiqués habituels de condamnation et de dénonciation. Compte tenu de l’isolement de plus en plus accentué d’Israël et du mépris et de la révolte de plus en plus prononcés que suscite la politique de ce pays au sein de la communauté internationale, les conditions sont nettement plus favorables qu’avant pour entreprendre une action sérieuse de nature à mettre un terme au banditisme politique israélien et à l’impunité qui le nourrit depuis des décennies.
L’avantage le plus récent et le plus déterminant est le changement de cap de l’Etat turc qui, d’ami et d’allié d’Israël, est devenu un ardent opposant à la politique de ce pays et un défenseur de poids des causes arabes et islamiques, au premier plan desquelles la cause palestinienne. Cet avantage mérite d’être exploité au maximum, par exemple en créant une commission arabo-turque qui entreprendrait une vaste offensive diplomatique auprès des grands centres de décision dans le monde (Amérique, Europe, Asie) en vue de les convaincre de l’absurdité du statut spécial dont continue de jouir Israël, c’est-à-dire un pays au dessus des lois et immunisé contre toute espèce de sanction et contre toute obligation de rendre compte de ses actions extrêmement dommageables pour ses victimes.
L’aboutissement logique d’une telle offensive diplomatique serait un débat au Conseil de sécurité. Evidemment, cela ne servirait à rien si un tel débat empruntait les sentiers battus habituels avec interventions pour et contre, vote, veto américain et classement du dossier en attendant la prochaine plainte.
L’atmosphère internationale se caractérise actuellement par au mieux un embarras et au pire une révolte contre la politique israélienne et les politiciens qui l’initient et l’appliquent. Les conditions sont favorables à l’approfondissement des divergences qui séparent Washington de Tel Aviv, mais les pays arabes ne semblent pas suffisamment mobilisés pour exploiter l’occasion et contribuer à l’accentuation de ce désamour naissant entre les Etats-Unis et Israël.
A supposer que des forces intérieures américaines (Lobby, Congrès) arrivent à colmater les brèches et à empêcher la Maison blanche de faire ce qu’elle aurait dû faire depuis des années : tenir tête à la folie israélienne. Cela ne devrait pas décourager les efforts et les initiatives tendant à provoquer un débat au Conseil de sécurité sur les colonies en Cisjordanie, à Jérusalem et dans le Golan syrien, un débat qui soit entamé dans le cadre du chapitre VII de la charte de l’ONU, le seul qui vaille la peine dans la mesure où ce chapitre prévoit des sanctions appropriées dans le cas de non observation de la résolution du Conseil, et même l’usage de la force internationale pour l’appliquer.
On entend déjà les voix qui s’élèvent pour dire que jamais Washington n’exposerait Israël à un débat au Conseil de sécurité dans le cadre du chapitre VII. Certes. Mais les Etats-Unis n’ont-ils pas trouvé la combine pour déjouer le veto soviétique et faire passer en 1950 une résolution dans le cadre du chapitre VII qui leur avait permis d’utiliser la force contre la Corée du nord sous couverture internationale ? Ne peut-on pas s’inspirer de cette combine américaine pour déjouer un éventuel veto américain contre l’utilisation du chapitre VII ? Qu’est ce qui empêcherait le prochain sommet arabe extraordinaire de creuser une telle idée ?
publié par la Presse de Tunisie