D’un sommet à l’autre, de mal en pis. La cause palestinienne vit actuellement les moments les plus critiques et les plus graves de sa vie. Al-Qods est aujourd’hui en vrai état de perte. L’affaire ne concerne plus la question de différends entre le Hamas et le Fatah, et les réconciliations entre les deux factions. Il s’agit d’une judaïsation complète de la Ville sainte qui risque de lui faire perdre son identité arabe. Le sommet de Syrte, qui vient de prendre fin, n’était-il pas l’occasion de détecter la faiblesse du soutien arabe à Jérusalem ? D’aucuns croyaient à l’impossible que le sommet s’est donné pour titre : « Un plan d’action arabe pour soutenir Jérusalem ». Dès le départ, on entendait des déclarations assez fortes. « Nous devons étudier la possibilité que le processus de paix soit un échec complet. Il est temps de faire face à Israël. Nous devons préparer des projets alternatifs parce que la situation est arrivée à un tournant », avait dit Amr moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe à l’ouverture du sommet. Le monde arabe ainsi que les Palestiniens s’attendaient alors à un soutien concret avec ce sommet. Surtout que cette fois-ci, le sommet se tenait au moment où le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a assuré que la politique d’Israël concernant Jérusalem demeurerait inchangée après une visite tendue à Washington, qui n’a pas permis de régler la crise avec l’administration de Barack Obama. Israël avait donné le 9 mars son feu vert à un projet de construction de 1 600 logements dans un quartier de colonisation à Jérusalem-Est annexée. Quelle sera la réponse arabe à l’irrédentisme israélien et quels moyens les Arabes vont se donner pour faire triompher le droit des Palestiniens ? Interrogation demeurée en délibération depuis des décades dans un monde arabe incapable de prendre des décisions en phase avec la situation critique que vivent les Palestiniens singulièrement depuis le retour aux affaires de Netanyahu.
En fait, le sommet de Syrte a été lancé dans le but d’élaborer un plan sur la base duquel la Ligue arabe entend saisir la Cour Internationale de Justice (CIJ) sur le cas de cette Ville sainte et les tentatives israéliennes de bannir ses citoyens arabes, musulmans et chrétiens et détruire ses sites historiques islamiques dont la mosquée Al-Aqsa. D’un autre côté, le sommet a annoncé la création d’un nouveau poste de « Commissaire pour les affaires de Jérusalem » qui aura pour mission de faire des propositions au sujet des tentatives de judaïsation d’Al-Qods occupée et d’en notifier la Cour de justice internationale ou la Cour pénale internationale. Ce nouveau Commissaire bénéficiera d’un fonds créé spécialement pour soutenir Jérusalem et crédité de 500 millions de dollars au lieu de 250 millions décidés lors du sommet de Beyrouth en 2002, l’appui financier supplémentaire dédié au Fonds de soutien d’Al-Qods. L’argent doit aussi servir à dédommager les Palestiniens dont les maisons ont été détruites.
Pour le politologue Abdallah Al-Sénawi, les dirigeants arabes ont parlé de 500 millions de dollars. Somme beaucoup moins faible de ce qui devrait l’être : « A mon avis, il y aura beaucoup d’entraves en ce qui concerne cette somme. Ils n’ont comme d’habitude pas précisé comment ils vont la collecter et à qui ils vont la confier ». C’est d’ailleurs ce qu’a estimé le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad Al-Malki, pour qui cette somme est « modeste », comparée aux fonds bien plus importants engagés par des organisations comme celle du milliardaire américain Irving Moskowitz, à l’origine du rachat de nombreux bâtiments dans les quartiers arabes de Jérusalem au profit des colons israéliens. Ceci est bien vrai surtout qu’Israël s’est consacré un budget de 700 millions de dollars uniquement pour la judaïsation d’Al-Qods.
Un nouvel échec
Bref, la réunion n’a comme d’habitude abouti à rien. Des déclarations qui se succèdent et qui viennent s’ajouter à la liste des déclarations précédentes pour appuyer l’échec des tentatives arabes à faire une action solidaire concernant la ville d’Al-Qods.
En fait, jusque-là, aucune action concrète n’a été relevée pour sauver la Ville sainte. C’est ce qu’a souligné l’écrivain Ahmad Youssef Al-Qoreï, qui explique que « Jérusalem est la principale cause arabe. Il était donc tout à fait normal qu’elle occupe la priorité dans tout agenda arabe à partir de l’action palestinienne conjointe à l’action bilatérale ou multilatérale arabe. Cependant, il semble que cette priorité a connu un recul évident dans l’action arabe conjointe ».
Ceci est vrai, et les exemples sont nombreux. Il suffit de rappeler lorsque les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne ont publié une déclaration conjointe dont le projet a été publié début décembre 2009 concernant Jérusalem et les négociations. Israël l’a mis en doute et a prétendu qu’elle se contredisait avec la politique du Quartette. L’Etat hébreu s’est tout de suite dépêché pour exercer ses pressions sur l’UE et les amendements ont été opérés sur le projet européen pour l’accommoder à la position israélienne. Quant à l’action arabe, elle est restée inerte. Résultat : l’UE s’est trouvée obligée de céder aux pressions américaines et israéliennes pour amender le projet à la faveur d’Israël. Quant aux responsables arabes, ils se sont contentés de dénoncer l’action israélienne. Mais qui pourra ainsi soutenir Al-Qods ?
Même le Comité d’Al-Qods, qui a été fondé dans le but d’étudier l’évolution de la situation à Jérusalem, n’a jusqu’à présent pas enregistré d’action concrète pour sauver Al-Qods. L’écrivain palestinien Abdel-Qader Yassine affirme aussi que ce comité a beaucoup plus de négativité que de points positifs. « La ville d’Al-Qods a perdu à l’époque de ce comité le double de ce qu’elle a perdu avant sa création. Ce comité n’est pas plus qu’un spectateur qui suit les rôles, et le pire c’est qu’il appose son tampon sur ce qui se perd », dit-il.
C’est-à-dire que ce soit la réunion des leaders arabes ou même le comité qui se charge des affaires d’Al-Qods, ils ne font que donner des postes et des rôles qui n’ont jamais été assumés. Il ne faut donc pas s’attendre à des monts et merveilles de la nouvelle commission qui se chargera de Jérusalem.
Aliaa Al-Korachi
Chaïmaa Abdel-Hamid
Chaïmaa Abdel-Hamid