Présent au sommet arabe tenu en Libye, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad Al-Maliki, réagit au soutien apporté par les dirigeants arabes et évoque les perspectives d’un déblocage du processus de paix.
Al-ahram hebdo : Quel est le principal message que le sommet arabe de Syrte a envoyé à la communauté internationale sur le conflit israélo-palestinien ? Riyad Al-Maliki : Le plus important en ce moment, c’est de dire que nos positions n’ont pas changé par rapport à celles que nous avions émises au début du mois de mars. Nous conditionnons toujours la reprise des négociations indirectes avec Israël à l’arrêt des activités de colonisation. La position arabe est très claire sur ce sujet : les négociations avec Israël dépendent du gel de la colonisation et en particulier de l’annulation de la décision israélienne de construire 1 600 logements à Jérusalem-Est.
— Mais concrètement, pensez-vous qu’il est toujours possible de créer un Etat palestinien viable et contigu, étant donné la poursuite acharnée de la colonisation israélienne et le refus obstiné du premier ministre Benyamin Netanyahu de l’arrêter ?
— Nous disons toujours que toutes les activités de colonisation sur les terres palestiniennes occupées sont illégales, et pour cette raison, elles doivent non seulement être arrêtées, mais les colonies existantes actuellement en Cisjordanie doivent être démantelées pour permettre l’émergence d’un Etat palestinien viable. Si nous acceptons les faits accomplis sur le terrain, il vaut mieux plier bagages et partir. Mais nous avons la conviction que malgré tout ce qu’Israël est en train d’opérer sur le terrain en termes de construction de colonies, cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de possibilité d’émergence d’un Etat palestinien indépendant et viable, construit sur des terres contiguës. Nous pensons que si le démantèlement des colonies a été possible dans la bande de Gaza, il le sera également possible en Cisjordanie.
— Pensez-vous que l’administration du président américain Barack Obama pourra infléchir la position intransigeante du gouvernement israélien sur le processus de paix ?
— Nous ne pouvons pas dire que l’administration américaine pourra imposer un règlement ou quelque chose de ce genre. Tout ce que nous pouvons dire c’est que l’administration d’Obama a donné, depuis le premier jour, des indices montrant qu’elle est différente de toutes les autres administrations américaines précédentes. Elle a montré une volonté sincère de déployer tous les efforts nécessaires pour parvenir à un règlement et ce, dès le premier jour où Barack Obama a téléphoné au président Mahmoud Abbass en lui disant que le règlement de la question palestinienne représente un intérêt national américain et lorsqu’Obama a nommé George Mitchell comme envoyé spécial pour cette question, et lorsque le président américain a prononcé son fameux discours au Caire, le 4 juin 2009. Ce sont des indices de très grande importance qui doivent être pris en considération si on compare l’action de cette administration américaine à celles des précédentes. Mais il est sûr que nous avons besoin de plus, c’est-à-dire que ces indices et préoccupations soient suivis de faits et puissent être traduits par des développements concrets sur le terrain.
— L’administration américaine a-t-elle pris une position contre le blocus imposé par l’Etat hébreu sur la bande de Gaza ?
— La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, l’a dit clairement : les Etats-Unis œuvrent pour la levée du blocus et pour une amélioration de la situation humanitaire de la bande de Gaza. La Haute représentante de la politique étrangère de l’Union européenne, Catherine Ashton, a également fait des déclarations dans ce sens, ce qui est très important. Les positions de ces deux hauts responsables, ainsi que celle du secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, peuvent catalyser l’opinion publique internationale et créer un front dédié à exercer des pressions pour la levée du blocus imposé à la population de Gaza.
— L’une des raisons qui compliquent la recherche d’un règlement est le fossé qui sépare l’Autorité palestinienne, qui domine en Cisjordanie, et le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza. Quels sont les principaux obstacles qui entravent une réconciliation entre ces deux protagonistes palestiniens ?
— Le problème c’est que le Hamas a soumis sa décision à des parties étrangères qui ne sont pas directement liées au peuple palestinien. Il est soumis à des pressions iraniennes pour ne pas signer le document proposé par l’Egypte sur la réconciliation interpalestinienne. Au cours du dernier mois, il y a eu de nombreuses initiatives entreprises par le Fatah (du président Mahmoud Abbass) vers le Hamas visant à apaiser les différences et parvenir à un accord de réconciliation. Cela a commencé par la visite de Nabil Chaath à Gaza pour rencontrer les responsables du Hamas, et suivi par le voyage du membre du comité central du Fatah, Sakher Bsesso, aussi à Gaza. Puis, enfin, la visite du membre du comité central du Fatah, Azzam Al-Ahmad, à Damas et sa rencontre avec Moussa Abou-Marzouq, l’un des dirigeants du Hamas. Toutes ces initiatives de rapprochement entreprises par le Fatah en direction du Hamas n’ont pas trouvé d’écho du côté du Mouvement de la résistance islamique. Donc, nous remarquons que le travail de rapprochement entre les deux parties se fait dans un seul sens. Nous, au Fatah, attendons depuis le 15 octobre dernier, lorsque nous avons accepté les termes du document égyptien, que les responsables du Hamas annoncent qu’ils sont prêts à se rendre au Caire pour signer le document.
— Mais quels sont, en termes concrets, les différends sur lesquels achoppe la réconciliation entre les deux parties ?
— Moi je ne peux parler qu’au nom du Fatah. Pour connaître les objections du Hamas, il faut aller les leur demander. Nous disons seulement que le gouvernement iranien exerce sûrement une influence sur le Hamas, car il veut l’utiliser comme une carte pour exercer des pressions sur l’administration américaine. Par ailleurs, les membres du Hamas craignent et veulent éviter la tenue des élections palestiniennes, car tous les sondages montrent que si celles-ci se tiennent aujourd’hui dans la bande de Gaza, le Hamas ne les remporterait certainement pas. Et c’est la raison pour laquelle le Hamas ne veut pas signer le document égyptien de réconciliation.
— La tenue d’élections palestiniennes ne serait-elle pas la solution à ce blocage, car elle permettra à la population palestinienne de départager le Fatah et le Hamas ?
— Justement, le document égyptien le dit de manière très claire. Au cas où l’accord de réconciliation est signé, les prochaines élections devront avoir lieu le 28 juin 2010. Ce seraient des élections au niveau du Conseil législatif palestinien et au niveau de la présidence (de l’Autorité palestinienne). Nous avons accepté ces conditions, mais comme je l’ai dit avant, le Hamas a peur des élections. Nous avons mené des négociations avec le Hamas pendant huit mois en Egypte. Le Hamas annonçait toujours sa volonté de prolonger le mandat du président Abbass pour dix ans encore à condition que les élections du Conseil législatif soient, elles aussi, reportées de dix ans. Il s’agit d’une proposition extrêmement dangereuse, que l’Autorité palestinienne a refusée fermement. Donc, nous pouvons en conclure que le Hamas ne veut pas d’élections.
— Comment envisagez-vous la solution au blocus imposé par Israël à la population de la bande de Gaza ?
— La situation à Gaza représente certainement une préoccupation partagée par tous les Palestiniens et les Arabes. L’Autorité palestinienne accorde aujourd’hui 58 % de son budget à la bande de Gaza. Nous payons également les salaires de 77 000 fonctionnaires, la facture d’électricité, celle du gazoil dédié au fonctionnement des générateurs et nous faisons régulièrement appel à la levée du blocus sur la bande de Gaza et l’ouverture des passages. Il faut non seulement que l’aide humanitaire puisse parvenir à la population de Gaza, mais aussi permettre le passage de tous les produits de toutes sortes, car seulement de cette manière nous pouvons combattre et arrêter le commerce illégal qui s’opère à travers les tunnels entre la bande de Gaza et l’Egypte. Nous savons que c’est à travers les tunnels que les produits interdits et d’énormes quantités d’armes entrent à Gaza, et c’est cela que nous voulons empêcher. Ce que nous disons, c’est que lorsque tous les points de passage pourront être rouverts, la population de Gaza n’aura pas besoin du commerce de produits qui entrent via les tunnels, qui sont, eux, contrôlés par le Hamas.
— Mais les passages aujourd’hui ne sont ouverts qu’occasionnellement. Et même quand cela arrive, une panoplie de produits qui englobe même les pâtes ou le matériel de construction sont considérés comme n’étant pas essentiels et ne peuvent pas entrer à Gaza ?
— Cette question est liée aux mesures adoptées par Israël qui a conditionné la levée du blocus sur Gaza par la libération du soldat Gilad Shalit. Toute notre population d’un million et demi de Gazouis sont devenus otages et victimes du blocus imposé par Israël, mais ils sont aussi devenus victimes des attitudes du Hamas qui s’entête à faire échouer toutes les négociations allant dans le sens de la levée du blocus. Donc, le Hamas et Israël sont responsables de la situation humanitaire à Gaza. Et à chaque fois que nous rencontrons des responsables à l’étranger, nous soulevons la question avec eux et demandons d’exercer des pressions sur Israël pour qu’il lève le blocus et rouvre les passages permettant l’entrée des biens à Gaza. Nous discutons de cela avec le secrétaire général des Nations-Unies afin de permettre la mise en application des mesures décidées par la conférence de Charm Al-Cheikh sur la reconstruction de la bande de Gaza. Nous travaillons avec l’Onu et l’UNRWA pour améliorer la situation humanitaire à Gaza, mais jusqu’à présent, les obstacles sont trop importants, car Israël persiste à conditionner toute amélioration de la situation humanitaire à la libération de Gilad Shalit.
Propos recueillis par
Randa Achmawi
Randa Achmawi