L’Autorité Palestinienne gère l’occupation au lieu de la combattre et sert les intérêts d’Israël plutôt que ceux des Palestiniens.
- Débris d’une maison palestinienne détruite par les forces israéliennes d’occupation à Jérusalem-Est - Photo : AA
En février, le dit-négociateur palestinien en chef Saeb Erekat, a reconnu avoir pris la responsabilité personnelle de retarder le recours à l’ICC pour une durée de neuf mois en raison d’un accord avec Israël sur la question des prisonniers palestiniens (accord violé plus tard par Israël).
L’AP avait également indiqué qu’elle joindrait l’ICC si les entretiens de « paix » avec l’Israël échouaient, ce qui n’a pas manqué de se produire. Erekat a alors donné une date précise - le 29 avril – ayant valeur de date butoir pour ces entretiens. « Nous avons fait une erreur » en tardant à joindre l’ICC, m’avait-il dit en février sur Al Jazeera. Mais le 29 avril est arrivé et rien ne s’est produit.
Un enregistrement a été divulgué en juin, dans lequel semble-t-il, Erekat disait que le Président Mahmoud Abbas avait promis au Premier Ministre Israélien Benjamin Netanyahu qu’il n’aurait pas recours à l’ICC. Pour ceux qui peuvent douter de l’authenticité de l’enregistrement, Erekat avait révélé plus tôt cette année, à la télévision, qu’Abbas « avait refusé l’année dernière » de rejoindre la cour internationale.
Puis il y eut de nouvelles menaces d’un recours [palestinien] pendant l’offensive d’Israël en Cisjordanie cet été, mais toujours non suivies d’effet... Puis pendant l’agression israélienne contre Gaza, le Hamas a privé l’AP d’une de ses excuses en disant être prêt à être soumis à une enquête de l’ICC, ce qui signifiait que cette organisation était disposée à en prendre le risque en demandant l’AP de déposer sa plainte.
Puis, dans un acte vicieux qui défie toute logique, le ministre des Affaires étrangères de l’AP, Riad Malki, a, semble-t-il sur les ordres d’Abbas, stoppé la plainte à peine six jours après qu’elle ait été soumise à La Haye par le ministre de la Justice, et en pleine guerre israélienne contre Gaza. Ceci bien que de Malki avait affirmé : « Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour permettre à la Cour Pénale Internationale d’appliquer la justice à ceux qui se rendent coupables de crimes de guerre. »
En septembre, de nouveaux obstacles ont été dressés : des discussions ayant lieu avec le Jihad Islamique, Abbas « attendait [l’aboutissement] du dialogue national », selon les dires du ministre de la Justice, avant d’avoir recours à l’ICC. Cela n’avait aucune importance que le Hamas ait déjà donné sa bénédiction et qu’un accord de réconciliation nationale ait déjà été conclu plusieurs mois auparavant et qu’un gouvernement d’unité ait été mis en place.
Résolution des Nations Unies
La dernière excuse de l’AP pour ne pas joindre l’ICC est qu’Abbas veut soumetttre au vote une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies exigeant le « plein retrait d’Israël, la force occupante, de tous les territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem Est, appliqué aussi rapidement que possible et entièrement accompli dans un calendrier spécifique, n’excédant pas novembre 2016. »
Pousser en avant une telle résolution est tout à fait injustifié étant donné que les Etats-Unis ne manqueront pas de la bloquer. Cela s’apparente donc à une autre des tactiques de l’AP pour traîner des pieds. Il avait été dit qu’un tel veto pourrait mener à un recours devant l’ICC, mais depuis, le projet de résolution a été remis à plus tard alors qu’il devait être déposé fin novembre.
La première raison invoquée était que l’AP tenait à gagner l’appui d’un nombre suffisant de membres du Conseil (ce qui n’a pas d’importance vu le recours américain au veto). Puis la seconde raison était que l’attention du Conseil de sécurité était concentrée sur les entretiens nucléaires avec l’Iran. L’AP a donc décidé d’attendre jusqu’à la fin des entretiens, lesquels ont entre temps été prolongés de sept mois.
Abbas a depuis indiqué qu’il avait à plusieurs reprises retardé le dépôt de résolution à cause de la pression américaine, contredisant les déclarations antérieures d’officiels palestiniens affirmant qu’une telle pression n’avait aucun effet.
Quelle excuse l’AP va-t-elle vouloir trouver pour la suite ? Il est clair à ce jour qu’elle cherche à embobiner les Palestiniens et ignore leurs droits et souhaits légitimes de liberté. Plus des trois quarts d’entre eux veulent avoir recours à la cour internationale, même si cela mène à l’effondrement de l’AP, selon une enquête d’opinion publiée en juin. Il n’y a tout simplement aucune justification raisonnable de ne pas avoir encore joint l’ICC.
Au cours des deux ans qui ont suivi le rehaussement du statut de la Palestine aux Nations Unies, le nombre et la gravité des violations et des atrocités commises par israël est bien trop grand pour une énumération, et il augmente tous les jours. L’inaction honteuse de l’AP envoie un message dangereux selon quoi Israël peut continuer à occuper, coloniser, déposséder, opprimer et assassiner les Palestiniens avec le consentement de leurs propres dirigeants. Le souci de l’AP de sauvegarder sa propre existence peut-il supplanter les aspirations nationales du peuple palestinien ?
Les officiels de l’AP ont exprimé des inquiétudes que l’affiliation à l’ICC entraînera une interruption des financements, principalement en provenance des Etats-Unis. Mais si son instinct de conservation est plus important que l’aide et le soutien à son propre peuple, l’AP n’est alors pas digne de le représenter.
Limiter les options pour les Palestiniens
En plus du refus de joindre l’ICC, l’AP veille à étouffer dans l’oeuf toutes les voies par lesquelles les Palestiniens peuvent contester l’occupation israélienne. Elle refuse de soutenir la campagne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions [BDS], alors que celle-ci ne cesse de gagner en efficacité. « Nous ne soutenons pas le boycott d’Israël, » a déclaré Abbas en décembre 2013. « Nous ne demandons à personne de boycotter Israël. » Et ceci en dépit du fait que le site Web de l’AP reconnait lui-même qu’« Israël interdit au moindre de nos produits d’atteindre ses marchés. »
Les forces de sécurité de l’AP ont violemment dispersé des manifestations pacifiques. Un rapport de Human Rights Watch documente, et encore pour une seule année, les abus commis par l’AP dont des « violences exercées par la police et des arrestations arbitraires de manifestants », l’usage « d’une force excessive », « de répression dans la diffusion d’informations critiques », « d’interdiction des opinions discordantes, » et « d’abus sérieux dans le respect des droits humains, y compris des allégations crédibles de torture, » ce pour quoi « aucun fonctionnaire des services de sécurité n’a jamais été condamné ».
L’AP ne se contente pas de laisser toute latitude aux violences israéliennes, mais elle est occupée à commettre ses propres abus. Malki a également donné une assurance grotesque que tant que Abbas serait le chef, « il n’y aura aucune troisième Intifada. » Ainsi l’AP ne laisse aucune alternative viable pour que les Palestiniens imposent leurs droits légitimes.
Pour aggraver le tout, l’AP continue à investir dans un « processus de paix » interminable alors que ses propres officiels en dénoncent la futilité et en dépit du rejet systématique par Israël, dans ses mots, ses politiques et ses actes, de toute idée d’un état palestinien.
Cerise sur le gâteau, en mai dernier Abbas a parlé du caractère « sacré » de la coordination sécuritaire avec Israël, le pays même qui a soumis son peuple à la plus longue occupation militaire dans l’histoire moderne. Une enquête réalisée le mois dernier, a mis en évidence que 80% des Palestiniens ne voulaient pas de cette coopération. C’est sans surprise que le commentaire d’Abbas cité plus haut, n’a suscité que rejet et dégoût profonds, ce qui est tout à fait légitime.
L’AP s’en prend maintenant à ceux qui - de plus en plus nombreux - estiment qu’elle gère l’occupation plutôt que de la combattre et qu’elle sert les intérêts d’Israël plutôt que ceux de son peuple. Les Palestiniens, et leur juste cause, méritent tellement mieux.
* Sharif Hikmat Nashashibi est président et cofondateur de Arab Media Watch, organisme de surveillance indépendant, créé en 2000 pour inciter à des couvertures plus objectives des questions arabes dans les médias britanniques.