Un des thèmes les plus souvent repris dans les débats politiques et les commentaires faits par des experts en Israël et en Palestine occupée, se trouve la question de déterminer quand une prochaine intifada aura lieu.
- 14 novembre 2014 - Après la prière du vendredi, des affrontements ont à nouveau éclaté à Jérusalem entre des jeunes palestiniens et les forces israéliennes d’occupation - Photo : MEE/Fadi Arouri
Bien que personne ne soit en mesure de prévoir quand la prochaine intifada éclatera, il est utile d’examiner les éléments qui étaient présents lorsque les premier et second soulèvements ont eu lieu, et de les comparer à la situation actuelle. Parmi ces ingrédients dans le déclenchement des deux dernières Intifada, se trouvaient l’absence d’horizon politique, une violente répression israélienne, un renforcement de la colonisation et les tensions à Jérusalem.
Dans les années 1980, après l’invasion du Liban israélienne qui a forcé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à à quitter Beyrouth et à s’installer à Tunis, Israël sous la direction du Likoud a entamé un programme systématique de colonisation avec de grandes confiscations de terres en Cisjordanie. Ne pouvant stopper cette activité de colonisation illégale et exclusivement destinée aux juifs, les Palestiniens se sont finalement révoltés.
L’absence d’un horizon politique après 20 ans d’occupation a été un élément majeur dans la première Intifada, qui a débuté le 9 décembre 1987. La deuxième Intifada a éclaté le 28 septembre 2000, après que les Israéliens aient systématiquement traîné des pieds dans les pourparlers de paix post-Oslo. Lorsque les Palestiniens ont perdu l’espoir d’un accord de paix à Camp David II, ils ont protesté violemment.
Au cours des deux soulèvements, Israël a réagi face aux premières manifestations palestiniennes avec une main très lourde. Yitzhak Rabin, ministre de la Défense à l’époque de la première Intifada, avait notoirement exhorté ses soldats à « briser les os » de lanceurs de pierres palestiniens. Une équipe de tournage de la chaîne CBS avait filmé des soldats israéliens appliquant strictement ces ordres. Durant la deuxième Intifada, Israël a répliqué aux manifestations avec des tirs à balles réelles, abattant cinq Palestiniens de Jérusalem en une seule journée, le 29 septembre 2000. Selon Amnesty International, dans les 20 jours plus de 200 Palestiniens ont été assassinés.
Jérusalem a été le point focal pour les Palestiniens dans les deux Intifadas. La direction clandestine de la première Intifada était en grande partie dirigée depuis la Maison d’Orient à Jérusalem. Des années plus tard, la décision d’Ariel Sharon de visiter le Haram al-Sharif, le site d’Al-Aqsa - dans une tentative d’imposer la souveraineté israélienne sur le troisième lieu saint de l’Islam - allait provoquer une réaction violente et le déclenchement de la deuxième Intifada.
Malgré certaines similitudes, on peut distinguer des différences entre les deux soulèvements. La première Intifada a largement impliqué une résistance non-violente. L’aspect le plus violent du côté palestinien était les jets de pierres. L’utilisation de méthodes non-violentes a fait de la première Intifada un soulèvement plus populaire, impliquant un très grand nombre de Palestiniens.
La deuxième Intifada, qui a eu lieu après que la direction de l’OLP ait établi une Autorité palestinienne même faiblement armée dans les territoires occupés, s’est transformée pour partie en un soulèvement armé avec des échanges réguliers de tirs, des attentats-suicides et d’autres formes de violence. Cette Intifada intégrait également un autre élément nouveau : les Palestiniens citoyens d’Israël. Quand les Israéliens ont réagi en réprimant violemment les premières protestations à Jérusalem, les Palestiniens de Galilée se sont révoltés pour la défense d’Al-Aqsa. Treize citoyens Palestiniens citoyens israéliens sont morts, assassinés par la police.
Un regard sur la situation en Palestine aujourd’hui révèle en effet un certain nombre de similitudes avec le passé.
Le sentiment de désespoir est dominant depuis l’effondrement en avril dernier des pourparlers de paix sous commandement américain. Les activités israéliennes de colonisation continuent d’être la principale source de la colère des Palestiniens, tandis qu’ils voient sous leurs yeux s’évaporer leurs aspirations à un État indépendant.
La violente répression israélienne et l’impunité dont jouissent les soldats de l’occupation et les colons provoquent également des réactions violentes. Encore une fois Jérusalem et Al-Aqsa sont au centre de la colère des Palestiniens, alors que les extrémistes juifs défilent autour de Haram al-Sharif, appelant à la destruction de la mosquée Al-Aqsa et à la construction du troisième temple en lieu et place. Les Palestiniens en Israël se sont déjà joints aux protestations et ils sont à nouveau durement réprimés par les forces israéliennes de répression.
Bien qu’il soit impossible d’identifier précisément les actions qui pourraient déclencher une explosion, et donc un soulèvement palestinien, il est raisonnable d’affirmer que tous les ingrédients sont réunis pour un troisième soulèvement palestinien.
* Daoud Kuttab : journaliste palestinien né à Jérusalem, il a enseigné le journalisme à Princeton et dirige actuellement le Community Media Network, organisation dédiée au progrès du journalisme arabe indépendant . Il est producteur de documentaires et titulaire de nombreuses distinctions. Il est chroniqueur pour Palestine Pulse de Al-Monitor, The Jordan Times, The Jerusalem Post et The Daily Star (Liban).