Pour sa gestion de la crise de Jérusalem, le Premier ministre israélien est critiqué de toute part. Et la communauté internationale l'accuse d'avoir saboté le processus de paix avec les Palestiniens. Peut-être est-il temps de changer d'approche, suggère ce journaliste de Yediot Aharonot.
Mercredi matin, l'écrasante victoire des républicains aux élections américaines de mi-mandat alimentait encore toutes les conversations.
[Le Premier ministre israélien] Benyamin Nétanyahou est dans le camp des vainqueurs, assuraient les commentateurs : maintenant qu'il a été battu, le président Barack Obama va devoir prendre des gants avec lui, sans quoi la majorité républicaine au Sénat et à la Chambre des Représentants opposera son veto à ses décisions.
Le vent a donc tourné : Nétanyahou la poule mouillée a fini par s'imposer face à Obama le "canard boiteux" [un responsable de la Maison-Blanche a récemment qualifié Nétanyahou de "chickenshit" – poule mouillée, ou petite fiente – pour avoir refusé les conditions américaines à la paix. Quant à l'expression "Lame duck" (canard boiteux), elle désigne la situation d'un président américain lorsqu'il est contraint de travailler avec un Congrès dans l'opposition].
S'attaquer aux causes de la colère palestinienne
La fête dans les bureaux du Premier ministre n'a toutefois pas duré longtemps : quelques heures plus tard, de nouvelles émeutes éclataient à Jérusalem [mouvements de colère et attentats se sont multipliés ces dernières semaines pour protester contre la colonisation rampante de la partie arabe de la ville, et la fermeture de l'esplanade des mosquées, l'un des principaux lieux saints de l'islam]. La victoire des républicains américains n'a clairement pas le moindre effet sur le mécontentement des Palestiniens ou les moyens de gérer cette crise.
Vu le cours des événements, on peut dire sans exagérer que Nétanyahou risque – assez paradoxalement – d'entrer dans l'Histoire comme le Premier ministre israélien qui a perdu Jérusalem, rien de moins. Pas au sens où il aurait divisé Jérusalem (ce dont le Likoud [le parti de droite de Nétanyahou] accusait Shimon Pérès) mais parce qu'il a perdu Jérusalem en tant que capitale unie.
Ces émeutes obligent les responsables à prendre les problèmes à bras-le-corps et à comprendre le mécontentement des Palestiniens s'ils veulent s'attaquer à leurs causes.
Vu d'ailleurs, Israël est responsable des émeutes
Le 5 novembre [au lendemain du deuxième attentat à la voiture bélier à Jérusalem], Nétanyahou a vivement critiqué le président [de l'Autorité palestinienne] Mahmoud Abbas, l'accusant d'incitation à la violence. Il ressort toutefois des échanges avec plusieurs hauts diplomates européens, qui observent la situation avec beaucoup d'inquiétude, que l'Europe et les Etats-Unis jugent l'Etat hébreu entièrement responsable de la situation, notamment après l'annonce de projets de construction dans les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est et ce qui ressemble à un changement de statut des lieux saints de la ville.
Le principal reproche adressé au gouvernement israélien est d'avoir mis un terme à ses négociations avec l'Autorité palestinienne. Aux yeux de la communauté internationale, la politique de statu quo de Benyamin Nétanyahou est inacceptable. La seule façon d'apaiser les esprits à Jérusalem, estiment la plupart des chancelleries européennes ainsi que l'administration américaine, est de proposer une nouvelle initiative globale pour la création d'un Etat palestinien à côté d'Israël.
L'heure de changer ?
Après près de cinquante ans de contrôle israélien sur Jérusalem, l'heure est sans doute venue d'imaginer de nouvelles règles et une autre répartition des responsabilités.
Seul un dialogue sous égide internationale et des négociations concernant les lieux saints peuvent empêcher une guerre religieuse dont le prix sera toujours plus lourd que n'importe quel autre conflit entre nations.