vendredi 7 janvier 2011

La Knesset met les ONG sous surveillance

publié le jeudi 6 janvier 2011
Serge Dumont

 
L’extrême droite veut contrôler leur financement, notamment en provenance de la Suisse
« Empêcher les organisations hostiles au sionisme de recevoir des fonds de l’étranger afin de limiter leur action. » Mercredi, la Knesset (parlement israélien) a largement accepté de créer une commission parlementaire sur le financement des ONG israéliennes spécialisées dans la défense des droits de l’homme. La proposition est venue de la députée d’extrême droite Faina Kirshenbaum. Soutenue par « Israël Beiteinou » (son parti) et par toutes les autres formations de la majorité sauf les travaillistes, l’élue estime que les ONG « causent un préjudice énorme au pays ». « C’est à cause d’elles que nos soldats sont accusés de crimes de guerre et que certains de nos responsables civils et militaires ne peuvent plus se rendre à l’étranger sous peine d’être arrêtés », dit-elle.
Interviewée par « Kol Israël » (la radio publique), la députée Kirshenbaum a déclaré qu’elle ne souhaite pas la disparition des ONG visées mais qu’elle « souhaite pointer leur financement du doigt ». Afin de la tarir. Quant au député Robert Ilatov (Israël Beiteinou), il a estimé que les ONG « sont à l’origine des fausses informations publiées dans le rapport Goldstone ».
Pour l’heure, sept organisations sont visées : « B’tselem », une ONG dont les rapports sur les atteintes aux droits de l’homme font figure de référence dans les chancelleries étrangères, « Nouveau profile » (action en faveur de l’objection de conscience), « Adallah » (défense de la minorité arabe israélienne), « Yesh Din » (défense des droits de l’homme dans les territoires occupés), « Brisons le silence » (publie les témoignages d’anciens soldats impliqués dans des opérations meurtrières), ainsi que « Makhsom Watch » (vigiles féminines devant les checkpoints de l’armée).
Toutes ces ONG sont partiellement subventionnées par l’Union européenne, par des Etats, ainsi que par des fondations privées et des mécènes. Conformément à la législation, leurs comptes sont publiés annuellement et contrôlés par l’Etat. Mais Kirshenbaum estime que « ce n’est pas suffisant » et qu’elles « doivent sans doute bénéficier de fonds arabes non déclarés ».
Le DFAE visé
A titre d’exemple d’« ingérence étrangère », les médias populaires israéliens citent la Suisse – plus spécifiquement le DFAE – qu’ils présentent comme un soutien financier régulier de B’tselem. L’idée de créer une commission parlementaire de ce type s’inscrit dans le cadre d’une campagne « anti-ONG » lancée il y a environ deux ans par une organisation d’extrême droite baptisée « Im Tirtzu » (« Si vous le voulez ») ainsi que par les quotidiens Maariv et Israël hayom (Israël aujourd’hui). Le 24 décembre ce dernier journal a d’ailleurs publié un dossier de trois pages à charge de « Yesh din » et appelant la justice à poursuivre les responsables de cette ONG pour « trahison ». Pour sa part, le ministre travailliste des Affaires sociales, Yitzhak Herzog, a estimé mercredi que cette campagne ainsi que l’initiative parlementaire de la députée Kirshenbaum « constituent un danger pour la démocratie » et « sont à la limite du fascisme ».