Moshé Machover
Les vrais socialistes combattent le projet sioniste.
Alors que le processus de paix sporadique titube de rendez-vous sans objet à rencontres sans signification entre les chefs de l’État colonial israélien et l’Autorité palestinienne sans autorité, avec les USA jouant le rôle de médiateur malhonnête, il ne peut plus y avoir trace de doute qu’il s’agit d’une comédie jouée par des charlatans.
Mais derrière et au-delà de cette escroquerie assez évidente, il y a une tromperie ou une auto-tromperie bien plus subtile : on considère généralement — on prend même pour évident — que la « paix » est-ce qu’il faudrait pour résoudre le conflit israélo-palestinien. En d’autres termes : que ce qu’il faudrait, c’est un vrai processus de paix au lieu de l’imposture actuelle.
Cette croyance est partagée par presque tous les Israéliens corrects et éclairés (la soi-disant gauche israélienne) — c’est pourquoi ils s’appellent collectivement « le camp de la paix » et individuellement les « militants de la paix » — et ceci est partagé par leurs amis et soutiens en Occident.
Les Sionistes de ‘gauche’ de La Paix Maintenant de même que les Sionistes ‘modérés’ et semi-Sionistes de Gush Shalom (‘le Bloc de la Paix’) arborent cette auto-tromperie sur leurs badges. Le parti communiste israélien, non sioniste, stalinien devenus réformiste, insiste pour donner une priorité aux slogans de paix.
Beaucoup des activités dans lesquelles ces braves gens s’engagent sont hautement louables : contestation de la politique et des actions oppressives des autorités israéliennes, et en particulier opposition à l’occupation post-1967. Certains d’entre eux montrent un réel courage moral et physique dans différents actions de solidarité avec les Palestiniens opprimés. Néanmoins, leur autoportrait de « militants de la paix » révèle une profonde incompréhension de la nature du conflit israélo-palestinien et une illusion sur le moyen de le résoudre.
L’image évoquée est essentiellement symétrique : deux côtés, deux nations, en guerre l’une contre l’autre, enchaînées dans une série de batailles sur un morceau de territoire disputé. Pour finir le conflit, les deux côtés doivent finir la guerre, s’asseoir ensemble et faire la paix.
En réalité, c’est aussi l’image promue par la hasbarah (propagande) israélienne. Elle aime parler le langage symétrique de ‘guerre’ et de ‘paix’. Ainsi, Israël et ses amis décrivent l’assaut sur Gaza à l’hiver de 2008-09, nom de code ‘ Opération Plomb Fondu’, comme une guerre. En réalité, ce ne fut pas une guerre : il n’y eut virtuellement pas de combat. C’était un massacre unilatéral. Similairement, la diplomatie israélienne insiste pour se référer aux territoires saisis par Israël en 1967 comme « disputés » — une description délibérément symétrique — plutôt qu’occupés.
Quant à la paix : personne ne la souhaite plus ardemment que la plupart des leaders Israéliens. Je dis ceci avec à peine une trace d’ironie. C’est la vérité. Seuls très peu de gens — des psychopathes, des trafiquants d’armes et autres profiteurs de guerre, ainsi que des démagogues carriéristes cyniques et des officiers militaires visant une promotion accélérée — préfèrent vraiment la guerre par elle-même à toute sorte de paix. Je suppose que certains leaders politiques et militaires Israéliens appartiennent à certaines de ces catégories exceptionnelles. Mais la plupart des leaders Israéliens souhaitent réellement la paix — une paix selon les termes israéliens : leur vœu le plus cher est que le peuple palestinien, dépossédé et dompté, accepte pacifiquement son sort et abandonne la lutte.
Conflit colonial
La clé pour comprendre correctement le conflit est qu’il est extrêmement asymétrique : entre colonisateurs et peuple indigène. Il s’agit de dépossession et d’oppression. Comme pour les autres conflits coloniaux, le conflit israélo-palestinien a comporté des guerres réelles entre Israël et les états avoisinants ; mais il s’agissait de sous-produits, de conséquences de la cause fondamentale : la colonisation sioniste de la Palestine. Avec la pensée et l’extension de cette colonisation, Israël devra maintenir son hégémonie régionale en tant que sous-traitant local de l’impérialisme occidental, et sans aucun doute de nouvelles guerres seront provoquées.
Dans les conflits coloniaux, les colonisateurs se considèrent toujours comme venant en paix, porteur des cadeaux des lumières et du progrès. Ce sont les indigènes arriérés qui sont les agresseurs, ressortant à la violence contre leurs bienfaiteurs. Ceux-ci forcent les colonisateurs à utiliser leurs forces supérieures pour dompter les agresseurs indigènes. Ces derniers ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Je suppose que c’est le genre de choses que mon ancien ami, le poète socialiste Erich Fried, avait en tête quand il écrivit ce poème :
Table rase
Maintenant les causes
combattent
leurs effets
combattent
leurs effets
si bien qu’on ne peut plus
les tenir
responsables des effets ;
les tenir
responsables des effets ;
car même
les rendre responsables
fait partie des effets
les rendre responsables
fait partie des effets
et les effets sont interdits
et punis
par les causes elles-mêmes.
et punis
par les causes elles-mêmes.
Elles ne souhaitent
plus savoir
sur de tels effets.
plus savoir
sur de tels effets.
Quiconque voit
avec quel empressement
elles poursuivent les effets
avec quel empressement
elles poursuivent les effets
et dit encore
qu’elles y sont
étroitement liées
qu’elles y sont
étroitement liées
ne devra maintenant
blâmer
que lui même.
blâmer
que lui même.
Alors que le but des colonisateurs est d’imposer la paix — dans leurs propres termes et si nécessaire, par force — le peuple indigène tend à voir les choses assez différemment. Sa préoccupation n’est pas de faire la paix avec ceux qui les dépouillent, mais de résister à la dépossession. Pour cela il lui faut souvent venir en portant, non pas la paix, mais l’épée.
C’est pourquoi vous auriez bien du mal à trouver des militants de la paix parmi les indigènes Américains où les aborigènes Australiens résistant à la colonisation au XIXe siècle, ou parmi les combattants Algériens de la libération ou les militants antiapartheid du XXe siècle.
Bien sûr, les militants de la paix Israéliens ne soutiennent pas toutes les dures conditions de paix que leurs gouvernements veulent imposer au peuple palestinien (même si certains n’ont pas d’objection à certaines de ces clauses inégales). Mais avec leur définition réductrice de la question comme étant entièrement une affaire de paix, ils acceptent consciemment ou non un point de vue biaisé en faveur des colonisateurs.
Ce point de vue biaisé est incohérent avec l’internationalisme. Aussi les militants autoproclamés de la paix Israéliens ne peuvent pas être de vrais socialistes. Les socialistes Israéliens, Hébreux ou Arabes, combattent le projet sioniste et ses pratiques : colonisation, dépossession, discrimination ; et pour des droits égaux et une libération universelle.
La paix sera un résultat de la libération, pas son point de départ.
7 octobre 2010 - Weekly Worker- Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.cpgb.org.uk/article.php?...
TRaduction de l’anglais : J.P Bouché
http://www.cpgb.org.uk/article.php?...
TRaduction de l’anglais : J.P Bouché