Georges Malbrunot
Pour la première fois depuis de très nombreuses années, des avions sans pilote israéliens ont survolé récemment le sud de la Jordanie, provoquant la colère de l’état-major du royaume hachémite, l’un des deux seuls pays avec l’Egypte à avoir signé la paix avec l’Etat hébreu en 1994.
« Ces survols de drones sont une violation de l’espace aérien jordanien », explique un expert occidental à Amman, qui s’interroge sur les raisons d’une telle opération de surveillance du territoire jordanien, passée sous silence par la presse locale. « Jusqu’à maintenant les Israéliens n’osaient pas toucher aux accords de sécurité inclus dans le traité de paix de 1994 avec la Jordanie », ajoute la source. Selon celle-ci, « les Jordaniens ont très mal pris cette affaire ».
Des drones ont survolé à plusieurs reprises la région frontalière d’Aqaba, à deux kilomètres de la ville israélienne d’Eilat. A cheval sur les deux pays, à proximité de l’Egypte et de l’Arabie saoudite, la région du Golfe d’Aqaba est une zone sensible.
L’été dernier, des roquettes avaient été tirées depuis le Sinaï égyptien sur Aqaba. Mais elles devaient viser Eilat. Il y a quelques semaines, l’ambassade américaine à Amman avait mis en garde ses ressortissants contre des risques d’attentats à Aqaba.
A la veille d’une visite du Secrétaire d’Etat Hilary Clinton en Jordanie, « la station d’écoute installée sur un navire de guerre américain patrouillant en Mer rouge avait détecté une activité anormalement élevée des téléphones portables dans le Sinaï », raconte l’expert. Les Américains avaient décidé de passer en « mode rouge ».
L’activité aérienne israélienne est-elle liée à ces rumeurs de menaces contre des intérêts occidentaux dans le sud de la Jordanie ?
Quoi qu’il en soit, cette affaire surprend dans la mesure où traditionnellement l’Etat hébreu coopère discrètement avec son voisin jordanien en matière de sécurité, sous le patronage bienveillant des Américains. Mais ces derniers temps, les relations politiques se sont détériorées entre Israël et la Jordanie. Le roi Abdallah est frustré par l’intransigeance du Premier ministre, Benjamin Nétanyahou, face aux Palestiniens. Le royaume hachémite est peuplé d’une majorité de Palestiniens et toute flambée de violence sur l’autre rive du Jourdain a des retombées négatives dans un pays à la stabilité historiquement fragile.