Eli Ashkenazi
Dix-huit rabbins appellent à ne pas louer ni vendre d’appartements aux personnes non juives.
A la mi-octobre, Safed [en Galilée ; ville mixte judéo-arabe jusqu’en 1948, dite Tzfat en hébreu et Safad en arabe] a organisé une “conférence d’urgence” intitulée “La guerre silencieuse : lutter contre l’assimilation dans la cité sacrée de Safed”. A cette occasion, 400 personnes se sont rassemblées au centre culturel Beit Igal Allon. L’événement a été financé par le conseil religieux municipal et, entre autres intervenants, on a pu y entendre le responsable d’extrême droite Baruch Marzel [colon d’Hébron et dirigeant de la milice Kach], ainsi qu’un représentant de l’organisation Lahava (“Flamme”), acronyme [hébreu] de l’Organisation de prévention de l’assimilation en Terre sainte. Un des mobiles de cette conférence était d’empêcher l’installation d’une école de médecine à Safed, laquelle, selon les organisateurs, ne ferait qu’accélérer “la prise de Safed par les Arabes”.
Quelques mois auparavant, un groupe de 18 rabbins de premier plan, dont le rabbin en chef de la ville, avait déjà publié un appel enjoignant aux Juifs de ne plus louer ni vendre d’appartements à des non-Juifs. La plupart des signataires de cet appel sont de Safed, une ville qui a vu sa population arabe augmenter en raison du nombre croissant d’étudiants arabes venus s’inscrire au collège de la ville. Le rabbin en chef de Safed, Shmuel Eliyahou, s’était déjà fait remarquer par le passé pour ses propos incendiaires envers les Arabes. L’appel des rabbins avertit les propriétaires juifs que louer à des Arabes risque de dévaluer la valeur de leurs propriétés et de leur quartier. “Leur mode de vie est différent de celui des Juifs, souligne l’appel, et, parmi ces goys, certains sont animés par l’amertume et la haine à notre égard.” En outre, l’appel pousse carrément à la délation : “Les voisins et leurs proches doivent révéler le nom du Juif qui loue ou vend à des Arabes. Ils doivent aussi prendre leurs distances, ne plus commercer avec lui, le priver de son droit de lire la Torah et l’ostraciser, jusqu’à ce qu’il revienne sur sa décision.”
Aujourd’hui, sur les 2 200 étudiants inscrits au collège académique de Safed, 1 350 sont des Arabes israéliens. Mahmoud Abou Salah, président de l’Union étudiante du collège, estime qu’il va de plus en plus devoir aider les étudiants arabes à se trouver un logement. “Toute la population de Safed écoute le rabbin Eliyahou, pas seulement les religieux. Parfois, je me présente sous le nom hébreu de Tomer, pour être certain d’avoir une chance de louer un appartement. Il y a quelque temps, nous avons essayé de louer un appartement dans le moshav voisin, Biriya, mais, quand les voisins ont compris que des Arabes allaient l’occuper, ils ont menacé d’y mettre le feu. Cette situation devient intolérable. Les étudiants arabes de Safed viennent du Néguev, de Galilée, d’Haïfa et du Wadi Ara. Ils n’ont nulle part où loger.”
Interrogé par Ha’Aretz, le rabbin Eliyahou répond : “Vous pouvez répéter vingt fois le mot ‘raciste’, cela ne m’impressionne pas. Je ne fais que respecter un interdit de la halakha [Loi traditionnelle judaïque] : il est interdit de vendre ou de louer un logement à des Arabes.” Quant au procureur de l’Etat, il affirme ne pouvoir intenter aucune action tant qu’aucune plainte n’a été déposée
publié par Haaretz et en français par Courrier international
Note : CL, Afps