dimanche 31 octobre 2010

Le Fatah doit choisir entre la collaboration et la réconciliation

vendredi 29 octobre 2010 - 17h:36
Raja Abdulhaq - E.I
Les affrontements entre les principaux mouvements palestiniens, le Hamas et le Fatah, datent de la fin des années 1980 lorsque le Hamas a été officiellement fondé, et du début des années 1990 lorsque le Fatah a pris le contrôle de l’Autorité palestinienne nouvellement créé en vertu des accords d’Oslo de 1993.
(JPG)
Des enfants dans le camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse en Cisjordanie occupée, portent des affiches de Mahmoud Abbas - Photo : Swidan Rami/MaanImages
Dans le sillage de la première Intifada palestinienne, se sont produits des affrontements entre partisans du Hamas et du Fatah sur la question de la direction de l’Intifada. Le Fatah a refusé d’admettre qu’un nouveau mouvement islamique avait le vent en poupe dans la bande de Gaza et pouvait prendre la tête de la lutte que le Fatah dirigeait depuis des décennies à partir des pays voisins. Après que le Fatah ait dû quitter la Jordanie et le Liban, ce mouvement a admis que la prochaine étape de la lutte palestinienne aurait lieu à l’intérieur de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sous occupation, et il a donc essayé de réduire l’influence du Hamas dans la région.
Les attaques du Hamas contre des soldats israéliens ont augmenté en réponse aux accords d’Oslo qui, selon le Hamas, étaient biaisés en faveur d’Israël et abandonnaient de fait les droits fondamentaux des Palestiniens. Il est à noter que le Hamas a lancé son premier attentat suicide à la bombe contre des civils israéliens quelques semaines après que des dizaines de Palestiniens aient été massacrés par le colon israélien Baruch Goldstein, alors qu’ils priaient dans la mosquée Ibrahimi à Hébron le 25 Février 1994.
Depuis lors, le Hamas a constamment proposé à Israël de parvenir à un accord pour éviter la mort de civils des deux côtés, mais Israël a toujours refusé.
Le principal différend entre le Hamas et le Fatah est le résultat de ce qui est connu dans les accords d’Oslo sous le nom de « coordination de sécurité » entre l’Autorité palestinienne et Israël. L’article XV de l’Accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 stipule : « Les deux parties prennent toutes les mesures nécessaires afin de prévenir les actes de terrorisme, la criminalité et les hostilités dirigées contre eux, contre les personnes relevant de l’autre autorité et contre leurs biens, et prennent des mesures judiciaires contre les contrevenants. »
En outre, l’article XVI définit que : « Les Palestiniens qui ont maintenu des contacts avec les autorités israéliennes ne seront pas soumis à des actes de harcèlement, violence, de vengeance ou à des poursuites, et des mesures appropriées seront prises, en coordination avec Israël afin d’assurer leur protection. » Cet article doit être interprété comme offrant une garantie de protection aux Palestiniens qui travaillent avec les forces israéliennes d’occupation .
La « feuille de route » promue par le président américain George W. Bush en 2002 soulignait également l’importance de mettre fin à « la violence palestinienne ». Cette volonté de persécuter ceux qui résistent à Israël et de protéger ceux qui espionnent pour Israël a produit des frictions au sein de la société palestinienne.
Alors que certaines personnes s’efforcent d’utiliser tous les moyens nécessaires pour résister à l’occupation - un droit reconnu à tous les peuples occupés en vertu du droit international - d’autres font tous les efforts possibles pour les stopper et les traiter comme des criminels, par respect des modalités du « processus de paix ». Les actions de l’Autorité palestinienne, il convient de le souligner, ne visent pas seulement ceux qui ont participé à des attaques contre des civils israéliens mais toute résistance contre l’occupation, y compris contre l’armée israélienne.
De plus l’Autorité palestinienne [de Ramallah] a condamné, torturé et même assassiné certains membres du Hamas, du Jihad islamique, et même du Fatah dans les années 1990. Et immédiatement après que le Hamas ait pris le contrôle de Gaza en 2007, le Fatah a commencé à persécuter les militants du Hamas en Cisjordanie à la demande des États-Unis et Israël, ces persécutions étant présentées comme une étape nécessaire pour « faire avancer le processus de paix ».
Les chefs des forces de sécurité palestiniennes, en séance privée, ont fait savoir à l’armée israélienne qu’il n’y avait pas de rivalité entre eux. Ils ont au contraire tous convenu qu’ils étaient en guerre contre le Hamas, le mouvement dominant dans la résistance palestinienne. Récemment, ils ont affiché l’étroitresse de leurs liens lorsque les responsables de la sécurité de l’Autorité de Ramallah ont reçu le chef de l’armée israélienne, le général Gabi Ashkenazi, en tant qu’invité à Bethléem et lui ont organisé une visite guidée de la ville (Israeli army chief visits Bethlehem, Ma’an News - 3 Octobre 2010).
Ces déclarations et actions - qui sont devenues trop habituelles - illustrent clairement que les forces de sécurité palestiniennes sont devenues la réplique de l’Armée du Liban Sud (ALS). Ces milices qui collaboraient avec Israël pendant l’occupation longues de deux décennies du sud-Liban s’étaient vouées à la lutte contre la résistance libanaise et palestinienne dans ce pays.
L’AP de Ramallah est très soucieuse de remplir ses engagements de sécurité envers l’occupation israélienne car c’est la base de sa relation avec Israël. Par conséquent l’AP est obligée de constamment traquer et emprisonner les résistants à l’occupation et de fournir à Israël des informations sécuritaires. Mettant en prison les partisans du Hamas, limitant leurs déplacements en Cisjordanie, ou stoppant les activités de ses organisations de base, l’AP rend presque impossible pour le Hamas d’accepter une réconciliation nationale, que celui-ci souhaite pourtant depuis longtemps et que le public palestinien désire à une majorité écrasante.
Mais les États-Unis et Israël ne donneront au Fatah - qui dépend d’eux sur le plan politique comme sur d’autres - aucun feu vert pour trouver un accord unitaire avec le Hamas. Les États-Unis ont dépensé des millions de dollars pour construire en Cisjordanie une puissante force de sécurité palestinienne qui collabore avec Israël depuis 2007.
Il est très clair que si le Fatah décide de mettre fin à sa collaboration avec l’armée israélienne, les Etats-Unis et d’autres donateurs couperont l’aide financière à l’Autorité palestinienne. Ce qui laisse les dirigeants du Fatah dans une position critique où ils doivent choisir entre revenir dans le mouvement national palestinien, ou rester en bons termes avec Israël et ses forces d’occupation.
* Raja Abdulhaq est militant palestinien qui a oeuvré avec Al-Awda New York : coalition pour le droit retour. Il est fondateur de la GUPS (Union Générale des Etudiants de Palestine) à New York, et milite actuellement avec les Musulmans américains pour la Palestine.
26 octobre 2010 - http://electronicintifada.net/v2/article11591.shtml - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Nazem
Lien