135 pays ont déjà procédé à la reconnaissance de la Palestine, dynamique vertueuse que la Suède et le Parlement britannique viennent de relancer. Qu’attend la France ?
Le 29 novembre 1947, la jeune «Organisation des Nations Unies» adoptait le plan de partage de la Palestine en deux Etats. L’un fut proclamé quelques mois plus tard sous le nom d’Israël ; l’autre n’a toujours pas vu le jour. Aujourd’hui, plus que jamais, la création d’un Etat est une revendication légitime du peuple palestinien. Sa reconnaissance par la communauté internationale est un devoir politique et moral. 135 pays ont déjà procédé à cet acte de reconnaissance, dynamique vertueuse que la Suède et le Parlement britannique viennent de relancer. Récents prix Nobel de la paix, Barack Obama et l’Union européenne demeurent pourtant impassibles, ou presque : les déclarations de principe ne sont suivies d’aucuns actes significatifs. Une passivité indécente au regard de l’injustice historique dont les Palestiniens sont les victimes et dont les Occidentaux sont en grande partie responsables.
UN STATUT QUO MORTIFÈRE
En rupture avec sa tradition et sa vocation, la France se complaît dans un attentisme qui vire au silence complice. Jadis actif et audacieux, notre pays semble s’être résigné à la logique implacable du rapport de force et du fait accompli. Depuis son entrée à l’Elysée, le président Hollande n’a cessé de se rapprocher de la ligne défendue par l’Etat Israélien. Un alignement consacré par le communiqué de presse du 9 juillet dernier publié en pleine offensive militaire israélienne à Gaza, et dont le caractère partiel et partial ne pouvait que choquer les artisans de la paix. Déjà, lors de sa visite officielle en Israël en novembre 2013, le président Hollande déclarait qu’il trouverait toujours «un chant d’amour pour Israël et pour ses dirigeants». Une déclaration particulièrement incongrue au regard de la filiation politique de l’actuel gouvernement israélien, qui n’est autre que l’émanation d’une droite extrême et nationaliste dirigée par un partisan de la poursuite de l’occupation et de la colonisation des territoires palestiniens : Benyamin Netanyahou. Le même Netanyahou qui faisait huer le nom d’Yitzhak Rabin, qualifié de «traître» parce qu’il avait osé signer les accords d’Oslo. Il sera finalement assassiné par un extrémiste juif… Acteur essentiel de l’échec du processus de paix, Benyamin Netanyahou est également l’instigateur d’offensives militaires sur Gaza qui ont causé des milliers de morts palestiniens, dont une écrasante majorité de civils innocents. L’été dernier a été marqué par l’opération «Bordure protectrice» qui a ensanglanté et détruit l’enclave palestinienne de Gaza. Le cycle de la violence et de la passion vengeresse prime sur toute volonté de sortir de l’impasse tragique pour les peuples israélien et palestinien. La tension ne cesse de croître, y compris à Jérusalem. Le spectre d’une nouvelle Intifada se dessine. Une situation d’urgence qui trouve ses racines dans l’occupation et la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Depuis 1967, Israël vit dans l’illégalité. Insensible aux prescriptions du droit international et aux faibles pressions diplomatiques, le gouvernement israélien fait prévaloir la logique de puissance sur tout esprit de compromis. Israël campe sur un refus de principe de négocier les trois points fondamentaux que représentent le partage de Jérusalem, le retour aux frontières de 1967, et une solution acceptable sur la question des réfugiés de 1948. Un statu quo mortifère et contre-productif qui fait le jeu des extrémistes et qui n’assure en rien la sécurité d’Israël. L’escalade de la violence à Jérusalem l’atteste. La sécurité du peuple israélien passe par la reconnaissance du droit légitime des Palestiniens à disposer de leur propre Etat.
«LE MOMENT VENU»
Certes, la reconnaissance d’un Etat palestinien ne saurait résoudre à elle seule le conflit israélo-palestinien. Pour autant, elle représente une étape décisive constitutive d’une dynamique politique vertueuse. C’est pourquoi les députés du Front de gauche, qui n’ont jamais cessé d’œuvrer en ce sens, en appellent clairement et solennellement, une fois encore, à la reconnaissance d’un Etat Palestinien viable, vivant en paix aux côtés de l’Etat d’Israël. Sans l’ombre d’une hésitation, ils ont d’ailleurs redéposé, dès 2012, leur proposition de résolution appelant à cette reconnaissance. A l’inverse, la majorité au pouvoir continue à se complaire dans d’innombrables tergiversations, comme en témoigne, à ce jour, l’ambiguïté de la position des députés socialistes, à peine plus volontariste que l’exécutif. Si l’on s’en tient, en effet, aux dernières déclarations officielles du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, la France reconnaîtra l’Etat palestinien «le moment venu», formule qui dénote un déficit criant de volontarisme politique et, pis, un alignement sur la stratégie du statu quo prôné par le gouvernement israélien. Si la condition invoquée d’une «solution négociée» est théoriquement compréhensible, en pratique elle revient à soumettre toute reconnaissance de l’Etat palestinien à l’accord préalable d’Israël, qui défend pour sa part le principe d’une négociation sans condition, c’est-à-dire sans arrêt de la colonisation. Une gageure…
La position conciliante adoptée par la France est insupportable pour les tenants des valeurs humanistes de solidarité et de justice. Un geste politique fort de la France est attendu. Aujourd’hui, par un tel geste, la France renouerait avec sa tradition d’indépendance, entendrait l’aspiration à la liberté du peuple palestinien et tiendrait en échec les tenants du choc des civilisations.François ASENSI Député Front de gauche, Vice-Président des groupes d’amitié France-Palestine et France-Israël et André CHASSAIGNE Président du groupe des députés Front de gauche