Ville de Gaza, Bande de Gaza – Depuis la fin de la plus meurtrière et la plus sanglante des guerres lancées contre le Hamas, et depuis que ce dernier a remis les reines du pouvoir dans la Bande de Gaza au gouvernement d’union nationale, dirigé par l’Autorité Palestinienne (AP), les Palestiniens souhaitent vivement le lancement des travaux de reconstruction et la levée du blocus israélien.
- 4 novembre 2014 - Une femme palestinienne portant sa fille et marchant à côté de sa maison détruite par un bombardement israélien sur Khan Younis, au sud de la Bande de Gaza, durant le tout dernier conflit - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa
Une équipe appartenant à l’UNRWA, l’Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, avait pour mission d’identifier et de recenser les maisons endommagées durant la dernière guerre et ce, en vue de compensation des propriétaires. L’équipe a visité la maison d’Abu Uday, située dans le camp de réfugiés de Bureij au centre de Gaza afin d’établir un constat des pertes occasionnées.
La sortie de cette équipe a eu lieu deux semaines avant la tenue au Caire, le 12 octobre, de la Conférence des Donateurs qui s’est conclue par la collecte de 5.4 milliards de dollars de fonds de la part des pays arabes et étrangers.
Quelques jours après, un employé de l’UNRWA est retourné chez la famille Abu Uday pour les informer de la nécessité de se rapprocher du siège de l’Office dans la ville de Gaza. Il n’a pas fourni davantage de détails. La famille a découvert par la suite que l’UNRWA n’entreprendrait pas la reconstruction de l’un des appartements de la maison car il a été la cible directe des attaques israéliennes.
Visiblement, la maison de quatre étages d’Abu Uday a été frappée parce qu’un homme affilié à la résistance palestinienne vivait dans l’un des appartements avec ses frères et sœurs.
Dans une interview accordée à Al-Monitor, Abu Uday a déclaré : « L’UNRWA nous a demandé d’apporter un document de la municipalité, confirmant les pertes qui ont touché la maison. C’est ce que nous avons fait. Ensuite, l’organisation a dépêché deux enquêteurs sur le terrain pour vérifier les pertes et dommages. »
Et d’ajouter : « Les enquêteurs nous ont priés de nous adresser au siège de l’UNRWA. Là-bas, mon père a été informé que la maison serait reconstruite à l’exception de l’appartement qui a été la cible directe d’Israël. Au départ, nous avions pensé qu’ils refusaient de reconstruire la maison entière. »
Environ une semaine après la conférence de reconstruction, soit le 22 octobre, le comité des enquêteurs sur le terrain, accompagné d’un groupe d’ingénieurs, a visité une fois de plus la maison d’Abu Uday qui venait, grâce à ses relations, de déposer plainte à ce sujet à l’UNRWA. Cependant, l’organisation a réitéré qu’elle n’était pas responsable de la reconstruction d’un appartement qui a été la cible directe d’Israël.
La famille Al-Sayed Samir a elle aussi perdu l’ensemble de sa maison à quatre étages, détruite par des tirs directs et ciblés des avions israéliens. Et pour cause, l’un des frères de Samir qui était un commandant militaire dans les Brigades Izz ad-Din al-Qassam habitait dans l’un des appartements de la maison.
« Les responsables de l’UNRWA ont enregistré et recensé les dégâts des trois premiers étages en ignorant le quatrième puisqu’il a été la cible directe d’Israël. Des sources proches du Hamas nous ont informés que ce dernier assurera, à la place de l’UNRWA, la reconstruction de l’étage restant, » raconte Samir à Al-Monitor.
Le correspondant d’ Al-Monitor est allé à la rencontre d’un agent de terrain de l’UNRWA qui a expliqué : « L’organisation a tenu une réunion pour nous instruire de la nature des tâches à accomplir sur le terrain et la méthode à suivre pour rapporter et enregistrer les pertes. Nous avons également reçu une liste des maisons ciblées et qui ne figureront pas dans notre processus de reconstruction. »
Sous couvert de l’anonymat, l’agent a souligné : « Grâce à ses ingénieurs experts, l’UNRWA évalue méthodiquement les dégâts de chaque maison. La distribution du ciment se déroule de façon prudente de sorte à ce que les gens ne reçoivent que les quantités exactes et nécessaires de matériaux et ce, pour ne pas permettre à la résistance d’utiliser l’excédent à d’autres fins. »
Un responsable du Hamas, Ismail Radwan, a confié à Al-Monitor : « Il y a des tentatives claires et flagrantes pour exclure certaines habitations. Nous rejetons cette discrimination dans la reconstruction qui est censée être un projet dédié à tout le peuple palestinien. L’UNRWA participe ainsi au plan sioniste. Nous refusons qu’un organisme international comme l’UNRWA obéisse à la politique israélienne. »
L’ancien Ministre des Travaux Publics dans le gouvernement de Gaza et leader du Hamas, Youssef al-Mansi, a souligné dans son interview avec Al-Monitor : « Durant la bataille d’al-Furqan de 2008/2009 et la guerre de 2012, l’UNRWA n’a pas pris part à la reconstruction des maisons des membres de la résistance qui ont été la cible directe d’Israël. »
Et de poursuivre : « A l’époque, l’UNRWA avait justifié son refus par les pressions israéliennes qui interdisaient à l’organisation de participer au processus de reconstruction. L’UNRWA devait choisir entre appliquer la politique israélienne ou alors assumer les obstacles qui saboteront le reste du processus de reconstruction. C’est pourquoi, le Ministère des Travaux Public a pris en charge les cas exclus par l’organisation. »
Pour commenter ces propos, Al-Monitor a tenté de contacter l’UNRWA mais sans succès.
Et puisque le Hamas a remis les reines du pouvoir de Gaza au gouvernement d’union nationale, la reconstruction des maisons exclues du processus de l’UNRWA sera confiée au mouvement Hamas [qui est responsable des personnes qui habitent dans ces maisons], ou bien au Ministère des Travaux Publics du gouvernement d’union. « Nous ne pouvons pas abandonner notre peuple, et le processus de reconstruction incombe à la communauté internationale et aux autorités nationales, » ajoute Radwan.
Le sous-secrétaire du Ministère des Travaux Publics du gouvernement d’union, Naji Sarhan, a affirmé à Al-Monitor : « Le gouvernement n’exclura aucune maison ou propriété qui ont été ciblées. Toutes les maisons recevront des indemnisations. Il y a une déclaration commune du Ministère des travaux Publics, de l’UNRWA et du PNUD qui inclut les noms de toutes les personnes affectées. »
S’agissant des propriétés ciblées, Sarhan a souligné : « Le gouvernement est responsable de l’indemnisation de toute personne, indépendamment de ses préférences politiques. »
Certains médias ont révélé les préoccupations palestiniennes quant à une éventuelle opposition israélienne aux noms inscrits dans les registres de l’UNRWA concernant le processus de reconstruction.
Le mouvement Hamas a exprimé son objection au processus de reconstruction proposé par l’envoyé spécial des Nations Unies, Robert Serry, ainsi qu’à son ajournement. Dans une déclaration faite au journal local Al-Resalah, Mahmoud al-Zahar, membre de la direction politique du Hamas a dit : « Le Hamas rejette les procédures en cours car elles visent à retarder la mise en œuvre de la reconstruction. »
Pour sa part, l’analyste politique Salah al-Naami a expliqué à Al-Monitor : « L’exclusion de certains noms du processus de reconstruction reflète l’influence de la politique israélienne au sein de l’UNRWA qui accepte les versions et les récits israéliens des évènements en tout état de cause. Mais sur quelle base ? Existe-t-il au sein de l’UNRWA un système de renseignement qui révèle les noms de ceux qui doivent en être exclus ? »
« Le comportement de l’UNRWA met en évidence la collaboration entre les Nations Unies et Israël dans les crimes de guerre contre le peuple palestinien, car aucun pays dans le monde n’a le droit de cibler les maisons des gens de la résistance et de leurs enfants, » a précisé Al-Naami.
* Hana Salah est journaliste spécialisée dans le domaine financier et basée à Gaza. Elle a au préalable travaillé pour l’agence de presse Anadolu.