Artistes sud-africains contre l’Apartheid
L’animateur n’a pas à s’excuser, Israël peut être appelé « État d’apartheid », telle est la décision rendue par l’ASA, l’observatoire des médias sud-africain, le mardi 5 juillet.
Communiqué des Artistes sud-africains contre l’Apartheid
Cet après-midi, dans une décision audacieuse qui défend le droit à la liberté d’expression et du discours politique, l’observatoire des médias sud-africain, l’Autorité des normes publicitaires (ASA), a rejeté sans équivoque l’ensemble des plaintes déposées contre une annonce radio qui avait appelé au boycott d’Israël et comparé Israël à l’Afrique du Sud de l’apartheid.
En février de cette année, pendant la tournée sud-africaine du groupe musical britannique, Faithless, un message radio présentant Dave Randall (premier guitariste de Faithless) était diffusé sur 5FM, importante station radio sud-africaine avec plus de deux millions d’auditeurs. L’annonce était faite en soutien à une organisation locale, les Artistes sud-africains contre l’Apartheid. Dans cette annonce Randall déclarait : « Salut, je m’appelle Dave Randall, du groupe Faithless. Il y a vingt ans, je n’aurais pas joué en Afrique du Sud de l’apartheid ; aujourd’hui, je refuse de jouer en Israël. Pour être du bon côté de l’histoire. Pour ne pas entretenir l’apartheid. Pour rejoindre le boycott international d’Israël. Je soutiens les Artistes sud-africains contre l’Apartheid. »
Dans une plainte officielle, le Conseil juif sud-africain des députés (SAJBD) avait saisi l’ASA contre la radio pour son annonce, prétendant que l’opinion qui y est exprimée qu’Israël est un État d’apartheid est « inexacte, étayée par aucune preuve... et contient un mensonge constituant de la propagande mensongère ».
Le SAJBD demandait une ordonnance exigeant des excuses de la part du propriétaire de la station de radio, diffuseur national, pour l’émission de son annonce radio.
Aujourd’hui, l’ASA a rejeté chacune des demandes faites par le SAJBD contre l’annonce et, au contraire, a jugé en faveur des conclusions en défense déposées par l’organisation des Artistes sud-africains contre l’Apartheid représentée par le cabinet d’avocats Webber Wentzel. L’ASA a également refusé d’imposer la moindre sanction au profit du SAJBD.
Reggae DJ, The Admiral, et membre des Artistes sud-africains contre l’Apartheid s’est félicité de cette décision :
« La décision d’ASA est importante en raison de notre propre histoire d’apartheid. La décision envoie un message clair au lobby sioniste, elle dit que le moment est venu de mettre fin à ces accusations sans fondement de "discrimination" et de "discours de haine" à chaque fois qu’une critique d’Israël est formulée. Appeler Israël, État d’apartheid, est légitime car Israël pratique l’apartheid. Le boycott d’un tel régime oppressif doit être soutenu car il a été dans notre propre lutte anti-apartheid pour la liberté ».
Les organisations sud-africaines de solidarité avec la Palestine ont fêté la décision de l’ASA comme une « victoire juridique » pour le mouvement de boycott d’Israël. Fatima Vally, du groupe de travail BDS (boycott, désinvestissement et sanctions), déclare dans un communiqué de presse :
« C’est la deuxième décision importante sur le boycott d’Israël qui vient d’Afrique du Sud en moins de six mois. La première est cette décision historique de l’université de Johannesburg de rompre ses relations avec Israël. La campagne de boycott d’Israël est le nouveau mouvement anti-apartheid, et il se développe rapidement ».
Les Artistes sud-africains contre l’Apartheid se réjouissent de cette décision positive, une décision défavorable aurait pu avoir des conséquences nuisibles pour la liberté d’expression en général, et la solidarité avec la Palestine en particulier.
La décision intégrale est jointe à ce courriel (ci-dessous, avec les plaintes du SAJBD et la défense des Artistes).
L’annonce originale diffusée sur 5FM est disponible sur http://www.youtube.com/watch?v=XpE5... :
L’annonce originale diffusée sur 5FM est disponible sur http://www.youtube.com/watch?v=XpE5... :
Ci-dessous, en un bref résumé, les quatre principales questions traitées par ASA :
1 - Discrimination
Répondant à la plainte selon laquelle l’annonce radio des Artistes sud-africains contre l’Apartheid constituerait une discrimination, l’ASA la rejette intégralement en déclarant qu’une personne raisonnable comprendrait clairement que : « (L’annonce) était un appel à tous les auditeurs, indépendamment de leur situation, race, sexe et autres, pour soutenir la cause (le boycott culturel d’Israël)... en définitive, elle (l’annonce) condamne les actions et les évènements en Israël, plutôt que de persécuter et fustiger la population d’origine israélienne. En d’autres termes, elle condamne les actions oppressives... »
2 - Liberté d’expression et du discours politique
Les Artistes sud-africains contre l’Apartheid avaient fait valoir qu’ASA devait prendre en compte le fait que l’annonce radio était une forme de discours politique, lequel est protégé par le droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 16 de la Constitution sud-africaine : « L’expression politique est d’une importance particulière dans une société démocratique parce qu’elle est liée à la capacité de chaque citoyen de formuler et transmettre des informations, des idées et des opinions sur les questions d’importance publique. Les campagnes internationales telles que le boycott culturel d’Israël a de même une implication nationale, du fait que les citoyens sud-africains sont en droit d’exprimer leurs opinions sur la position qui devrait être adoptée par l’Afrique du Sud (son gouvernement) par rapport à Israël ».
3 - Publicité offensive
Répondant à la plainte selon laquelle l’annonce constituerait une publicité offensive, l’ASA juge qu’une personne raisonnable, ni critique à l’excès ni hypersensible « ne pouvait en arriver à la conclusion que ce message était destiné à outrager. Il n’y a aucun appel à la violence, ni propos péjoratifs de proférés, et aucune insinuation que tous les Israéliens doivent être condamnés. Le message dit pourquoi l’artiste ne se produit pas en Israël, et il invite les gens à se joindre à la cause défendue. »
4 - L’affirmation qu’Israël est un État d’apartheid
Les Artistes sud-africains contre l’Apartheid arguaient que l’opinion selon laquelle Israël est un État d’apartheid « est basée sur une solide matrice factuelle et le lien entre l’Afrique du Sud de l’apartheid et Israël a été fait à maintes reprises dans les médias sud-africains. L’argument est donc justifié (...) »
Les Artistes sud-africains contre l’Apartheid ont contesté avec succès l’affirmation que la référence à Israël en tant qu’État d’apartheid ne peut être justifiée que par une décision de la Cour internationale : « le terme ‘apartheid’ n’est pas manifestement un terme exclusivement juridique et est reconnu comme un terme descriptif pour désigner une situation où se manifestent ségrégation et inégalité. »
L’ASA note que la preuve suffisante est apportée à l’appui de l’argument selon lequel Israël est un État d’apartheid. Certaines argumentations proposées incluent « des rapports d’un rapporteur spécial des Nations unies sur les Territoires palestiniens occupés, de même que la copie d’une (décision) de la Cour de justice internationale sur le mur (israélien de séparation) à Jérusalem ». En outre, des études universitaires solides, des articles de presse et des caricatures politiques (plusieurs notamment par le populaire dessinateur humoriste sud-africain, Jonathan Zapiro Shapiro) ont été également produits et qui démontrent qu’il est justifié d’exprimer cette opinion qu’Israël est un État d’apartheid
Par ailleurs, des déclarations écrites sous serment du professeur israélien Uri Davis et de l’ancien ministre sud-africain des Renseignements, Ronnie Kasrils, étaient jointes aux conclusions en défense des Artistes sud-africains contre l’Apartheid.
De manière significative, le rapport du Conseil de recherches en Sciences humaines du gouvernement sud-africain de 2009, qui conclut qu’Israël est coupable du crime d’apartheid, constitue lui aussi une conclusion officielle.
Publié par les Artistes sud-africains contre l’Apartheid
Déclaration des Artistes sud-africains contre l’Apartheid
En tant qu’artistes et professionnels de la culture sud-africains, qui avons vécu, survécu, et dans de nombreux cas, résisté à un apartheid, nous reconnaissons la valeur de la solidarité nationale dans notre propre combat. C’est dans ce contexte que nous répondons à l’appel des Palestiniens (ci-dessous), et à leurs alliés israéliens, pour une telle solidarité.
En tant qu’artistes de conscience, nous disons non à l’apartheid - où qu’il soit. Nous répondons à l’appel pour une solidarité internationale et nous engageons à ne pas accepter quelque invitation que ce soit à jouer ou nous produire en Israël. De même que nous n’accepterons pas de financement venant d’institutions liées au gouvernement d’Israël. Ceci est notre position jusqu’à ce qu’Israël, au moins, se mette en conformité avec le droit international et les principes universels des droits de l’homme. Jusque-là, nous nous unissons aux autres artistes internationaux sous la bannière des Artistes contre l’Apartheid.
Apartheid et collaboration
Collaborer avec des institutions liées à l’État d’Israël ne peut être vu comme un acte neutre, au nom d’un échange culturel.
Dans un rapport officiel commandé par le gouvernement sud-africain en 2009, le Conseil de recherches en Sciences humaines a confirmé qu’Israël, de par sa politique et ses pratiques, se rendait coupable du crime d’apartheid. Nombreux sont ceux par ailleurs, et notamment des Sud-Africains, avec une profonde connaissance de l’oppression raciale (et de la résistance à l’oppression), ont parlé de la vie à l’ombre de la répression israélienne la disant semblable voire pire à celle sous l’apartheid en Afrique du Sud.
Les représentations artistiques en Israël font la promotion du « business as usual » (statu quo), un comportement qui normalise et « blanchit » un État coupable d’actes quotidiens d’exclusions, de violences et de crimes de guerre. L’opération Plomb durci à Gaza a vu plus de 400 enfants tués par l’armée israélienne ; et l’attaque démesurée d’Israël dans les eaux internationales contre la Flottille de la Liberté a provoqué la mort de neuf bénévoles de l’humanitaire. (Les deux opérations ayant été qualifiées de crimes en violation du droit international - la première par le rapport Goldstone de 2009 et la seconde par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU).
En tant qu’artistes de conscience, nous pouvons agir pour résister à la normalisation de la politique d’apartheid d’Israël. Certains peuvent se cacher derrière l’excuse que l’art est apolitique. Toutefois, des artistes n’ont pas hésité à prendre position contre le racisme et les inégalités. En tant que Sud-Africains, nous avons bénéficié d’une telle position de conscience. Par exemple, des membres du syndicat des Musiciens britanniques avaient promis de ne pas se produire en Afrique du Sud tant que l’apartheid serait en vigueur. De nombreux groupes et artistes de cinéma, de la télévision, de théâtre et de bien d’autres arts s’étaient ralliés contre le régime sud-africain et avaient aidé à la dénormalisation de l’apartheid d’Afrique du Sud, ce qui a conduit au bout du compte à la disparition de ce régime - et à la naissance d’un pays libre et démocratique, pour tous.
Rejoindre la dynamique internationale
Inspiré par le boycott de l’Afrique du Sud de l’apartheid, les Palestiniens ont lancé un appel pour une campagne de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël. Cet appel est activement soutenu aussi par des Israéliens.
L’écrivain britannique John Berger, le romancier indien Arundhati Roy, la poète états-unienne Adrienne Rich, le réalisateur britannique Ken Loach, et le scénariste britannique Paul Laverty sont quelques-unes des voix éminentes qui ont rejoint cet appel. Dans un mouvement qui continue à gagner en ampleur, une kyrielle d’artistes ont récemment soit annulé leurs spectacles, soit promis de refuser de se rendre complices de l’apartheid israélien. Parmi eux : Carlos Santana, Elvis Costello, Gil Scott-Heron, Dustin Hoffman, Meg Ryan, Faithless et Massive Attack. Pour plus de détails, voir : CULTURAL BOYCOTT OF ISRAEL.
Déclaration sur : http://www.southafricanartistsagain...