Par Robert Bibeau > Robertbibeau@hotmail.com
Shlomo Sand, cet historien israélien qui a déconstruit le mythe de l’exode et de la dispersion des judéens, des cananéens et des pharisiens (les peuples de religion juive selon la Bible) et exposé le mythe du « retour des juifs en Palestine », une terre qu’ils n’ont jamais quitté (1), n'a, semble-t-il, rien compris aux « pourparlers directs » en cours entre le Président Mahmoud Abbas de l’Autorité palestinienne, dont le mandat est échu depuis dix huit mois, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Nous reproduisons ici un extrait de sa dernière allocution : « Dans les négociations qui semblent se dérouler entre Israël et les Palestiniens, Benyamin Netanyahu exige de son partenaire de négociation qu’il reconnaisse Israël comme État juif. On peut comprendre que notre Premier ministre, un homme qui se montre si peu pratiquant, n’est peut-être pas sûr de son identité juive, d’où son incertitude quant à l’identité de son État et son besoin de chercher une reconnaissance de la part de ses voisins. » (2).
Shlomo Sand n’a rien compris, pas plus que Gidéon Lévy d’ailleurs qui, dans un article du journal Ha’aretz, écrivait récemment : « Un destin qui va dépendre d’une prestation de serment à un État juif... Cela peut transformer le pays en une théocratie, comme l’est l’Arabie Saoudite. Rappelez-vous de ce jour. C’est le jour où Israël peut changer de nature. Il peut aussi par conséquent changer son nom au profit de ‘République juive d’Israël’, comparable à la République islamique d’Iran. » (3). La démocratie est en danger en Israël, conclut Gidéon Lévy.
Que ces intellectuels se rassurent, Israël ne changera pas de nature, par contre, il changerait de statut s’il n’en tenait qu’à Netanyahu, mais ce « caprice » du Premier ministre ne risque pas de se réaliser. Il ne fait aucun doute que les intégristes judaïques au pouvoir à Tel-Aviv souhaitent officialiser dans les textes et par des proclamations publiques la création, il y a 62 ans suite à la Nakba, de la « République juive d’Israël » sur les terres arabes de Palestine, mais ce n’est pas pour l’heure l’objectif premier de Netanyahu.
Pour comprendre quel est l’objectif véritable de Netanyahu par cette exigence d’une reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif, d’abord par les Israéliens eux-mêmes et ensuite par les Palestiniens, il faut se reporter aux négociations de Taba en janvier 2001 dont les présents « pourparlers directs » ne sont que la continuation comme celles-là avaient été le prolongement des Accords d’Oslo.
On constate en effet une grande cohérence dans la démarche des divers gouvernements sionistes en terre palestinienne, quelque soit le parti au pouvoir à Tel-Aviv. « La rédemption de la terre » que les intégristes religieux juifs recherchent ouvertement a toujours été la politique officieuse de l’État colonial israélien. Ariel Sharon ne disait-il pas : « Prenez toute la terre que vous pourrez. Ce que nous prendrons sera à nous. Ce qu’ils conserveront sera à eux. » Moshe Dayan proclamait quant à lui : « Tous ceux qui voudront partir de cette terre, nous les aiderons à partir ; ceux (les Palestiniens) qui resteront vivront comme des chiens. » Bref, le plus de terre possible avec le moins d’Arabes possible, telle est la devise de l’entité sioniste depuis sa création en tant que colonie occidentale au Proche-Orient (4).
Benjamin Netanyahu ne fait que poursuivre par ces « pourparlers directs » les objectifs que Sharon poursuivait par sa répression sanguinaire de l’Intifada, ou qu’Ehud Barak poursuivait dans les négociations de Taba.
Aux négociations de Taba (2001), Barak avait mandaté les leaders de la « gauche » israélienne pour négocier l’aval des Palestiniens pour sa réélection comme Premier ministre contre Ariel Sharon alors en campagne sous la bannière du Likoud. Mais Barak avait fait sévèrement encadrer sa « gauche » par son chef de cabinet Gilad Sher, qui présenta aux négociateurs palestiniens la revendication ultime de Barak, soit que les Palestiniens reconnaissent « la fin des hostilités, la fin du conflit entre Juifs et Palestiniens. » Selon Ehud Barak, une telle reconnaissance de la fin du conflit par l’ensemble des Palestiniens revenait à reconnaître internationalement l’entité sioniste – l’État d’Israël – dans ses limites de 2001 et, pour les Palestiniens, à renoncer à leurs revendications sur les terres déjà conquises, annexées et occupées ainsi qu’à renoncer à leur droit de retour, bref, à renoncer aux différentes résolutions adoptées à l’ONU en leur faveur (la 194, la 242 et les autres) (5).
Le présent « caprice » de Netanyahu d’obtenir des négociateurs palestiniens la reconnaissance de l’État hébreu comme « État juif » vise exactement les mêmes objectifs. C’est que tous les premiers ministres israéliens, de Ben Gourion, en passant par Golda Meir, Shamir, Rabin, Sharon, Barak, jusqu’à Netanyahu, ont compris que les droits des Palestiniens sur la terre arabe de Palestine, aussi bien que le droit de retour des Palestiniens sur leur terre usurpée et spoliée, sont des droits inaliénables reconnus par toutes les conventions internationales, droits qui ne peuvent être aliénés par une tierce partie telle l’ONU, les États-Unis ou la « communauté internationale », du moins tant que les Palestiniens continuent de les revendiquer, de résister et de vivre sur la terre ou à proximité de la terre dans des camps de réfugiés en attente de rentrer chez eux. Seul le renoncement des Palestiniens eux-mêmes à leurs propres droits légitimes pourrait permettre aux Israéliens et à la soi-disant « communauté internationale » de répudier ces droits inaliénables, de les enterrer dans une mer de paperasse et de résolutions d’où ils ne ressurgiraient plus jamais.
Netanyahu n’est pas un pauvre hère nostalgique qui rechercherait son identité juive démocratique. Il n’est pas non plus un tenant d’une théocratie judaïque pour diriger l’entité sioniste coloniale. Netanyahu n'a rien à faire de la foi juive - si ce n'est pour utiliser ses adeptes intégristes comme chair à canon dans ses plans coloniaux en Palestine occupée – toute la Palestine occupée – dans les limites du mandat britannique telles que définies lors de la Conférence de San Remo en avril 1920 (6).
Par cette reconnaissance de l'État juif de la part des Palestiniens eux-mêmes, Netanyahu voudrait amener les Palestiniens à renoncer définitivement à leurs droits fondamentaux sur 90 % de leur terre de même qu'aux Résolutions de l'ONU qui les garantissent. C’est la raison pour laquelle Netanyahu n‘est pas chaud à l’idée de « louer la Vallée du Jourdain » comme le propose les Américains (7). Ce n’est pas de location dont rêve Netanyahu mais d’annexion définitive, consacrée par le droit international et acceptée par les négociateurs palestiniens en contre partie du privilège pour eux de gérer le bagne-bantoustan-État palestinien sous mandat israélien dont il détiendrait la clé.
Le Président échu Mahmoud Abbas de l'Autorité sans autorité voudrait bien signer tous les renoncements et toutes les reconnaissances que les israélites voudront bien lui faire signer, mais il sait que le Peuple palestinien rejettera ces « accords », cette auto-répudiation de ses droits et de sa terre. C'est le dilemme d’Abbas et de ses acolytes, comment faire accepter l'inacceptable à son propre peuple ? Alors, par avance, il tente d'écraser toute voix dissidente, toute résistance, en préparation de cette grande répudiation. On assiste en ce moment à la « moubarakisation » du pouvoir de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, comme il en fut en Égypte suite aux accords de Camp David et à l’assassinat de Sadate (8).
Nous le disions déjà dans un récent écrit « La bataille pour la Cisjordanie fait rage » sachant que la bataille de Gaza est déjà gagnée par la Résistance et que celle des camps de réfugiés au Liban, en Syrie et en Jordanie aura lieu plus tard si jamais Abbas s’avisait de parapher quoi que ce soit qui ressemble à l’acceptation de la création d’un bantoustan palestinien sous protectorat israélien (9). Finalement, il se pourrait bien que les capricieux pourparlers de « paix » Netanyahu - Abbas aient déjà échoué (10).
Notes de lecture :
(1) Shlomo Sand. Comment le peuple juif fut inventé.
(2) Article du Courrier international.
(3) La république juive d’Israël. Gidéon Lévy, Ha’aretz, 10.10.2010. Info-Palestine du 11.10.1020
(4) Les Palestiniens dans le siècle. Élias Sanbar. Gallimard. 1994.
(5) Détruire la Palestine ou comment terminer la guerre de 1948. Tanya Reinhart. La Fabrique. 2002.
(6) Les Palestiniens dans le siècle. Élias Sanbar. Gallimard. 1994.
(7) Les États-Unis proposent à Israël de louer la vallée du Jourdain, dépêche AFP.
(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Anouar_el-Sadate
(9) La bataille pour la Cisjordanie fait rage. Robert Bibeau, 12.10.2010.
(10) Les pourparlers de « paix » Netanyahu-Abbas ont déjà échoué, Robert Bibeau, 02.09.2010.
Nous reproduisons ici un extrait de sa dernière allocution : « Dans les négociations qui semblent se dérouler entre Israël et les Palestiniens, Benyamin Netanyahu exige de son partenaire de négociation qu’il reconnaisse Israël comme État juif. On peut comprendre que notre Premier ministre, un homme qui se montre si peu pratiquant, n’est peut-être pas sûr de son identité juive, d’où son incertitude quant à l’identité de son État et son besoin de chercher une reconnaissance de la part de ses voisins. » (2).
Shlomo Sand n’a rien compris, pas plus que Gidéon Lévy d’ailleurs qui, dans un article du journal Ha’aretz, écrivait récemment : « Un destin qui va dépendre d’une prestation de serment à un État juif... Cela peut transformer le pays en une théocratie, comme l’est l’Arabie Saoudite. Rappelez-vous de ce jour. C’est le jour où Israël peut changer de nature. Il peut aussi par conséquent changer son nom au profit de ‘République juive d’Israël’, comparable à la République islamique d’Iran. » (3). La démocratie est en danger en Israël, conclut Gidéon Lévy.
Que ces intellectuels se rassurent, Israël ne changera pas de nature, par contre, il changerait de statut s’il n’en tenait qu’à Netanyahu, mais ce « caprice » du Premier ministre ne risque pas de se réaliser. Il ne fait aucun doute que les intégristes judaïques au pouvoir à Tel-Aviv souhaitent officialiser dans les textes et par des proclamations publiques la création, il y a 62 ans suite à la Nakba, de la « République juive d’Israël » sur les terres arabes de Palestine, mais ce n’est pas pour l’heure l’objectif premier de Netanyahu.
Pour comprendre quel est l’objectif véritable de Netanyahu par cette exigence d’une reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif, d’abord par les Israéliens eux-mêmes et ensuite par les Palestiniens, il faut se reporter aux négociations de Taba en janvier 2001 dont les présents « pourparlers directs » ne sont que la continuation comme celles-là avaient été le prolongement des Accords d’Oslo.
On constate en effet une grande cohérence dans la démarche des divers gouvernements sionistes en terre palestinienne, quelque soit le parti au pouvoir à Tel-Aviv. « La rédemption de la terre » que les intégristes religieux juifs recherchent ouvertement a toujours été la politique officieuse de l’État colonial israélien. Ariel Sharon ne disait-il pas : « Prenez toute la terre que vous pourrez. Ce que nous prendrons sera à nous. Ce qu’ils conserveront sera à eux. » Moshe Dayan proclamait quant à lui : « Tous ceux qui voudront partir de cette terre, nous les aiderons à partir ; ceux (les Palestiniens) qui resteront vivront comme des chiens. » Bref, le plus de terre possible avec le moins d’Arabes possible, telle est la devise de l’entité sioniste depuis sa création en tant que colonie occidentale au Proche-Orient (4).
Benjamin Netanyahu ne fait que poursuivre par ces « pourparlers directs » les objectifs que Sharon poursuivait par sa répression sanguinaire de l’Intifada, ou qu’Ehud Barak poursuivait dans les négociations de Taba.
Aux négociations de Taba (2001), Barak avait mandaté les leaders de la « gauche » israélienne pour négocier l’aval des Palestiniens pour sa réélection comme Premier ministre contre Ariel Sharon alors en campagne sous la bannière du Likoud. Mais Barak avait fait sévèrement encadrer sa « gauche » par son chef de cabinet Gilad Sher, qui présenta aux négociateurs palestiniens la revendication ultime de Barak, soit que les Palestiniens reconnaissent « la fin des hostilités, la fin du conflit entre Juifs et Palestiniens. » Selon Ehud Barak, une telle reconnaissance de la fin du conflit par l’ensemble des Palestiniens revenait à reconnaître internationalement l’entité sioniste – l’État d’Israël – dans ses limites de 2001 et, pour les Palestiniens, à renoncer à leurs revendications sur les terres déjà conquises, annexées et occupées ainsi qu’à renoncer à leur droit de retour, bref, à renoncer aux différentes résolutions adoptées à l’ONU en leur faveur (la 194, la 242 et les autres) (5).
Le présent « caprice » de Netanyahu d’obtenir des négociateurs palestiniens la reconnaissance de l’État hébreu comme « État juif » vise exactement les mêmes objectifs. C’est que tous les premiers ministres israéliens, de Ben Gourion, en passant par Golda Meir, Shamir, Rabin, Sharon, Barak, jusqu’à Netanyahu, ont compris que les droits des Palestiniens sur la terre arabe de Palestine, aussi bien que le droit de retour des Palestiniens sur leur terre usurpée et spoliée, sont des droits inaliénables reconnus par toutes les conventions internationales, droits qui ne peuvent être aliénés par une tierce partie telle l’ONU, les États-Unis ou la « communauté internationale », du moins tant que les Palestiniens continuent de les revendiquer, de résister et de vivre sur la terre ou à proximité de la terre dans des camps de réfugiés en attente de rentrer chez eux. Seul le renoncement des Palestiniens eux-mêmes à leurs propres droits légitimes pourrait permettre aux Israéliens et à la soi-disant « communauté internationale » de répudier ces droits inaliénables, de les enterrer dans une mer de paperasse et de résolutions d’où ils ne ressurgiraient plus jamais.
Netanyahu n’est pas un pauvre hère nostalgique qui rechercherait son identité juive démocratique. Il n’est pas non plus un tenant d’une théocratie judaïque pour diriger l’entité sioniste coloniale. Netanyahu n'a rien à faire de la foi juive - si ce n'est pour utiliser ses adeptes intégristes comme chair à canon dans ses plans coloniaux en Palestine occupée – toute la Palestine occupée – dans les limites du mandat britannique telles que définies lors de la Conférence de San Remo en avril 1920 (6).
Par cette reconnaissance de l'État juif de la part des Palestiniens eux-mêmes, Netanyahu voudrait amener les Palestiniens à renoncer définitivement à leurs droits fondamentaux sur 90 % de leur terre de même qu'aux Résolutions de l'ONU qui les garantissent. C’est la raison pour laquelle Netanyahu n‘est pas chaud à l’idée de « louer la Vallée du Jourdain » comme le propose les Américains (7). Ce n’est pas de location dont rêve Netanyahu mais d’annexion définitive, consacrée par le droit international et acceptée par les négociateurs palestiniens en contre partie du privilège pour eux de gérer le bagne-bantoustan-État palestinien sous mandat israélien dont il détiendrait la clé.
Le Président échu Mahmoud Abbas de l'Autorité sans autorité voudrait bien signer tous les renoncements et toutes les reconnaissances que les israélites voudront bien lui faire signer, mais il sait que le Peuple palestinien rejettera ces « accords », cette auto-répudiation de ses droits et de sa terre. C'est le dilemme d’Abbas et de ses acolytes, comment faire accepter l'inacceptable à son propre peuple ? Alors, par avance, il tente d'écraser toute voix dissidente, toute résistance, en préparation de cette grande répudiation. On assiste en ce moment à la « moubarakisation » du pouvoir de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, comme il en fut en Égypte suite aux accords de Camp David et à l’assassinat de Sadate (8).
Nous le disions déjà dans un récent écrit « La bataille pour la Cisjordanie fait rage » sachant que la bataille de Gaza est déjà gagnée par la Résistance et que celle des camps de réfugiés au Liban, en Syrie et en Jordanie aura lieu plus tard si jamais Abbas s’avisait de parapher quoi que ce soit qui ressemble à l’acceptation de la création d’un bantoustan palestinien sous protectorat israélien (9). Finalement, il se pourrait bien que les capricieux pourparlers de « paix » Netanyahu - Abbas aient déjà échoué (10).
Notes de lecture :
(1) Shlomo Sand. Comment le peuple juif fut inventé.
(2) Article du Courrier international.
(3) La république juive d’Israël. Gidéon Lévy, Ha’aretz, 10.10.2010. Info-Palestine du 11.10.1020
(4) Les Palestiniens dans le siècle. Élias Sanbar. Gallimard. 1994.
(5) Détruire la Palestine ou comment terminer la guerre de 1948. Tanya Reinhart. La Fabrique. 2002.
(6) Les Palestiniens dans le siècle. Élias Sanbar. Gallimard. 1994.
(7) Les États-Unis proposent à Israël de louer la vallée du Jourdain, dépêche AFP.
(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Anouar_el-Sadate
(9) La bataille pour la Cisjordanie fait rage. Robert Bibeau, 12.10.2010.
(10) Les pourparlers de « paix » Netanyahu-Abbas ont déjà échoué, Robert Bibeau, 02.09.2010.