Ayed Morrar
Budrus, Ni’ilin, Bili’in..., la résistance non violente s’étend en Palestine face à la violence militaire de l’occupation et de la répression israéliennes. Pour les Palestiniens, un souhait simple : "nous voulons ce qui est à nous, nous voulons notre terre, avec une réelle souveraineté. Nous voulons la liberté, l’égalité et les droits civiques ".
Budrus, un film documentaire qui sort actuellement aux Etats-Unis raconte l’histoire d’une campagne de protestation victorieuse menée par des civils palestiniens non armés contre l’occupation militaire israélienne dans mon petit village de Cisjordanie.
La réussite de notre lutte et et l’expansion de la résistance civile qui s’en est suivie dans d’autres communautés de Cisjordanie peuvent apporter de l’espoir aux observateurs qui cherchent désespérément des informations positives sur le Moyen-Orient. Mais aujourd’hui, la répression israélienne contre des manifestants palestiniens sans armes menace ce mouvement grandissant. Pour que notre mouvement s’étoffe et serve de réelle alternative à la violence, il faut que les Américains exigent d’Israël, allié proche des Etats-Unis, qu’il mette fin à la répression.
Budrus raconte dix mois d’une campagne faite de marches de protestation en 2003-2004, avec la participation d’hommes, de femmes et d’enfants et celle de représentants de tous les groupes politiques palestiniens aux côtés de militants internationaux et israéliens, pour résister à la construction sur nos terres de la « Barrière de séparation » d’Israël. Des jeunes femmes, menées par Iltezam, ma fille de 15 ans, dépassèrent en courant les soldats israéliens et sautèrent devant les bulldozers qui déracinaient nos oliviers. Les soldats s’opposaient régulièrement à nous avec des bâtons, des balles en caoutchouc, des couvre-feux et des arrestations et même avec des balles réelles. Mais nous avons fini par gagner. Les militaires israéliens ont changé le tracé du mur à Budrus, nous laissant l’accès à presque toute notre terre.
Le film se termine que une image de militants israéliens et internationaux qui se dirigent vers le village voisin de Ni’ilin où la lutte pour sauver la terre de Palestine continue aujourd’hui. Mais, après le succès de Budrus, et face au nombre croissant de civils qui protestent contre la confiscation de leurs terres, Israël a répondu avec sa puissance militaire, essayant de faire taire ce nouveau mouvement. Vingt Palestiniens ont été tués depuis pendant des manifestations non violentes contre la construction de la barrière de séparation.
A Ni’ilin, au coeur de la nuit, les soldats israéliens ont mené des centaines de raids militaires et arrêté des centaines de civils du village ; des centaines encore ont été blessés -40 par des balles réelles- et 5 dont un enfant de 10 ans ont été abattus. Aujourd’hui un mur en béton hideux haut de 6m50 se dresse à Ni’ilin, et derrière se trouvent les 250 hectares des terres du village qui ont été volées pour permettre l’expansion des colonies israéliennes illégales.
Par une campagne de protestation qui dure depuis 5 ans, un autre village voisin, Bil’in, est devenu le symbole international de la résistance non violente à l’occupation israélienne et des dirigeants mondiaux comme Jimmy Carter ou Desmond Tutu s’y sont rendus pour manifester leur soutien.
Le 11 octobre 2010 Abdallah Abu Rahmah, les des principaux organisateurs des manifestations, a été condamné par un tribunal militaire israélien à 12 mois d’emprisonnement. Son crime – mener dans son village des manifestations semblables à celles que j’ai menées à Budrus. Pendant le procès d’Abdallah le procureur militaire israélien a demandé de façon répétée à ce qu’on en fasse un « exemple » afin de dissuader les autres personnes qui pourraient organiser la résistance civile. L’UE, la grande Bretagne, Human Rights Watch et Amnesty International ont condamné tous l’incarcération d’ Abdallah mais pourtant il reste en prison.
Les souhaits des Palestiniens sont simples – nous voulons ce qui est à nous, nous voulons notre terre, avec une réelle souveraineté. Nous voulons la liberté, l’égalité et les droits civiques – ce que Martin Luther King appela dans sa Lettre d’une prison de Birmingham"nos droits constitutionnels, donnés par Dieu."
Israël envoie un message clair : même la résistance non armée de citoyens ordinaires qui exigent leurs droits élémentaires sera écrasée. Peu de gens savent que la seconde Intifada commença, non pas par des fusils et des attentats contre des civils, mais par des marches de protestation vers les check-points militaires israéliens installés en Cisjordanie et de la désobéissance civile, dans la tradition du mouvement pour les droits civiques aux Etats-unis.
Israël répondit en tirant en un mois plus d’1.3 million de balles réelles sur la foule des manifestants. Quand les gens ordinaires ne purent plus assumer le risque de manifester, de petits groupes se tournèrent, dans la colère et le désespoir, vers la résistance armée.
La lutte de Budrus a montré que la résistance civile peut faire tomber les murs, littéralement et aussi ceux du coeur, et montrer l’exemple d’un avenir heureux pour les Palestiniens et aussi les Israéliens sur cette terre biblique.
Aujourd’hui les manifestants palestiniens et israéliens font face ensemble à l’occupation militaire israélienne dans d’autres villages. Cet perspective porteuse d’espoir est aujourd’hui menacée par les balles israéliennes et les arrestations.
Pour que cet avenir voie le jour, tous ceux qui sont indignés par la violence déployée contre les manifestants doivent exiger la fin de l’injustice. Si les Américains veulent que l’exemple de Budrus continue à s’étendre, les individus, les groupes de la société civile et le gouvernement des Etats-Unis doivent exercer des pressions sur Israël pour mettre fin à la répression brutale qu’il inflige aux civils qui manifestent.