dimanche 7 novembre 2010

Las d’un processus de paix sans résultat, les Palestiniens veulent demander leur indépendance à l’ONU

publié le samedi 6 novembre 2010
Karim Lebhour

 
Près de vingt ans après le début du processus de paix entamé à Madrid en 1991, l’Etat palestinien n’a toujours pas vu le jour. Mohammed Shtayyeh, négociateur palestinien et proche conseiller de Mahmoud Abbas, évoque avec RFI la stratégie palestinienne en cas d’échec des discussions et la possibilité de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Depuis la fenêtre de son bureau dans les faubourgs de Ramallah, Mohammed Shtayyeh a une vue imprenable sur les maisons alignées au cordeau de Psagot, une colonie plantée sur une colline dominant la ville. « Ce n’est pas qu’un problème de principe, assure le négociateur palestinien. Certaines villes comme Qalqilya (nord) sont déjà complètement entourées par les colonies israéliennes. C’est une menace directe sur l’établissement d’un Etat palestinien ».
Le nouveau cycle de pourparlers lancé à Washington par le président Barack Obama, le 2 septembre dernier, bute toujours sur le refus israélien de prolonger le gel des constructions dans les implantations juives de Cisjordanie et le refus palestinien de négocier sans avoir obtenu ce gel.
« Ce processus ne mène nulle part. Nous négocions depuis dix-neuf ans et les Israéliens continuent de prendre notre terre et nos ressources en eau. L’Autorité palestinienne est une autorité sans autorité. Nous ne faisons rien de plus que de la gestion municipale avec l’argent des pays donateurs : une route par-ci, une école par-là. La décision de mettre un terme à l’occupation ne doit pas être laissée aux seuls Israéliens. Ils ne sont pas prêts à nous accorder davantage qu’une autonomie. La communauté internationale doit réfléchir à des alternatives. Le statu quo est intenable ».
L’entourage du président palestinien s’est persuadé qu’il ne faut plus compter sur les seules négociations pour parvenir à l’établissement d’un Etat et préparer la prochaine étape. Une fois expiré le délai d’un mois fixé au 8 novembre par la Ligue arabe pour l’extension fort peu probable du gel des constructions israéliennes, les dirigeants palestiniens comptent dévoiler leur plan B : saisir le Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir la reconnaissance de l’Etat de Palestine, sans attendre le consentement d’Israël.
« Dans un premier temps, nous demanderons aux Etats-Unis de reconnaître l’Etat palestinien dans les frontières de 1967 (Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, ndr). En cas de refus, nous irons devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Si le Conseil nous oppose un veto, nous pourrons encore nous retourner vers l’Assemblée générale et demander l’activation du mécanisme « Union pour le maintien de la paix » par lequel l’Assemblée peut se substituer au Conseil de sécurité en cas de blocage. Enfin, nous pouvons également demander que les Territoires palestiniens soient placés sous la tutelle de l’ONU. Toutes ces options sont sur la table ».
Cette perspective a été immédiatement rejetée par le chef du gouvernement israélien Benyamin Netanyahu, menaçant les Palestiniens de représailles en cas de « mesure unilatérale ». « Les Nations unies ne peuvent pas créer un Etat. La ligne verte (qui sépare Israël des Territoires palestiniens) n’a pas d’existence officielle. Et de toute façon, quel gouvernement palestinien serait reconnu : celui du Hamas à Gaza ou celui du Fatah en Cisjordanie ? remarque Ygal Palmor, le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Sur le plan diplomatique, les Palestiniens marqueront peut-être des points, mais ça ne changera rien sur le terrain. Les lendemains de fête seront douloureux », prédit-il. Mohammed Shtayyeh fait au contraire le pari qu’il sera beaucoup plus difficile pour Israël de justifier l’occupation de l’Etat de Palestine auréolé d’une reconnaissance internationale.
« Si l’ONU nous accorde cet acte de naissance, ce sera la première fois qu’un Etat de Palestine est officiellement reconnu dans les frontières de 1967. Cela peut changer le rapport de force dans les négociations avec Israël. En cas de refus, nous conservons une dernière option : revenir à l’occupation israélienne totale et laisser le gouvernement israélien prendre en charge totalement la gestion des Territoires occupés. Nous entrerons alors dans une nouvelle forme de lutte. Un homme, une voix dans le cadre d’un seul Etat, comme en Afrique du Sud ».