Ibrahim Hewitt
Tout état qui se définit comme spécifiquement « État juif », doit par définition être un État fondé sur le racisme et les principes racistes, écrit Ibrahim Hewit.
Les mythes font partie de la conscience nationale dans presque tous les pays du monde ; depuis les mythes qui soutiennent le culte des personnalités qui passent pour des gouvernements dans le monde arabe jusqu’aux mythes fondateurs de la « civilisation occidentale » qui favorisent la supériorité européenne (un euphémisme pour « blancs »), les nations qui se sentent menacées font appel aux soutiens contre la disparition de leur « mode de vie".
Normalement, on peut rejeter de tels appels aux armes comme l’oeuvre de cinglés, mais un article sur un site de « centre-droit » par un député conservateur [britannique] doit être pris au sérieux, car il démontre que les internés se sont emparés de l’asile.
Le député Robert Halfon met en avant, sous le titre « Le monde doit soutenir Israël, car s’il tombe, nous tomberons tous » le fait que le conflit israélo-palestinien est en effet un microcosme du conflit des civilisations. Il nous rend service en confirmant ce que des militants pro-justice ont toujours dit : que l’état d’Israël n’existe pas comme réalisation d’un refuge sûr pour les juifs persécutés dans d’autres parties du monde comme cela est souvent affirmé, mais est en réalité « une partie d’un rempart de l’Europe contre l’Asie, un avant-poste de la civilisation contre la barbarie ». Ainsi l’avait écrit Theodor Herzl, le père fondateur du sionisme à la fin du XIXe siècle. Cet avant-poste israélien existe pour contrôler le « fardeau de l’homme blanc », cette fois-ci non pas l’Afrique, mais les ressources du Moyen-Orient.
Avec zèle, M. Halfon ne définit pas qui « nous » sommes, ceux qui « tomberont » si Israël est mis au pied. Comme tous les apologistes des excès israéliens, il est disposé à accepter l’idée que la fin justifie les moyens et qu’Israël peut s’en tirer tout en assassinant, violant le droit international en toute impunité et en traitant le reste du monde avec mépris. Halfon et ceux de son genre s’identifient avec cela parce que c’est exactement ce que la « civilisation occidentale » a fait pendant des siècles et continue à faire.
Ceci ne représente pas un conflit entre les trois grandes religions monothéistes du monde, même si l’héritage « judéo-chrétien » de l’Europe est souvent invoqué, ses valeurs fondamentales devant être défendues contre « l’islamisme extrêmiste » », comme l’indique M. Halfon. La vérité est que l’Espagne islamique a encouragé et développé l’héritage judéo-chrétien, lequel a nourri la Renaissance européenne bien avant que ce qu’on appelle le Siècle des lumières détruise la foi à travers le continent jusqu’à un niveau de rien de vraiment significatif. Les idéologies laïques qui en résultent et qui prétendent aujourd’hui défendre le judaïsme et le christianisme ont été réellement la cause de la disparition de la pratique religieuse en Occident, une tendance qui a été diffusée dans le monde musulman au nom de la « liberté et la démocratie ».
Les mouvements anti-impérialistes dans le monde n’ont pas lutté pour se libérer du joug de l’Occident afin d’avoir la liberté de vivre à leur façon traditionnelle. Le plus souvent ils ont lutté contre la domination occidentale, afin de vivre avec leurs propre interprétation d’une idéologie occidentale se faisant en général passer pour une démocratie. Voyez l’appui de l’Occident envers ces mouvements qui adoptent des idéologies occidentales comme étant la norme, et l’opposition de l’Ouest là où des systèmes démocratiques non-occidentaux sont au premier plan, comme en Algérie et plus récemment en Palestine.
Quand les gens choisissent d’une façon démocratique en toute liberté et dans des élections jugées « libres et équitables », mais que ce choix ne correspond pas aux plans d’un Occident colonisateur, alors tout est bon pour supprimer « la liberté et la démocratie » ". La situation des Palestiniens de Gaza à l’heure actuelle est un exemple classique de la duplicité affichée par des gens comme Robert Halfon.
De son point de vue perverti du monde, le soutien à la justice pour ses frères humains qui se trouvent être Palestiniens et qui luttent contre une occupation militaire illégale de leurs terres (avec toutes les politiques d’oppression qu’une telle force d’occupation implique) est présenté en « politique anti-israélienne virulente ». Est-ce qu’un membre du Parlement ne respecte pas la règle de droit et le principe de la justice pour tous ? Quand il beugle que « l’existence même d’Israël est menacée par le régime fondamentaliste d’Iran, qui est près d’avoir la capacité d’armes nucléaires », s’arrête-t-il rien qu’une seconde pour prendre en considération les millions de personnes à travers le Moyen-Orient qui vivent déjà sous la menace du régime d’extrême-droite d’Israël et de son arsenal nucléaire ? Bien sûr que non ! Israël et « nous » allons de pair, à ce qu’il voudrait nous faire croire.
Mais cela même est un mythe. les articles tels que ceux de Robert Halfon visent à diviser le monde entier en deux camps opposés : dans son esprit, dénoncer le mépris israélien pour les valeurs et les conventions internationales revient à « tenter de détruire les valeurs occidentales dans leur ensemble ». Comme les paroles infâmes prononcées par George W. Bush après le 11 septembre : « Vous êtes avec nous ou avec les terroristes », il n’y a pas de solution intermédiaire.
La dissidence religieuse et politique - deux valeurs fondamentales de toute démocratie solide et la raison d’être de la présence des Européens en Amérique du Nord - sont interdites et l’opposition à Israël vous met dans de mauvais draps..
Bien sûr, il est totalement absurde de suggérer que les islamistes « extrêmes » sont les seuls mécontents de ce qu’ils voient présenter comme les valeurs occidentales d’aujourd’hui : un groupe de jeunes de la communauté religieuse Amish (communauté anabaptiste présente en Amérique du Nord - N.d.T] de l’Amérique a été envoyé au Sud de Londres par Channel 4 où, selon un critique de télévision, « leurs correspondants de Londres restaient confinés à l’intérieur en jouant à des jeux vidéo » et « leurs homologues d’Amish se sont très vite ennuyés ». [...]
Toutefois, lorsque on regarde avec attention les jeunes Amish dans une mosquée à Londres, « leur méfiance et leur désapprobation initiales se transforment en compréhension d’une base commune ». Ces questions ne sont pas aussi précise que les Halfons de ce monde voudraient nous faire croire, bien que l’idéologie de droite du genre adoptée par lui-même et ses acolytes n’a jamais été particulièrement affectueuse envers un groupe hors de ce qu’ils considèrent comme la norme, alors peut-être les Amish devraient s’inquiéter.
Halfon nous rappelle : « Éliminez Israël et vous anéantissez un pays qui se trouve dans l’avant-garde contre le totalitarisme”, en ignorant avec désinvolture le désir maintes fois répété par le ministre israélien des affaires étrangères Avigdor Lieberman d’expulser tous les Palestiniens de leur propre pays et, en fait, la campagne d’Israël du nettoyage ethnique des Palestiniens de l’État juif lui-même.
Tout état qui se définit comme distinctement un « État juif », par définition, doit être un État fondé sur le racisme et les principes racistes si par la loi, les juifs sont définis comme un groupe ethnique (ce qu’ils sont). L’ONU avait un moment trouvé le courage de dire dans une déclaration que « le sionisme est une forme de racisme », avant son annulation par des sionistes influents qui ont réussi à faire annuler cette résolution.
Robert Halfon refuse toute vérité dans son argumentation. Il répète le vieux poncif que « les Israéliens ... ont offert aux Palestiniens presque tout ce qu’ils désiraient lors des négociations du président Clinton à Camp David » - soit, 20% de la Palestine historique, « presque tout » à ses yeux, et même si cela a été réduit en secteurs séparés les uns des autres depuis lCamp David - et "au lieu de sevrage physique [d’Israël de Gaza] soyant utilisé comme un relais pour la paix ... le Hamas a organisé un coup d’État et renversé l’OLP". Comme un nouveau garçon dédié au Parlement, peut-être M. Halfon était trop occupé à essayer de se faire élire à Westminster pour constater que le Hamas a remporté une élection libre et équitablement démocratique en 2006 et a pris des mesures contre une tentative de coup financé par les israé liens par une faction au sein du Fatah - pas le Fatah en lui-même - en 2007.
Soutenir la justice a toujours été une expérience dangereuse et il serait beaucoup plus facile de se laisser porter par le mouvement et non pas tanguer le bateau de l’opportunisme politique. Cependant, la propagande pro-israélienne de Robert Halfon est loin de créer le genre de "libre-penseur" qu’il décrit ; en revanche, elle produit des êtres humains aveugles prêts et aptes à être manipulés par des régimes totalitaires, du genre dont il dénonce et revendique qu’il sont rangés contre l’Occident. En réalité, il fait partie d’un mouvement totalitaire qui cherche à étouffer les croyances et pratiques religieuses, et de promouvoir « une société de marché libre, qui croit à la liberté individuelle et la primauté du droit » - tant que ce but est en accord avec le sionisme et ses objectifs.
Le fait qu’il décrit Israël comme une telle société doit tirer la sonnette d’alarme pour tous les gens décents et respectueux de la loi, parce que ce membre du Parlement nouvellement élu semble avoir perdu tout contact avec la réalité.
* Ibrahim Hewitt dirige une école primaire musulmane indépendante à Leicester et il est président d’Interpal, organisation d’aide aux Palestiniens. Depuis juin 2004, il est secrétaire général adjoint du Conseil musulman de Grande-Bretagne. Né dans une famille chrétienne à Tynemouth, Ibrahim s’est converti à l’islam en 1981.
26 juillet 2010 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeastmonitor.org.uk...Traduction de l’anglais : Ahuva Freeman