William Parry – NewStatesmen : Robert Del Naja, artiste et musicien anglais, du groupe "Massive Attack", raconte à William Parry pourquoi il boycotte Israël.
publié le vendredi 3 septembre 2010.
Le mouvement pour un boycott culturel d’Israël pour réagir au traitement des Palestiniens par ce pays, boycott modelé sur celui de l’Afrique du Sud de l’apartheid, peut arriver à éclipser des décennies de comédies politiques mensongères en faisant s’engager les intellectuels, les universitaires et les artistes occidentaux. Des personnalités renommées internationalement, tels que Naomi Klein et Ken Loach, soutiennent cet appel au boycott et maintenant, l’un des groupes les plus en vogue en Grande-Bretagne, "Massive Attack", apporte son soutien public au boycott.
« J’ai toujours eu le sentiment que c’était la seule façon d’avancer, » me dit Robert Del Naja, premier chanteur du groupe, lors de notre rencontre aux Galeries Lazarides à Fitzrovia, Londres. Del Naja est un artiste et un musicien, son visage et ses doigts sont mouchetés de peinture. Des dizaines de tableaux sont répandus sur le parquet, en train de sécher. « C’est un système qui a été appliqué pour de nombreux pays. C’est un bon objectif car il fait une pression constante et c’est cela qu’il faut. »
Les musiciens ont tout un passé derrière eux de ralliements de l’opinion au soutien de causes politiques. Le mouvement anti-apartheid mondial a connu un coup de fouet, dont il avait désespérément besoin, quand les musiciens ont commencé à s’y impliquer. Le single "Sun City", par les "Artistes unis contre l’apartheid", en 1985, et le concert en hommage au 70è anniversaire de Nelson Mandela à Wembley, en 1988, ont catapulté la cause dans des millions de foyers ordinaires.
« Je pense que les musiciens ont un rôle majeur à jouer, » dit Del Naja. « Je trouve que plus je m’implique, plus le mouvement devient quelque chose de tangible. Je me souviens des concerts de rock des "Artistes contre l’apartheid", et ceux de "Rock contre le racisme", dans le même genre à l’époque. Des groupes comme "Clash" et "Specials" ont beaucoup influencé l’esprit de la jeunesse à ce moment-là. Ces expériences riches d’enseignement sont toujours évidentes dans les conceptions de "Massive Attack" aujourd’hui. Un concert typique du groupe, c’est une fusion torride de musique avec de messages politiques et de statistiques qui s’affichent sur les écrans vidéo, pendant que le groupe apporte régulièrement son soutien à des causes humanitaires. »
Les appels au boycott ont d’abord été lancés il y a cinq ans par la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël, mais une série de développements, débutant avec la guerre contre Gaza durant l’hiver 2008-2009, ont stimulé le soutien à la campagne. Après le raid meurtrier d’Israël contre la Flottille de la Liberté pour Gaza, le 31 mai dernier, un certain nombre d’artistes réputés, notamment les "Pixies", Elvis Costello et Gorillaz, ont annulé leurs concerts en Israël. En août, 150 artistes plasticiens irlandais ont également promis de ne pas se produire en Israël, mais ce sont les musiciens qui se sont montrés les plus éminents partisans du boycott.
Leurs points de vue ne sont pas unanimes, cependant. D’autres musiciens, d’Elton John et Diana Krall (l’épouse de Costello) à Placebo et John Lydon, ont refusé d’annuler leurs dates de concerts en Israël. Certains insistent en affirmant qu’un engagement avec Israël est plus productif – position que rejette Del Naja. « On nous a demandé de jouer en Israël et nous avons refusé. » dit-il. « La question qui nous a été posée : "Si vous n’y jouez pas, comment pouvez-vous y aller et changer les choses ?" ». J’ai répondu : "Ecoutez, je ne peux pas jouer en Israël quand les Palestiniens n’ont pas accès aux mêmes avantages que les Israéliens". Je pense que la meilleure approche est de boycotter un gouvernement qui semble décidé pour des politiques destructrices. Et c’est triste, parce que nous avons rencontré des gens formidables en Israël, et c’est une décision difficile à prendre. »
Au-delà du monde des arts, un nombre croissant d’organisations syndicales, de syndicats d’étudiants et d’Eglises sont en train de s’impliquer dans le mouvement pour le Boycott, les Sanctions et le Désinvestissement (BDS). Même un groupe basé en Israël, "Boycott de l’intérieur", soutient la campagne, déclarant que « l’agenda politique du gouvernement ne changera que lorsque le prix pour le maintien du statu quo deviendra trop élevé… parce les niveaux actuels d’apathie dans notre société rendent cette initiative indispensable ».
« Nous n’allons pas arriver à une libération sous peu de temps, » concède Del Naja, mais pour lui, la question est de faire « pression, une pression permanente nécessaire ». Et la menace d’un isolement international d’Israël et de répercussions économiques commencent manifestement à porter leurs fruits : le parlement israélien, la Knesset, a récemment voté en première lecture, un projet de loi qui imposera de lourdes amendes à tout citoyen israélien qui lancerait ou soutiendrait un boycott contre Israël, et un autre projet, pour interdire aux étrangers – tel Del Naja – qui agissent de même, d’entrer en Israël pendant dix ans.
« Le boycott n’est pas un acte d’agression contre le peuple israélien, » dit-il. « Mais contre son gouvernement et sa politique. Il est nécessaire de le rappeler à chacune et chacun, car il est très facile de se faire accuser d’être un antisémite, alors que ce n’est pas du tout le sujet. »
William Parry a écrit : « Contre le Mur : l’art de la résistance en Palestine », publié par Pluto Press (Grande-Bretagne, £14,99)
http://www.newstatesman.com/music/2010/09/israel-interview-boycott-naja« J’ai toujours eu le sentiment que c’était la seule façon d’avancer, » me dit Robert Del Naja, premier chanteur du groupe, lors de notre rencontre aux Galeries Lazarides à Fitzrovia, Londres. Del Naja est un artiste et un musicien, son visage et ses doigts sont mouchetés de peinture. Des dizaines de tableaux sont répandus sur le parquet, en train de sécher. « C’est un système qui a été appliqué pour de nombreux pays. C’est un bon objectif car il fait une pression constante et c’est cela qu’il faut. »
Les musiciens ont tout un passé derrière eux de ralliements de l’opinion au soutien de causes politiques. Le mouvement anti-apartheid mondial a connu un coup de fouet, dont il avait désespérément besoin, quand les musiciens ont commencé à s’y impliquer. Le single "Sun City", par les "Artistes unis contre l’apartheid", en 1985, et le concert en hommage au 70è anniversaire de Nelson Mandela à Wembley, en 1988, ont catapulté la cause dans des millions de foyers ordinaires.
« Je pense que les musiciens ont un rôle majeur à jouer, » dit Del Naja. « Je trouve que plus je m’implique, plus le mouvement devient quelque chose de tangible. Je me souviens des concerts de rock des "Artistes contre l’apartheid", et ceux de "Rock contre le racisme", dans le même genre à l’époque. Des groupes comme "Clash" et "Specials" ont beaucoup influencé l’esprit de la jeunesse à ce moment-là. Ces expériences riches d’enseignement sont toujours évidentes dans les conceptions de "Massive Attack" aujourd’hui. Un concert typique du groupe, c’est une fusion torride de musique avec de messages politiques et de statistiques qui s’affichent sur les écrans vidéo, pendant que le groupe apporte régulièrement son soutien à des causes humanitaires. »
Les appels au boycott ont d’abord été lancés il y a cinq ans par la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël, mais une série de développements, débutant avec la guerre contre Gaza durant l’hiver 2008-2009, ont stimulé le soutien à la campagne. Après le raid meurtrier d’Israël contre la Flottille de la Liberté pour Gaza, le 31 mai dernier, un certain nombre d’artistes réputés, notamment les "Pixies", Elvis Costello et Gorillaz, ont annulé leurs concerts en Israël. En août, 150 artistes plasticiens irlandais ont également promis de ne pas se produire en Israël, mais ce sont les musiciens qui se sont montrés les plus éminents partisans du boycott.
Leurs points de vue ne sont pas unanimes, cependant. D’autres musiciens, d’Elton John et Diana Krall (l’épouse de Costello) à Placebo et John Lydon, ont refusé d’annuler leurs dates de concerts en Israël. Certains insistent en affirmant qu’un engagement avec Israël est plus productif – position que rejette Del Naja. « On nous a demandé de jouer en Israël et nous avons refusé. » dit-il. « La question qui nous a été posée : "Si vous n’y jouez pas, comment pouvez-vous y aller et changer les choses ?" ». J’ai répondu : "Ecoutez, je ne peux pas jouer en Israël quand les Palestiniens n’ont pas accès aux mêmes avantages que les Israéliens". Je pense que la meilleure approche est de boycotter un gouvernement qui semble décidé pour des politiques destructrices. Et c’est triste, parce que nous avons rencontré des gens formidables en Israël, et c’est une décision difficile à prendre. »
Au-delà du monde des arts, un nombre croissant d’organisations syndicales, de syndicats d’étudiants et d’Eglises sont en train de s’impliquer dans le mouvement pour le Boycott, les Sanctions et le Désinvestissement (BDS). Même un groupe basé en Israël, "Boycott de l’intérieur", soutient la campagne, déclarant que « l’agenda politique du gouvernement ne changera que lorsque le prix pour le maintien du statu quo deviendra trop élevé… parce les niveaux actuels d’apathie dans notre société rendent cette initiative indispensable ».
« Nous n’allons pas arriver à une libération sous peu de temps, » concède Del Naja, mais pour lui, la question est de faire « pression, une pression permanente nécessaire ». Et la menace d’un isolement international d’Israël et de répercussions économiques commencent manifestement à porter leurs fruits : le parlement israélien, la Knesset, a récemment voté en première lecture, un projet de loi qui imposera de lourdes amendes à tout citoyen israélien qui lancerait ou soutiendrait un boycott contre Israël, et un autre projet, pour interdire aux étrangers – tel Del Naja – qui agissent de même, d’entrer en Israël pendant dix ans.
« Le boycott n’est pas un acte d’agression contre le peuple israélien, » dit-il. « Mais contre son gouvernement et sa politique. Il est nécessaire de le rappeler à chacune et chacun, car il est très facile de se faire accuser d’être un antisémite, alors que ce n’est pas du tout le sujet. »
William Parry a écrit : « Contre le Mur : l’art de la résistance en Palestine », publié par Pluto Press (Grande-Bretagne, £14,99)
traduction : JPP
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