Frédéric Burnand
En partenariat avec SwissinfoUn an après l’offensive israélienne à Gaza, toujours contrôlé par le Hamas, une cinquantaine de parlementaires européens dénoncent le blocus du territoire palestinien.
Forts de cette visite, les parlementaires vont exiger la fin du blocus mené par Israël et l’Egypte. Une démarche appuyée entre autre par Amnesty International :
« Israël soutient que le blocus de Gaza, en vigueur depuis juin 2007, répond aux attaques à la roquette que des groupes armés palestiniens ont menées sans discrimination sur le sud d’Israël à partir de la bande de Gaza.
Le fait est qu’au lieu de viser des groupes armés, ce blocus punit toute la population de la bande de Gaza en imposant des restrictions aux livraisons de nourriture, de médicaments, de fournitures scolaires et de matériaux de construction. »
Une population asphyxiée par le blocus
L’opération Plomb durci menée par l’armée israélienne du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009 n’a fait qu’accentuer à l’extrême l’isolement et le dénuement de la bande de Gaza où vivent près d’1,5 millions d’habitants.
Résultat, selon Amnesty International :
« Le blocus asphyxie la population, dont plus de la moitié est constituée d’enfants, dans pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne. On ne peut laisser se poursuivre l’isolement et la souffrance dans lesquels elle est de plus en plus plongée. »
Des parlementaires à Gaza, c’est utile ?
Ancien diplomate suisse au Proche-Orient, Yves Besson doute fortement que la mobilisation des parlementaires ait un quelconque effet sur le terrain :
« Cela fait au moins 30 ans que ça dure. Ce genre d’action ne mène à rien. J’en ai pourtant croisé des parlementaires quand j’étais directeur de l » agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNWRA) à Jérusalem de 1990 à 1992. »
Un doute que partage l’élu suisse Joseph Zisyadis, membre de la délégation européenne :
« Je me pose chaque fois cette question avant de partir. Mais à chacun de mes retours, j’ai l’intime conviction qu’il est indispensable que les habitants de Gaza et les Palestiniens en général ne se sentent pas abandonnés.
Les responsables et les habitants que nous rencontrons nous le disent à chaque fois : notre présence est une bouffée d’oxygène. »
Joseph Zisyadis souligne un autre bienfait à ses intrusions de parlementaires dans le huis-clos de Gaza :
« Je n’ose pas imaginer ce qui se passerait si nous ne menions pas ce genre d’actions. Ces voyages de solidarité constituent une pression sur les autorités israéliennes et égyptiennes responsables du blocus. »
Une évaluation positive que donne également Robert Malley, un ancien diplomate à l’époque de l’administration Clinton, devenu responsable du programme Proche-Orient à l’International Crisis Group, un think-tank basé à Bruxelles :
« Tout ce qui peut rappeler au monde la réalité de la situation à Gaza - un territoire frappé par un scandale humanitaire et une cécité politique - est le bienvenu. C’est donc une bonne idée que des parlementaires forcent le passage pour se rendre à Gaza et insistent sur la nécessité d’agir. »
Pas les moyens de transformer ce mécontentement en mouvement politique
Car pour l’heure, l’impasse est totale, selon l’ancien conseiller du président Clinton pour le Proche-Orient :
« Cela fait un an que la guerre est terminée. Aucune des causes directes ou profondes de la confrontation de décembre 2008 n’a été empoignée. Le blocus demeure en place. Le Hamas n’est pas en mesure de gouverner Gaza.
Il est donc tenté par d’autres solutions. Israël reste inquiet, vu la quantité d’armes qui est introduite à Gaza. L’échange de prisonniers n’a toujours pas eu lieu. Il n’y a pas de cessez-le-feu formel entre les deux parties.[…]
La continuation du blocus alimente le mécontentement populaire. Mais il renforce l’emprise du Hamas sur la bande de Gaza. A force d’assécher les échanges économiques et commerciaux, le monopole retombe dans les mains de ceux-là même qu’on cherche à affaiblir, soit le Hamas.[…]
Quant bien même la population se retournerait politiquement contre le Hamas, ajoute le chercheur américain, elle n’a pas les moyens de transformer ce mécontentement en mouvement politique. Pendant ce temps, l’emprise du Hamas s’approfondit. »
Robert Malley salue donc au passage la diplomatie suisse et sa volonté de maintenir le dialogue avec toutes les parties, y compris le Hamas, un parti qui figure sur la liste européenne des organisations terroristes.
« Cette ouverture est essentielle, alors que le paysage politique des deux parties est plus émietté que jamais. On ne peut plus privilégier certains interlocuteurs (comme le Fatah, ndlr), puisqu’ils ne sont plus en mesure de conduire les événements sur le terrain. »
Revenir aux négocations, à quoi bon ?
L’impasse à Gaza est d’ailleurs à l’image de l’ensemble du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, selon Robert Malley :
« Aux Etats-Unis et en Europe, il y a une forte volonté d’en revenir aux négociations. Mais à quoi bon, répondent les principaux intéressés.
Israéliens et Palestiniens sont en effet désabusés à la fois sur la méthode de négociations entre les deux parties et sur l’objectif, soit un accord de statut final qui résoudrait tous les problèmes. »
Et le chercheur de préciser :
« Aujourd’hui, les Palestiniens estiment que la paix doit être imposée par la communauté internationale. Les Israéliens, eux, disent qu’on ne peut pas obtenir une paix totale et qu’il faut donc y aller par étapes.
Ces conclusions sont aux antipodes l’une de l’autre. Mais le constat de départ est identique : il faut une méthode, des instruments et des objectifs nouveaux, sans quoi on va répéter un processus qui s’est révélé très couteux pour les deux parties. »
Swissinfo publié par Rue89