Voici une leçon courte mais fascinante sur la démocratie, l’égalité et la co-existence à la sauce israélienne.
- Un jeune palestinien est détenu par la police israélienne à l’entrée du village de Kafr Kana - Photo : Reuters/Ammar Awa
Comment le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait-il réagi si Nir avait été abattu dans le dos par la police ? Netanyahu se serait-il engagé à examiner la possibilité de révoquer la citoyenneté des membres de la secte juive fanatique, comme il l’a fait avec les Palestiniens qui ont été impliqués dans des manifestations violentes ? Est-ce que le ministre du Commerce et de l’Économie, Naftali Bennett, aurait fait l’éloge des policiers qui ont abattu Nir et se serait-il empressé de les défendre, avant même que l’unité du ministère de la Justice chargée des enquêtes dans police ait décidé si tirer dans le dos du jeune homme était justifié ou pas ?
Les réactions des membres arabes de la Knesset étaient, bien sûr, tout à fait différentes. Le député Ahmed Tibi a affirmé que l’assassinat de Hamdan était typique de l’attitude des policiers envers les citoyens arabes traités comme des « ennemis qui doivent être détruits ». Tibi ne faisait aucune révélation. Une commission d’enquête nommée par le gouvernement exactement 14 ans avant l’incident fatal à Kafr Kana avait conclu que « la police doit imprégner ses policiers avec l’idée que le public arabe en général n’est pas leur ennemi, et qu’il ne doit pas être traité comme un ennemi. »
La commission dirigée par l’ancien juge de la Cour suprême Théodore Or, avait enquêté sur les événements d’octobre 2000 durant lesquels 13 Israéliens arabes avaient été tués par des tirs directs de la police. En 2003, ses membres ont recommandé « d’imprégner tous les échelons de la police sur l’importance d’une conduite équilibrée et modérée dans ses relations avec la population arabe. »
Les images de l’incident à Kafr Kana, et son résultat terrible, ne montrent vraiment pas de « conduite équilibrée et modérée » de la police dans ses relations avec les citoyens arabes. Selon une publication le mois dernier du Centre Mossawa pour les droits des citoyens arabes d’Israël, Hamdan est le 49e arabe israélien à être tué par des coups de feu de la police, de soldats ou de citoyens juifs, depuis les émeutes d’octobre 2000 .
Dans deux cas seulement les policiers ont été reconnus coupables et condamnés à de très courtes peines d’emprisonnement - l’un prenant six mois, l’autre 30 mois. Ce jugement avait été précédé par la décision du procureur général Menahem Mazouz de rejeter les plaintes contre tous les policiers soupçonnés dans le meurtre des 13 citoyens arabes dans les manifestations de l’année 2000.
L’Institut de la démocratie en Israël, qui a examiné les éléments de preuve dans trois des principaux cas, avait déterminé que la décision de ne pas poursuivre les policiers « faute de preuves » ne se justifiait pas, et l’unité d’enquête de la police du ministère de la Justice comme le bureau du procureur de la République n’ont pas poussé l’enquête jusqu’à son terme.
Pour beaucoup dans la population arabe, les événements d’octobre 2000 et la décision de rejeter les plaintes ont représenté un tournant dans leur attitude envers Israël. Les arrestations massives d’Israéliens arabes, leur « détention préventive », les procès collectifs, l’usage de la violence et l’infiltration d’agents pour contrecarrer les manifestations contre la guerre [de cet été] dans la bande de Gaza, ont indiqué très clairement que la police n’a pas vraiment compris que la population arabe n’est pas un ennemi. L’inspiration des policiers à la gâchette facile, comme des jeunes arabes lanceurs de pierres, vient de haut.
Les flics juifs et la jeunesse arabe savent qu’il y a des ministres dans le cabinet Netanyahu, dont le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman et le ministre de l’Intérieur Yitzhak Aharonovich en charge de la police, dont le parti appelle clairement à la suppression de la citoyenneté israélienne des citoyens arabes.
Ils apprennent dans les journaux que la Knesset a décidé de punir les arabes qui marquent la journée de commémoration de la Nakba. Ils ont suivi à la télévision le débat à la Knesset où il a été décidé de suspendre la députée Haneen Zoabi pendant une longue période pour avoir insulté un policier, tandis que les membres juifs de la même Knesset déambulent sans interruption sur le Mont du Temple [[de son vrai nom, l’Esplanade des Mosquées - NdT] ], risquant de mettre le feu au pays.
Ils ont entendu également que les membres de la Knesset sont en train de comploter pour effacer la langue arabe des documents officiels de l’État.
On ne peut guère attendre de ce gouvernement qu’il adopte les recommandations de la Commission Or et trouve les moyens de renforcer le sentiment d’appartenance à l’État par l’ajout d’événements et symboles officiels qui, eux aussi, pourraient permettre aux citoyens arabes de se reconnaître.
La déclaration prétendument évidente que l’État est non seulement juif, mais aussi démocratique et que le principe d’égalité et l’interdiction de la discrimination s’appliquent à tous ses citoyens - est apparemment inacceptable pour de nombreux membres de la Knesset. Mais, comme la Commission Or l’avait noté : « l’État et ses gouvernements successifs ont échoué à traiter profondément et largement avec les problèmes difficiles posés par l’existence d’une forte minorité arabe au sein de l’État juif. »
La négligence et la privation, particulièrement lorsqu’il est question de l’affectation des ressources de l’État, ainsi que dans l’application de la loi, alimentent les radicaux nationalistes et religieux dans la population arabe qui en arrive à considérer Israël comme un ennemi.
Ce sentiment est renforcé par des sentiments naturels de solidarité de la part des Israéliens arabes avec leurs frères palestiniens dans les territoires qui ont perdu tout espoir de secouer le joug de l’occupation. Il suffit d’un seul policier totalement irresponsable qui obtient le soutien automatique de dirigeants tout aussi irresponsables, pour déclencher une conflagration majeure. Les feux ne s’arrêtent guère aux frontières religieuses ou nationales et cet incendie en particulier peut tous nous consumer.