Le mois dernier, lors de la célébration du Nouvel An Juif, les responsables Israéliens ont été piégés par leur mensonge révélateur. Peu de temps après avoir déclaré que le prénom masculin le plus populaire en Israël était « Youcef, » le ministère de l’intérieur a été contraint d’admettre que la première place revient en fait au prénom « Mohamed. »
- Viendra le jour où un historien parviendra à inventer un mot qui décrit la stratégie propre à Israël qu’est la destruction progressive du peuple Palestinien (MEE)
Les deux incidents ont servi de rappel de l’extraordinaire pouvoir d’un seul mot.
La plupart des Israéliens ont du mal à envisager la possibilité que leur état Juif puisse produire plus de Mohamed que de Moshe. Parallèlement, et paradoxalement, Israël peut indiquer le nombre élevé des « Mohamed » pour démontrer qu’au pire, son objectif est d’éradiquer la diffusion d’un prénom Musulman, certainement pas ses porteurs.
Aussi bouleversant soit-il, le massacre de Gaza qui a coûté la vie à des centaines d’innocents est loin du massacre à l’échelle industrielle commis par l’Holocauste Nazi.
Ainsi, il n’y a aucune exagération dans l’idée qui suppose qu’Israël est en train de commettre un génocide. Le mois dernier, et au sujet de la récente attaque israélienne contre Gaza, un « jury » composé de spécialistes du droit international au tribunal populaire, connu sous l’appellation du Tribunal Russell, a conclu qu’Israël était coupable d’ « incitation au génocide. »
Le jury a soutenu que la punition collective des Palestiniens à long terme semble être conçue pour « infliger des conditions d’existence devant entraîner une destruction progressive des Palestiniens en tant que groupe. »
Pour cela, le tribunal a délibérément utilisé le même langage autrefois adopté par Raphaël Lemkin, un avocat Juif Polonais qui, après avoir fui l’Europe Nazie, a réussi à introduire le terme « génocide » dans le droit international.
Lemkin et les rédacteurs de la convention de l’ONU ont compris que pour commettre un génocide, il ne suffit pas d’avoir des camps de la mort ; le génocide peut en effet être accompli progressivement au moyen de négligence et d’abus intentionnel et systématique. Leur définition soulève des questions troublantes sur le traitement d’Israël envers Gaza, indépendamment des attaques militaires. Est-ce que, par exemple, le fait d’obliger les deux millions d’habitants de l’enclave de vivre sur les aquifères pollués avec l’eau de mer constitue-t-il un génocide ?
Le véritable problème de l’utilisation par Abbas du terme - puisqu’il va à l’encontre des notions populaires sur le génocide - est qu’il est devenu une cible facile des critiques. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé le leader Palestinien de « provocation. » La gauche israélienne a, quant à elle, décrié cette exagération fantaisiste et inutile.
Mais les critiques ont mis la pression et ont contribué à enflammer plutôt qu’à éclairer.
Des experts comme Richard Falk et John Dugard, n’ont pas été les seuls à définir et à placer les actions d’Israël dans le contexte du génocide, d’éminents spécialistes et intellectuels israéliens le pensent également. D’ailleurs, feu Baruch Kimmerling avait inventé le mot « politicide » afin de faire prudemment passer l’idée d’un génocide israélien contre les Palestiniens.
Israël a néanmoins réussi à se protéger du lexique qu’on emploie pour critiquer des situations comparables qui surviennent partout dans le monde.
Dans les conflits où l’expulsion de groupes ethniques ou nationaux se produit, l’action est à juste titre identifiée comme nettoyage ethnique. Toutefois, dans le cas d’Israël, des historiens respectables tergiversent encore sur les évènements de 1948, même si plus de 80% des Palestiniens ont été expulsés par Israël qui s’apprêtait à créer un état Juif sur leur patrie.
De même pour l’ « apartheid. » Pendant des décennies, celui qui osait employer ce terme pour désigner Israël était écarté et décrié comme extrémiste ou antisémite. C’est seulement au fil des dernières années que le mot s’est imposé de façon timide et ce, principalement grâce à l’ancien président Américain, Jimmy Carter.
Et même dans ce cas, le mot « apartheid » est principalement utilisé comme un avertissement plutôt qu’une description du comportement d’Israël : les fervents partisans de la solution de deux états affirment qu’Israël est en danger de devenir à n’importe quel moment un état d’apartheid s’il ne se sépare pas des Palestiniens.
Au lieu de cela, on nous demande de nous contenter de l’étiquette « occupation. » Mais cela implique un état de choses temporaire, une transition avant le retour à la normale – exactement le contraire de ce qui se passe à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza où l’occupation s’enracine, se métamorphose et se multiplie tel des cellules cancéreuses.
Les gardiens du lexique critique nous dépouillent d’une terminologie qui décrit la réalité épouvantable que vivent les Palestiniens en tant que groupe national et pas seulement en tant qu’individus. En vérité, la stratégie d’Israël se constitue de variantes de nettoyage ethnique, d’apartheid et de génocide.
Les observateurs, y compris l’Union Européenne, bien qu’ils préfèrent utiliser le concept le moins courant de « transfert par la force », reconnaissent et admettent qu’Israël poursuit le nettoyage ethnique des Palestiniens de la soi-disant zone C, presque les deux-tiers de la Cisjordanie, c’est-à-dire la majeure partie qui servira d’un possible état Palestinien dans l’avenir.
Afin d’éviter toute ressemblance avec l’Afrique du Sud et en tentant de dissimuler en partie les aspects visuels de la ségrégation qui lui ont été attribués [à l’Afrique du Sud], Israël a maîtrisé et a développé un apartheid sophistiqué qui s’empare des ressources [à l’instar de son fameux cousin] destinées essentiellement à un seul groupe ethnique national, en l’occurrence les Juifs et ce, au détriment d’un autre groupe qui est les Palestiniens.
Mais contrairement à l’apartheid de l’Afrique du Sud, dont les systèmes institutionnel et juridique sont progressivement devenus apathiques et encombrants, ceux d’Israël demeurent dynamiques et réactifs. Une poignée d’observateurs savent, par exemple, que presque tous les terrains résidentiels en Israël sont interdits d’accès aux citoyens Palestiniens, une mesure appliquée par des comités de contrôle sanctionnés récemment par les tribunaux israéliens.
Et que dire d’un plan qui vient d’être divulgué par les médias israéliens indiquant que Netanyahu et ses alliés complotent secrètement pour obliger les Palestiniens à se déplacer vers le Sinaï, avec des pressions directes des Etats-Unis pour forcer la main aux Egyptiens et les amener à trouver un accord ? Si cela s’avérait, on comprendra mieux les campagnes de bombardement des six dernières années plutôt que les opérations d’assouplissement qui précèdent une expulsion de masse des habitants de Gaza.
Une telle politique correspondrait parfaitement à la définition du génocide de Lemkin.
Viendra sans doute le jour où un historien inventera un mot pour décrire la stratégie propre à Israël qu’est la destruction progressive du peuple Palestinien.
Malheureusement, il serait peut-être trop tard pour aider les Palestiniens.