Par Dan Israel le 07/11/2011
Diffusés par erreur aux journalistes pendant le G20, ces propos sont restés "off"
C'était
une conversation franche, entre chefs d'Etat, à propos d'un autre
dirigeant. Echange à bâtons rompus, et à huis-clos. Enfin, qui aurait dû
rester à huis-clos. C'était sans compter sur une maladresse de
l'organisation, et la curiosité de quelques journalistes. Révélations
sur deux petites phrases qui voguent bien loin du langage habituellement
policé des sommets diplomatiques.
Jeudi 3 novembre, lors du sommet du G20 à Cannes, Nicolas Sarkozy rencontrait Barack Obama lors d'un "entretien bilatéral".
Comme il est d'usage, Les deux hommes ont fait face aux journalistes,
mais ont aussi discuté en privé, dans une pièce à part, loin des
oreilles indiscrètes, afin de pouvoir se libérer de toute retenue
diplomatique. Cela a été le cas, mais pour la discrétion, c'est raté.
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Selon nos informations, les deux présidents ont laissé de côté toute
retenue à propos du délicat dossier des relations
israélo-palestiniennes. Obama a d'abord reproché à Sarkozy de ne pas
l'avoir prévenu qu'il allait voter en faveur de l'adhésion de la
Palestine à l'Unesco, alors que les Etats-Unis y étaient fermement
opposés. La conversation a ensuite dérivé sur Benyamin Nétanyahou, le
Premier ministre israélien. Sûrs de ne pas être entendus, les deux
présidents se sont lâchés. "Je ne peux plus le voir, c'est un menteur", a lancé Sarkozy. "Tu en as marre de lui, mais moi, je dois traiter avec lui tous les jours !", a rétorqué Obama, qui a ensuite demandé à Sarkozy d'essayer de convaincre les Palestiniens de mettre la pédale douce sur leur demande d'adhésion à l'ONU.
On n'imagine pas des phrases si franches lancées officiellement, bien
sûr. Que s'est-il passé pour qu'elles parviennent jusqu'aux oreilles de
l'équipe d'@si ? Selon nos informations, plusieurs journalistes ont pu
entendre quelques minutes de la conversation "off" entre les chefs
d'Etat, en raison d'une erreur des services de l'Elysée. Pendant que les
présidents discutaient, les journalistes se sont vu remettre les
boîtiers qui devaient permettre la traduction de leurs propos, une fois
qu'ils seraient prêts à répondre à la presse. Une voix bien intentionnée
a cru bon de préciser que les casques n'étaient pas distribués, parce
qu'ils auraient permis de suivre la conversation à huis-clos en train de
se dérouler !
Ni une ni deux, une demi-douzaine de journalistes ont empoigné leurs
oreillettes de téléphones portables ou leurs casques pour les brancher
sur les boitiers. "Le temps que les services de l'Elysée s'en rendent compte, il a bien dû se dérouler trois minutes", raconte un journaliste présent, mais qui n'a pas eu le temps de bénéficier de ce coup de chance.
A notre connaissance, ces propos explosifs, dont l'existence ou la
teneur nous ont été confirmés par plusieurs journalistes, ne sont pas
parus dans la presse (mais ils ont été mentionnés en une phrase sur le blog d'Arnaud Leparmentier, du Monde). Les journalistes présents se sont en effet mis d'accord pour ne pas les exploiter : "Nous n'avons rien enregistré, et les utiliser revenait à reconnaître qu'on avait triché, explique l'un d'eux. De plus, cela aurait gravement mis en difficulté les personnes chargées de l'organisation." Un membre de la hiérarchie d'un média confirme :"Il
y a eu des discussions entre les journalistes sur place, qui sont
convenus de ne rien en faire. C'est un sujet un peu sensible : il est
embêtant de ne pas faire état de ces informations, mais en même temps,
nous sommes soumis à des règles déontologiques précises, et diffuser ces
phrases revenait à les enfreindre."