Le Conseil de Sécurité se retrouve aujourd’hui pour
poursuivre les tractations sur l’adhésion de la Palestine
aux Nations-Unies, suite à la demande historique faite par
Abbass. Washington et Tel Aviv multiplient les pressions.
Les Palestiniens sortiront vainqueurs de toute façon, avec
un oui ou un non.
Ce n’était guère une
surprise. Lorsque les Palestiniens ont décidé de faire appel
aux Nations-Unies pour obtenir le statut d’un Etat membre à
part entière, ils l’avaient bien annoncé assez tôt pour
mettre chacun devant ses responsabilités. Le président Barak
Obama, le messie qui venait sauver l’Amérique des péchés de
Bush, en avait lui aussi fait un objectif à atteindre
avant 2011.
Le président américain
croyait surtout qu’il aurait et le temps et le poids pour
convaincre son allié et favori de l’Amérique de signer un
nouveau texte avec les Palestiniens. Il croyait avec
l’innocence du « fresh graduate » qu’il serait mieux que son
prédécesseur. Le processus de paix s’est avéré, aussi sans
aucune surprise, un fiasco. Israël a continué dans sa propre
logique sécuritaire et a poursuivi la colonisation dans les
territoires occupés, au profit d’une décontraction dans ses
relations avec un locataire de la Maison Blanche, très peu
gêné par l’état des choses. La démission de George Mitchell,
envoyé spécial d’Obama dans la région, n’est que synonyme de
cet échec des négociations. « Bibi » et Obama ne sont pas
cependant en bons termes. Netanyahu mobilise le lobby juif
et du coup le Congrès contre lui. « Cela n’a d’ailleurs rien
changé sur le terrain », comme l’écrit le politologue Alaa
Bayoumi dans sa recherche sur le « lobby israélien et la
démarche palestinienne à l’Onu ». Il rappelle pourtant que
selon un sondage publié en mai dernier par le Jerusalem
Post, 12 % des Israéliens estiment qu’Obama soutient Israël
alors qu’ils étaient 31 % avant le discours du président
américain au Caire en 2009.
Baisse de popularité aussi
chez la « sulta » palestinienne de Mahmoud Abbass. Un
président de plus en plus fragilisé par le blocage des
négociations et par la chute de son parrain égyptien.
Rien n’est, encore une fois,
surprenant. La recette fut similaire pendant des années. La
mutation est venue de l’extérieur. Américains et Israéliens
l’ont observé, l’examinent, se méfient peut-être, ajustent
encore leurs plans, mais les Palestiniens l’ont saisi.
Le printemps arabe. C’est
le mot de passe qui a poussé le Fatah d’Abou-Mazen et le
Hamas à signer une réconciliation, d’ailleurs froide. Même
si les préparatifs palestiniens pour une visite à New York
datent d’avant les changements arabes, comme l’a confirmé un
diplomate palestinien à Al-Ahram Hebdo il y a plusieurs mois,
ces régimes qui s’écroulent ont encouragé l’Autorité
palestinienne dans sa démarche. Le moment est certes propice.
Pas aux yeux de Washington qui brandit sa menace du veto «
protecteur » d’Israël. Obama souhaiterait à tout prix
l’éviter. Il ne voudrait pas s’attirer les foudres d’une rue
arabe en marche vers la démocratie et déjà irritée par les
positions américaines vacillatoires envers les dictateurs
Moubarak, Ben Ali, Saleh et autres.
Un discours « plein de mensonges »
Le premier ministre
israélien a prononcé un discours qu’il est facile de
qualifier de raciste. « plein de mensonges » comme le décrit
le quotidien israélien Haaretz. Un discours-riposte, décousu,
bouclé à l’évidence en quelques instants, comme le
soulignent les analystes. Bibi retenait à peine sa rage et
fulminait contre l’islam en se posant en défenseur absolu du
monde non musulman, et donc le barrage contre cet islam
militant, sans oublier bien sûr les fantasmes sionistes de
voir l’Iran assiégé par la communauté internationale. Il
mélange toutes les sauces Kadhafi, Saddam, Hezbollah et
n’hésite pas à dire du « printemps arabe » qu’il tournera en
« hiver nucléaire » avant de s’en prendre aux Palestiniens
car « ils incriminent la vente de leurs terres aux juifs »
!! Parce que les terres confisquées en Cisjordanie et à
Jérusalem ne lui suffisent pas pour implanter des colonies
juives ou soit disant des espaces verts. Un discours
fanatique dans lequel il exige la reconnaissance d’Israël
comme « Etat juif ». Cela équivaut à un non-retour des
réfugiés chassés par Israël depuis 1948 et peut facilement
se transformer en une demande d’indemnisations par les
Palestiniens pour avoir « occupé leurs terres et utilisé
leurs eaux », selon Haaretz.
Abbass, lui, en dépit de
certaines phrases assez longues, a prononcé son « premier
discours politique ». Beaucoup moins charismatique que celui
d’Arafat porteur du « Rameau de l’olivier et du pistolet ».
Il a usé d’assurance, de références, de dates, de
détermination, en faveur de la paix, dans une allocution
interrompue plusieurs fois par les applaudissements.
Les Palestiniens ne risquent rien
Pourquoi Abbass a saisi les
Nations-Unies ? Les analyses ne manquent pas. Faire pression
sur Israël pour un retour à la table, sauver son pouvoir qui
s’écroule ? Une démarche symbolique ? Sur le fond, les
Palestiniens ne risquent rien. La Palestine est reconnue par
131 pays du monde. Elle est membre de la Ligue arabe, de
l’Organisation de la Conférence islamique, du G77… et jouit
du statut d’« entité » aux Nations-Unies et donc bénéficie
d’une invitation permanente « à participer en qualité
d’observateur aux sessions et aux travaux de l’Assemblée
générale ». Elle peut présenter des motions sur les
questions relatives à la Palestine. Elle est pourtant
invitée à assister aux réunions du Conseil de sécurité en
fonction de l’article 38 (état membre de l’Onu et non membre
du Conseil) et non en fonction de l’article 39 (entité ou
individu) lorsque le sujet de discussion concerne le Proche-Orient.
Elle n’a pas « le droit de vote ». « Concrètement, la
Palestine est reconnue. La cause de son peuple et la terre
qu’il revendique est déclarée sous occupation israélienne »,
explique l’avocat palestino-jordanien Anis Qassem. Ce n’est
donc pas la reconnaissance que cherchent les Palestiniens. «
Devenir membre, c’est passer d’un territoire occupé à un
Etat sous occupation. C’est être protégé par cette
institution et s’en servir en tant que créneau », estime
Qassem dans une étude publiée par le Centre arabe des
recherches politiques à Doha. Mais, c’est surtout accéder à
la Cour pénale internationale. Jusqu’à maintenant, cette
Cour n’a pas la capacité juridique de se prononcer sur les
crimes du conflit israélo-palestinien, car Israël n’a pas
ratifié le statut fondateur de Rome, et la Palestine n’est
pas reconnue comme un Etat. « Des poursuites
juridiques », c’est ce que craint le plus l’Etat hébreu.
Après la demande d’adhésion déposée par Abbass au secrétaire
général, le Conseil de Sécurité s’est réuni à huit clos dans
la nuit de lundi à mardi et se retrouvera ce mercredi afin
de décider de la remise ou non de la demande palestinienne
au comité d’experts du Conseil pour examiner le dossier. Une
réunion informelle est prévue vendredi. Et n’importe quel
pays des 15 membres pourrait appeler au vote avec un avis de
24 heures. Le Liban qui préside la session serait le plus
probable à le faire. Théoriquement, le dossier est complet,
plus intègre qu’est le dossier israélien. « une population
permanente, un territoire défini, un gouvernement et la
capacité à entrer en relation avec les autres Etats ». La
Jordanie a pourtant passé environ 10 ans pour être reconnue,
le Koweït aussi s’est vu opposé un veto au début.
Indépendamment du veto américain, la Palestine a besoin de 9
voix sur les 15 du Conseil pour être reconnue. Six sont déjà
en poche. La direction palestinienne a fait savoir qu’en cas
d’échec, elle pourrait user de l’option d’un vote direct à
l’Assemblée générale. Américains, Israéliens et Européens
aussi, ceux qui s’opposent au droit, sont peut-être appelés
à revoir leurs positions. Une deuxième lecture de la
Palestine. Tous avaient mal lu la rue arabe. Tous avaient
écarté des soulèvements, des mobilisations de masse. La
jeunesse en Egypte, en Tunisie ou en Syrie a son équivalent
en Palestine. Les jeunes du Fatah, du Front populaire, du
Hamas ne sont pas satisfaits de leur chef et le pouvoir
d’Abbass diffère peu de ces confrères qui tombent l’un après
l’autre dans le monde arabe. Les Palestiniens finiront-ils
par réagir ? Et ce ne serait guère une surprise.
Samar Al-Gamal