Jacqueline Lecorre
OPINION :
"il ne peut y avoir de lutte efficace pour l’émancipation des peuples, qu’internationale."
Le but de la Flottille, notre but, est de briser le siège imposé à la Bande de Gaza par Israël avec la complicité des « grandes » puissances. Il n’est donc pas modeste, on pourrait même dire qu’il est présomptueux étant donné le rapport des forces en présence.
Plusieurs tentatives en ce sens ont eu lieu ces dernières années, par la mer : « Gaza, we are coming » , le « Bateau juif » , la « Flottille n° 1 » , et par la terre : « la Marche pour la liberté de Gaza » à partir du Caire et de Jérusalem.
Cette fois-ci nous avons préparé de longue date et à une échelle aussi internationale que possible, une grande campagne populaire de recueil de dons qui a abouti à l’achat de 10 bateaux qui devaient voguer ensemble vers Gaza avec plusieurs centaines de militants de 22 nationalités, à partir de la Grèce où ils s’étaient donné rendez-vous.
La campagne française ayant été particulièrement fructueuse, nous avons pu acheter un 2è bateau.
Le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, en relation avec les collectifs locaux, ont organisé un RV à Athènes le 26 juin pour tous les militants qui devaient embarquer.
Hélas, au fil de la semaine qui a suivi, nous avons constaté que le gouvernement grec avait subi de telles pressions, qu’il nous interdisait le départ de ses ports. En outre, 2 bateaux furent sabotés par les services israéliens.
Ne restait plus que le 2è bateau français « Dignité-Karama » qui mouillait incognito au large d’une île, à quelques encablures d’Athènes. J’eus la chance de pouvoir monter à bord avec 8 autres militants et 3 membres d’équipage, en tant que « médecin du bateau » et représentante du Collectif Palestine 14. Comme on peut l’imaginer, la sélection fut difficile et douloureuse.
Ce bateau, portant pavillon français, leva l’ancre le 4 juillet à 4H30 du matin et navigua vers la Bande de Gaza, empruntant de nombreux détours et subissant plusieurs immobilisations forcées de la part des autorités grecques … jusqu’au 19 juillet, date de son arraisonnement illégal, de la part de l’armée israélienne.
A la faveur des escales, certains militants ou marins montèrent à bord, d’autres nous quittèrent. La composition de l’équipe « passagers » fut à géométrie variable, essayant de respecter un difficile équilibre entre les organisations qui composent le Collectif (associations, syndicats et partis politiques ). Deux député-e-s furent partie-prenante.
Une certaine dose « d’international » fut instillée puisque ce petit bateau représentait finalement toute la flottille.
Par ailleurs, deux journalistes d’Al-Jazeera et une célèbre journaliste israélienne nous rejoignirent en milieu de parcours.
A noter : nous bénéficiions de bons moyens techniques de communication : radio VHS, ordinateurs, téléphones satellites … que nous avons jetés à la mer à l’approche des bateaux de guerre israéliens, avant l’abordage.
Au cours du voyage, qui durait plus longtemps que prévu, se sont dessinés deux « courants d’intention » , autant parmi les passagers que parmi l’équipe de la campagne française, à Paris, qu’au sein du Comité de pilotage international ( nous communiquions avec eux par Skype ).
Le 1er courant estimait que l’aventure avait assez duré, qu’elle commençait à coûter trop cher et qu’elle n’avait plus de pertinence à continuer, que les médias ne parlaient plus de nous, que c’étaient les vacances pour tout le monde.
Le 2è courant, par contre, était déterminé à aller aussi loin que possible, y compris par la ruse, pour s’approcher le plus possible des côtes de Gaza et faire prendre ses responsabilités à l’armée israélienne.
Grâce à la ténacité de ses partisans le 2è courant l’emporta : nous fûmes interceptés dans les eaux internationales, non loin de l’Égypte, à 40 miles de Gaza, ce qui constitue un acte de piraterie, par une armada de taille démesurée. Israël s’est ridiculisé.
Vue avec un peu de recul, la traversée ne fut pas toujours facile ; il y eu des tensions, il y eu des longueurs ; des doutes, des frustrations et des malentendus, parfois des conflits ( latents ou déclarés ).
Mais … de la résolution des conflits naît le progrès : nous avons avancé, nous avons fait avancer la cause que nous défendons. N’est-ce pas là l’essentiel ?
Je pense que le but politique est atteint, même si nous n’avons pas eu le plaisir de poser le pied sur la terre de Gaza et de serrer nos amis dans nos bras.
Et cette opération, nous l’avons menée de façon coordonnée, nationalement, entre organisations qui ne sont pas toujours prêtes à coopérer et à se respecter (et même en évitant, autant que faire se peut le parisiano-centrisme ! ) et surtout, internationalement, et c’est là l’aspect principal à mon avis : il ne peut y avoir de lutte efficace pour l’émancipation des peuples, qu’internationale.
Jacqueline Le Corre le 24 juillet 2011