Omar Radwan
Lors de l’arrestation du Cheikh Raed Salah , les organes de presse de Murdoch et David Cameron étaient parfaitement d’accord. Chacun était prêt à faire le sale boulot d’Israël.
Rupert et James Murdoch, devant une commission parlementaire britannique, le 19 juillet 2011. © LCI
Le scandale du piratage téléphonique qui a frappé la publication de Rupert Murdoch, News International, grossit de jour en jour et n’a pas l’air de se calmer. L’effet sur la politique britannique a été comparé à une révolution, très calme toutefois, et on a utilisé l’expression de « printemps britannique ». Les gouvernements britanniques, aussi bien travaillistes que conservateurs, ont été à la botte de Rupert Murdoch et de son empire médiatique, s’efforçant continuellement de lui plaire et d’adapter les politiques à sa convenance.
Avant qu’il ne soit premier ministre, Tony Blair s’était rendu en Australie dans le seul but d’obtenir l’appui de Murdoch. Pour Blair, le soutien de News International et de publications telles que The Sun était capital s’il voulait remporter les élections. Ses successeurs, Gordon Brown et David Cameron étaient de même persuadés qu’il leur fallait continûment garder Murdoch dans leur camp. C’est ainsi que les journalistes de Murdoch avaient en permanence un accès spécial au 10 Downing Street leur permettant de sortir des « scoops » et des exclusivités.
Ceci n’était toutefois que la partie émergée de l’iceberg. Un des anciens assistants de Tony Blair prétend que celui-ci a donné à Murdoch un veto sur la politique européenne du gouvernement promettant à cet eurosceptique dur qu’aucun changement n’y serait apporté sans qu’il soit préalablement consulté. Quand Blair a indiqué qu’il approuverait l’infortunée constitution de l’Union en 2004 sans la soumettre à référendum, la presse de Murdoch s’est déchaînée contre lui l’accusant de trahison. Murdoch a menacé de priver Blair de son soutien aux élections suivantes et Blair a été obligé de faire volte-face et de promettre un référendum sur la question.
Après que le scandale du piratage téléphonique eut éclaté, le successeur immédiat de Blair, Gordon Brown, a dit devant le Parlement son angoisse lorsque News of the World, une publication de Murdoch, avait donné des détails sur la mucoviscidose de son jeune fils.
Cependant, l’influence de Murdoch était telle que Gordon Brown et son épouse se devaient d’entretenir des relations personnelles, chaleureuses avec l’éditrice en chef de News of the World, Rebekah Brooks, même après que celle-ci eut révélé la maladie de leur fils. Malgré cela, News International a enlevé son soutien au parti travailliste de Gordon Brown en 2009, au profit du parti conservateur et c’est à cela que Gordon Brown incrimine sa défaite aux élections de 2011 .
Quant à David Cameron, on a vu Murdoch sortir tranquillement de Downing Street par la porte arrière le lendemain des élections. Cameron a nommé Andy Coulson, ancien rédacteur de News of the Word comme directeur des communications. Jusqu’il y a quelques semaines, la position de Rupert Murdoch, l’homme le plus puissant de l’industrie médiatique de Grande-Bretagne et le faiseur de rois, semblait inattaquable.
Tout ceci a été bouleversé par le scandale du piratage téléphonique, scandale qui couvait depuis des années. En 2006, on a révélé qu’un journaliste du News of the World avait piraté les téléphones portables de membres de la famille royale, et en 2009 on a appris que les téléphones de célébrités et d’autres personnalités publiques avaient été mis sur écoute.
Cependant, il a fallu que l’on apprenne que le téléphone de Milly Dowler , une victime assassinée âgée de 13 ans, avait été piraté après son enlèvement et que ce piratage avait gêné l’enquête sur son assassinat, pour que le public soit scandalisé. Après cela, on a appris que les téléphones des soldats britanniques et des victimes de l’attaque du 7 juillet avaient également été piratés.
Du jour au lendemain, News of the World, jusque-là au sommet des ventes (bien que méprisé) est devenu un tabloïd toxique. Les annonceurs ont cessé de placer leur publicité dans le journal et celui-ci a été obligé de fermer le 8 juillet. Murdoch avait pensé que la fermeture de News of the World suffirait pour mettre fin au scandale et sauver la carrière de Rebekah Brooks, ancienne rédactrice en chef et directrice générale du journal que l’on a souvent appelé sa « cinquième fille ».
Cependant, les retombées du scandale ne faisaient que commencer. Brooks a été forcée de démissionner samedi. Elle a été arrêtée puis libérée en même temps qu’ Andy Coulson, qui en janvier 2011 avait démissionné comme directeur des communications de Cameron à cause des piratages téléphoniques. À la suite de l’indignation du public devant le scandale, l’établissement politique britannique, si longtemps sous la coupe des médias de Murdoch, s’est maintenant retourné contre le nabab des médias. Murdoch a été forcé de renoncer à prendre le contrôle total de BskyB, le plus grand organisme de radiodiffusion télévisuelle câblée de Grande-Bretagne. Lui et son fils James, ont été sommés de comparaître mardi devant le Parlement.
Murdoch a initialement refusé de répondre à la sommation, mais mardi, il a été forcé de céder et de connaître ce qu’il a appelé « le jour le plus humiliant de ma vie ». Le vendredi précédent, il avait fait des excuses en personne à la famille de Milly Dowler. Il y a un mois, personne n’aurait jamais pu imaginer que le tout-puissant Murdoch tomberait dans une telle disgrâce.
Le scandale a exposé au grand jour la relation confortable entre l’élite britannique et l’empire médiatique de Murdoch. C’est ce que l’on a vu lundi, lorsque que le chef de la police britannique, Paul Stephenson, a été obligé de démissionner à cause de ses liens avec News international, tout comme John Yates, le commissaire adjoint de la police métropolitaine qui n’avait pas fait d’enquête sur le piratage téléphonique révélé en 2009.
Mardi, Sean Hoare, journaliste à News of the World, qui avait dit qu’Andy Coulson était au courant du piratage téléphonique, a été retrouvé mort dans des circonstances mystérieuses. Le premier ministre, David Cameron, est de plus en plus assailli de toutes parts étant donné que Coulson était impliqué dans le scandale et il est peu probable qu’il s’en sortira indemne. Ce qui se passe en Grande-Bretagne est absolument sans précédent.
Les répercussions de ce scandale et de la disgrâce de Murdoch seront ressenties dans le monde entier. En ce qui concerne les Palestiniens, les mauvaises nouvelles pour Murdoch ne peuvent être que bonnes pour eux. Murdoch éprouve une profonde sympathie pour Israël et son hostilité à l’égard des Palestiniens est évidente. Son tabloïd est un champion de l’islamophobie et de l’incitation à la haine contre les Palestiniens.
C’est ce que l’on a pu voir récemment lorsque le Cheikh Raed Salah est arrivé en Grande-Bretagne et a été arrêté sous le prétexte fallacieux d’antisémitisme. Le Sun a mené la campagne de diffamation le traitant de « prédicateur de haine ». Concernant l’arrestation du Cheikh Raed Salah, David Cameron et les organes de presse de Murdoch étaient en cheville. L’un et l’autre étaient disposés à faire le sale boulot pour le compte d’Israël et à persécuter un homme innocent.
Au fil des années, il y a eu beaucoup d’autres occasions où la presse de Murdoch a diffusé de la haine, de la désinformation et des mensonges contre les Palestiniens. Le pire s’est sans doute produit pendant la guerre de Gaza de 2008-2009 : quand Israël a bombardé l’école Fakhoura le 6 janvier 2009 tuant des dizaines de Palestiniens qui s’y étaient réfugiés, la première page du Sun du lendemain a passé l’événement complètement sous silence.
Au lieu de quoi, il a publié une liste de cent britanniques juifs à abattre, notamment une personnalité de télévision, Alan Sugar ; cette liste avait été prétendument postée sur le site musulman Ummah.com. On a appris par la suite que ladite liste avait été "plantée" par un journaliste du Sun. L’expression « journalisme de caniveau » est faible pour décrire des actes aussi méprisables dont la liste est interminable.
Pendant les préparatifs de la guerre en Irak, la presse de Murdoch battait constamment le rappel en répétant à l’envi que l’Irak possédait des armes de destruction massive et qu’il était sur le point de les utiliser. Murdoch a toutefois admis ouvertement qu’il appuyait la guerre contre l’Irak parce qu’elle ferait chuter le cours du pétrole . À l’époque, seul Murdoch pouvait se permettre de faire une déclaration aussi impudente . Les activités méprisables de ses subordonnés l’ont à présent rattrapé et il a reçu un coup dévastateur qui a mis à jour la duplicité et l’hypocrisie de son empire. Sa mainmise sur les médias et la vie politique britannique est maintenant fortement affaiblie. Le public britannique exigera une presse plus responsable et les partisans de la cause palestinienne s’assureront que les nouvelles du Moyen-Orient soient rapportées de façon honnête et objective.
*Omar Radwan publie de nombreux articles dans le Middle East Monitor
20 juillet 2011 - Middle East Monitor - Cet article peut être consulté ici :
http://www.middleeastmonitor.org.uk...Traduction : Anne-Marie Goossens
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