Le directeur des affaires de désarmement à la Ligue arabe, Waël Al-Assad, évoque les dossiers nucléaires d’Israël et de l’Iran.
Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous les résultats de la dernière réunion des gouverneurs de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) ?
Waël Al-Assad : Plusieurs questions ont été soumises à cette réunion, dont le suivi de la résolution autour des capacités nucléaires israéliennes promulguées par la Conférence générale de l’agence en septembre dernier ainsi qu’un rapport sur l’Iran et un autre sur la Syrie. Le groupe arabe a présenté 3 communiqués autour de ces sujets. Le communiqué relatif aux capacités nucléaires israéliennes a mentionné que le refus du groupe occidental de soumettre la question au Conseil des gouverneurs n’est pas correct. En effet, le groupe occidental avait avancé qu’il était trop tôt pour cela. Cependant, le groupe arabe a répondu que la question est soumise spontanément tant qu’il y a une résolution de la Conférence générale de l’agence autour du sujet, et que la Conférence de révision du traité de non-prolifération des armes nucléaires avait invité Israël à signer ce traité. Le groupe arabe a également exprimé son regret que le directeur de l’AIEA, Yukiya Amano, n’ait pas pu présenter un rapport au Conseil des conservateurs. Amano a justifié sa position en déclarant que 17 pays seulement des 150 pays auxquels ont été envoyés des messages ont répondu et ont présenté leurs conceptions sur l’exécution de la résolution relative aux capacités nucléaires israéliennes. Il a promis de présenter un rapport sur le suivi de la résolution aux réunions du Conseil des gouverneurs et de la Conférence générale de l’agence en septembre prochain.
Le groupe arabe a soumis la question des capacités nucléaires israéliennes à la dernière réunion du Conseil des gouverneurs malgré le refus des pays occidentaux. C’est une chose positive qui se passe pour la première fois. C’est ainsi que le dossier est soumis à plusieurs niveaux au Conseil des gouverneurs, à la Conférence générale de l’agence et à la Conférence de suivi. Il reste que le secrétaire général de l’agence présente un rapport détaillé sur la question.
C’est la première fois que le sujet des capacités nucléaires israéliennes est abordé à l’AIEA et au Conseil des gouverneurs. Les prétextes que présentaient les pays occidentaux pour empêcher la discussion du sujet ont été réfutés par les pays arabes et les pays non-alignés. Ces prétextes sont sans fondement. Ils se basent sur le fait que les pays occidentaux ne veulent pas politiser les travaux de l’agence en soumettant la question d’Israël. Ceci exprime une véritable dualité des critères car l’Agence aborde les sujets de l’Iran, de la Corée et de la Syrie sans considérer qu’il s’agit d’une politisation. Toutes les institutions sont politisées. Nous devons tous le reconnaître. Il ne s’agit pas d’une agence technique seulement. Les pays membres y expriment leurs inquiétudes autour de questions ayant des répercussions politiques.
— Avez-vous d’autres preuves sur cette dualité de critères ?
— Les Etats-Unis défendent aveuglément Israël au sein de l’AIEA. Ils ne veulent pas qu’Israël soit cité nommément ou qu’on réclame sa signature du TNP. Ils prétendent que le fait de nommer Israël est une sorte de provocation. Ils prétendent aussi qu’il s’agit d’une affaire politique dans le cadre d’un conflit arabo-israélien. Nous pensons que cette question concerne toute la communauté internationale qui prétend vouloir réaliser l’universalité du traité à travers l’adhésion des trois pays qui ne l’ont pas encore signé, soit l’Inde, le Pakistan et Israël. Cependant, le cas d’Israël est différent des deux autres pays, car il s’agit du Moyen-Orient qui grouille de conflits et de litiges. Par conséquent, il ne peut y avoir de force nucléaire.
— Avez-vous remarqué ce parti pris lors de la dernière conférence de la révision du TNP à New York ?
— Oui, bien sûr. Signalons la feuille présentée conjointement par les Etats-Unis et la Russie au début de la conférence. Elle comprenait plusieurs demandes dont l’établissement d’un lien entre la création d’une région exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient et l’instauration de la paix dans la région et la résolution du conflit arabo-israélien, l’adhésion obligatoire des pays arabes au protocole additionnel pour la réalisation de l’accord des assurances globales de l’AIEA et la non-désignation du nom d’Israël précisément lors de la demande de l’adhésion des autres pays au TNP. Ceci confirme un alignement flagrant sur Israël.
Nous avons répondu que tous les pays arabes ont adhéré au traité alors que la paix ne s’était pas encore réalisée dans la région. Par conséquent, l’adhésion d’Israël au traité ne doit pas être liée à la réalisation de la paix. De plus, lier l’adhésion d’Israël au traité à la réalisation de la paix renforce l’idée que c’est l’arme nucléaire qui réalise la sécurité d’Israël. C’est une idée dangereuse, car elle signifie que les autres pays recourent aux armes nucléaires pour garantir leur sécurité.
En ce qui concerne l’adhésion obligatoire des pays arabes au protocole exemplaire additionnel pour l’application de l’accord des assurances globales de l’AIEA qui est le fondement juridique en vertu duquel les pays reçoivent la technologie nucléaire destinée aux utilisations pacifiques, les pays arabes confirment que cette adhésion ne doit pas être obligatoire. Nous avons signé plusieurs engagements. Nous refusons de signer de nouveaux engagements alors que d’autres pays comme Israël, bien qu’il n’ait même pas signé le TNP, obtiennent tous les aspects de coopération nucléaire ainsi que toutes les technologies nucléaires sans signer aucun engagement. Les signataires du traité n’obtiennent pas la moitié de ce qu’obtient un pays non-signataire. Nous refusons cette dualité des critères et ne signerons pas de nouveaux engagements.
D’autre part, nous avons insisté pour désigner Israël par son nom au cours de la Conférence de révision du TNP, afin de briser l’étau de protection dont il jouit dans les instances internationales. Ceci a suscité le mécontentement des Etats-Unis, car nous avons réussi à imposer cette orientation.
— Ceci signifie-t-il qu’il y a eu un conflit entre le groupe arabe et les Etats-Unis à cause des tentatives d’occulter le nom d’Israël du document final de la Conférence de la révision du TNP ?
— Oui, bien sûr. Dans ce contexte, j’aimerais faire allusion à la position arabe unie et la bonne préparation de la conférence qui a commencé plus d’un an et demi avant sa tenue. L’influence de cette position unie est apparue lorsque les pays nucléaires ont été obligés, pour la première fois, de tenir des réunions avec les représentants des parties arabes qui ont campé sur leurs positions en ce qui concerne la citation d’Israël par son nom dans le communiqué de clôture de la conférence. Lorsque les Russes et les Chinois ont été convaincus par la position arabe, les Etats-Unis se sont trouvés obligés de signer, surtout que la partie arabe les a placés dans une position embarrassante. En effet, ils ont déclaré qu’ils approuvaient le document élaboré par le président de la conférence bien qu’il ne réponde pas à toutes leurs demandes. Ils ont déclaré leur approbation du document dans sa globalité sans amendement, et que celui qui réclamerait un amendement, soit les Etats-Unis, serait à l’origine de l’échec de la conférence.
— Quelle est la position arabe envers le rapport du directeur général de l’AIEA sur la Syrie ?
— Le président du groupe arabe, le Soudan, a présenté un communiqué au Conseil des gouverneurs. Le rapport d’Amano avait abordé le sujet du centre de recherches nucléaires de Damas. Cependant, le groupe arabe a estimé que ce sujet ne devait pas être cité dans le rapport d’Amano, car il est soumis à l’inspection ordinaire. Le citer dans le rapport en tant que lieu suspect est incorrect, car il n’a aucun lien avec l’emplacement de Dair Al-Zour qu’Israël avait bombardé sous prétexte que c’était une centrale nucléaire syrienne.
D’autre part, le groupe arabe a demandé à Israël de répondre aux demandes du directeur général de l’AIEA et de présenter des informations détaillées sur les produits militaires utilisés dans son bombardement de Dair Al-Zour. De plus, il a dénoncé ce bombardement qui contredit toutes les lois internationales. Enfin, le groupe arabe à Vienne suit de près le rapport relatif à la Syrie et exprime ses positions quant au sujet.
— Qu’en est-il de l’Iran ?
— Nous confirmons le droit de tous les pays, y compris l’Iran, à utiliser le cycle du carburant. Nous insistons sur la coopération entre l’AIEA et l’Iran ainsi que sur les solutions diplomatiques.
Dans ce contexte, le groupe arabe a confirmé que l’approvisionnement en carburant nucléaire doit rester une question volontaire de sorte qu’il ne doit pas remplacer un droit authentique de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. En même temps, le groupe arabe a demandé à ce que les pays non-signataires du traité des garanties globales de l’AIEA (soit Israël) ne bénéficient pas de cet approvisionnement.
Le mouvement de non-alignement a présenté un communiqué renforçant la position arabe et le droit de l’Iran et de tous les pays à l’enrichissement de l’uranium, selon le traité de non-prolifération et le statut de l’agence.
— Quels sont vos plans pour l’avenir ?
— Nous attendons le rapport du directeur de l’AIEA sur les capacités nucléaires d’Israël en septembre prochain. En même temps, nous coordonnons avec les autres groupes géographiques à l’AIEA, afin de garantir que la question reste soumise non seulement au Conseil des gouverneurs, mais aussi à la prochaine conférence générale, car nous nous attendons à une vive opposition. Nous ne nous attendons pas à grand-chose de la part du rapport du directeur de l’AIEA. Cependant, il sera une occasion pour confirmer qu’Israël refuse la coopération avec l’AIEA et avec toute la communauté internationale .
Propos recueillis par Atef Saqr