Michel Warschawski
En prétendant faire main basse sur deux symboles historiques, Israël prend le risque de mettre le feu aux poudres.
Benjamin Netanyahu et son gouvernement ne ratent aucune provocation pour mettre en échec toutes les tentatives de remettre sur les rails ce qu’on appelle le « processus de paix ». Dernière en date : la décision d’inscrire le caveau des Patriarches (Ibrahimiyeh en arabe) et le tombeau de Rachel au patrimoine national israélien. Il s’agit pourtant de deux sites historiques se trouvant en Cisjordanie et faisant donc partie du patrimoine palestinien. Que ces sites aient une forte charge symbolique pour les juifs – comme pour les musulmans et les chrétiens - ne fait aucun doute, et personne n’a jamais pensé le nier. Mais l’attachement symbolique et historique ne donne pas droit de propriété car, si tel était le cas, les Français se devraient de conquérir Aix-la-Chapelle, où Charlemagne avait sa capitale, et les Arabes d’occuper la péninsule ibérique, où ils avaient développé pendant plus de cinq siècles une civilisation florissante. Si des racines historiques donnaient un droit de propriété et de souveraineté, les revendications serbes sur le Kosovo auraient été justifiées tout comme celles de l’Allemagne sur l’Alsace et la Lorraine.
La décision du gouvernement israélien fait partie d’un projet colonial expansionniste et provoque des manifestations palestiniennes, à Hébron en particulier.
« Les Palestiniens refusent de reconnaître nos racines juives à Hébron et à Bethléem » a déclaré le Premier ministre israélien, laissant entendre que Mahmoud Abbas est un négationniste qui réécrivait l’histoire de la terre sainte en effaçant ses chapitres hébreux. Faux : ce que les Palestiniens, et leur président en tête, rejettent, c’est le fait de reconnaître que des liens historiques impliquent droit de propriété et souveraineté.
« Les Palestiniens essaient de faire croire que cette décision (d’inscrire ces sites comme patrimoine national ) est une menace (sur l’intégrité territoriale de la Cisjordanie), a renchéri un ministre israélien. Mais c’est bien plus qu’une menace, ces sites étant d’ores et déjà sous souveraineté israélienne de facto, et hors de toute forme de contrôle de la part des autorités palestiniennes, en dépit des accords signés avec l’OLP. Le tombeau de Rachel, par exemple, est coupé de la ville de Bethléem par une muraille, et on ne peut y accéder que par Israël. Ce qui n’empêche pas le président israélien Shimon Pérès de déclarer : « Nous n’empêchons personne d’avoir accès à ces lieux saints chers aux trois religions ». Sauf que depuis plus de deux décennies, aucun Palestinien, musulman ou chrétien, n’a eu accès au tombeau de Rachel ! Quant au caveau des Patriarches, la décision de Benyamin Netanyahu augure d’une remise en question du fragile équilibre, négocié il y a quatre décennies, entre l’administration militaire israélienne et les autorités musulmanes palestiniennes en vue de répartir les heures de culte entre les différentes communautés. Lors de son premier mandat, à la fin des années quatre-vingt, Benjamin Netanyahu avait mis le feu aux poudres et provoqué la première Intifada en ouvrant un tunnel sous l’esplanade des mosquées. Est-ce que sa nouvelle provocation va ouvrir, c’est la menace brandie par les dirigeants palestiniens, la voie à une troisième Intifada ? Incha’Alla
publié par Siné Hebdo , "le journal mal élevé" , hebdomadaire en vente dans les kiosques (2 euros) tous les mercredis.