jeudi 4 mars 2010

L’armée israélienne me cherche

Palestine - 03-03-2010
Par Mazin Qumsiyeh 
L’armée israélienne a envahi notre quartier hier matin vers 1h30, réveillant ma mère, ma femme et ma sœur. Des soldats lourdement armés ont bloqué les rues pendant « l’opération ». Lorsque ma famille a ouvert la porte, ils ont demandé à me voir. Elle leur a dit que j’étais déjà parti aux Etats-Unis. Après beaucoup d’autres questions, ils ont laissé un papier qui dit que je suis convoqué au bureau de liaison militaire lundi prochain. Ma sœur et ma femme ont dit aux soldats que je ne serais pas encore de retour ce jour là.


Il est clair que c’est la suite de l’avertissement de cet officier militaire à Ush Grail, dont j’ai parlé dans un de mes derniers emails.
Je suppose que je suis maintenant une « personne recherchée » pour avoir organisé une protestation non violente !
Merci à ceux qui ont participé à cette manifestation et l'ont filmée de se mettre en contact avec moi.
Ce qui me préoccupe, ce n’est pas le risque pour ma personne ; toute action contre l’oppression est faite en toute connaissance des risques personnels encourus. Ce qui me préoccupe, ce sont les effets (et quelques-uns imprévisibles) sur ma famille et sur les milliers d’amis de par le monde qui tiennent à moi. Ma mère, qui a 76 ans, m’a demandé au téléphone de ne pas rentrer et de travailler quelques temps aux Etats-Unis, une suggestion très douloureuse pour une mère qui n'a plus qu'un seul fils auprès d’elle ! J’ai essayé de la rassurer, que je n’avais rien fait de répréhensible et que je ne la laisserai pas… mais elle a commencé à citer de nombreux exemples de gens qui ne s’étaient livrés à aucune violence et qui ont été arrêtés, emprisonnés, et pour leurs familles, ce fut terrible.
Un ami m’a affirmé que je n’avais rien à craindre, que c’était une tactique de harcèlement pour nous pousser à cesser toute activité de protestation. Une autre a perdu le sommeil, à réfléchir à ce que nous pouvons faire. Je l’ai assurée que je continuerai ma tournée de conférences comme prévu, et que tout cela passera un jour. (la chanson « We shall overcome someday » (‘Un jour nous vaincrons’, ndt.) me vient à l’esprit).
Mais je ne suis pas différent de centaines d’autres. Israël s’acharne contre toute activité de résistance populaire/civile en Palestine parce que :
1) il n’y a pas de résistance armée aujourd’hui,
et
2) la résistance civile prend de l’ampleur et présage d’un nouveau soulèvement puissant.
La répression israélienne de la dissidence renforce dans nos esprits l’importance de la résistance civile, et nous savons que nous en paierons le prix. Plus de 30 militants ont été arrêtés à Bil’in l’an dernier, beaucoup d’autres à Ni’lin, à Al-Ma’sara et ailleurs. La répression révèle la banqueroute du régime sioniste et son excessive paranoïa qui, à mon humble avis, finiront par conduire à sa disparition. Une paranoïa inhérente aux fondements philosophiques de son idéologie. Cette idéologie, embrassée par un sous-ensemble de Juifs (le sionisme) enseigne simplement que « nous sommes le peuple élu de Dieu, il nous a donné cette terre, nous ne pouvons avoir tort lorsque nous agissons contre les Goyim, en particulier ceux qui étaient là quand nous sommes arrivés pour reprendre et nettoyer nos terres, et ni le droit international ni le droit humanitaire ne s’appliquent à nous. »
Ces délires autodestructeurs sont inculqués dès la prime éducation et perpétuent les mythes de « l’exception » et ils conduisent aux types de comportements qui sont maintenant difficiles à cacher (le nettoyage ethnique de 1948 ne fut que le début). Mais quelques Israéliens se sont débarrassés de ces mythologies et rejoignent notre lutte. A la fin, nous vivrons ensemble en dépit de toute cette répression.
Je dois réfléchir aux diverses options en réponse à cet événement particulier. Si vous avez un avis, j’apprécierais que vous m’en fassiez part. Je pense que nous devons d’abord intensifier notre travail pour la paix et les droits de l’homme dans cette période critique et historique : écrire aux médias, aux hommes politiques, à nos voisins et à quiconque prêtera l’oreille.
Ci-dessous un appel à action pour le 30 mars (la Journée de la Terre) auquel je vous exhorte à participer. On ne peut rester neutre dans un train en marche et il fut un temps, que ce soit aux Etats-Unis dans les années 1950 et 1960 ou en Afrique du Sud sous apartheid, quand le silence était bien sûr complice du crime.

Mazin Qumsiyeh, PhD
Un Bédouin dans le cyberespace, un villageois chez lui. http://www.ism-france.org/news/article.php?id=13515&type=temoignage&lesujet=R%E9sistances