Stuart Littlewood
Monsieur l’Archevêque,
Il y a deux ans, au retour de Gaza et de Cisjordanie, j’ai écrit sur leurs conditions désespérées et sur la complicité du gouvernement britannique dans le blocus qui les écrase, et je rappelai au Premier ministre Gordon Brown que Gaza fut confiée officiellement à la Grande-Bretagne sous mandat, raison de plus pour nous de nous sentir particulièrement responsables.
Je l’ai exhorté : « Allez voir par vous-même la misère, la tragédie humaine et la dévastation dont vous accablez ce peuple épatant. Ressentez leur douleur et pleurez.
« Et alors, étonnez-nous. Faites quelque chose de courageux pour une fois. Levez ce siège cruel. Mettez fin à ces 90 années de trahison qui font tant honte à la Grande-Bretagne. »
C’était avant la guerre éclair atroce déclenchée par Israël en décembre et janvier derniers, dans laquelle au moins 350 enfants ont été assassinés et des milliers d’autres mutilés ou chassés de leur maison. Les Gazaouis sont obligés d’exister dans des circonstances tout simplement ineffables. Vous savez que la bande de Gaza est encore aujourd’hui soumise quotidiennement à des bombardements, la reconstruction promise n’est toujours pas commencée, toutes les frontières restent hermétiquement fermées pour former un immense camp de concentration et les navires israéliens en maraude mitraillent les pêcheurs de Gaza dans leurs propres eaux territoriales.
Aujourd’hui, je suis écœuré d’apprendre que le chocolat, que peu peuvent s’offrir mais que tous considèrent comme un grand raffinement, spécialement pour les fêtes saintes musulmanes comme l’Aïd, ce chocolat est défendu par Israël et interdit d’entrée dans Gaza. Il faut l’y faire entrer en contrebande avec de grands risques, en passant par le réseau de tunnels (Voir Maan News : http://www.maannews.net/eng/ViewDet...)
Gaza et le reste de la Terre sainte, pourrait-on penser, sont toujours gardés à l’esprit par l’Eglise, dont le but et l’inspiration se retrouvent ici. Je n’ai pourtant vu aucune déclaration sur Gaza sur votre site web depuis le 31 décembre de l’année dernière, quand la tuerie venait tout juste de commencer. Aussi, le défi que j’ai lancé à Gordon Brown aurait pu tout aussi bien être adressé à votre Eminence… Que ferez-vous, vous et vos collègues, de courageux pour ce temps de Noël afin d’intervenir et d’apporter de l’humanité, un soutien concret et une aide spirituelle à toutes ces familles chrétiennes et musulmanes qui, depuis des années, sont si cruellement opprimées et violentées par le régime israélien et ses partisans ?
Je me souviens de votre déclaration à la Commission interreligieuse, « Ensemble pour le bien de tous », où vous évoquiez l’engagement de panser les blessures où qu’elles se trouvent. Tous ceux qui y ont adhéré se sont engagés à « s’inspirer des valeurs fondamentales que nous avons en commun et de la sagesse de nos confessions respectives pour continuer à œuvrer pour le bien-être de notre société [et] plus largement, de la communauté mondiale… »
J’ai vu aussi votre Religion 2008 dans votre intervention sur les droits de l’homme à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme des Nations unies, intervention qui se veut « traiter des principales menaces à une pleine réalisation des droits humains ». Comme vous le savez, les gens de Gaza sont, depuis des années, bafoués d’une liste de droits humains aussi longue que votre bras.
Archevêque, vous êtes un défenseur influent du dialogue entre les différentes confessions, dans la conviction que la foi et la pratique religieuses apportent une immense contribution à servir le bien de tous. En outre, l’Eglise d’Angleterre et les Eglises de la Communion anglicane mondiale sont de plus en plus confrontées à la nécessité de s’engager avec les peuples et les communautés des autres religions, et vous-même, personnellement, vous dirigez ce processus d’engagement, ici et à l’étranger.
Gaza et le reste de la Terre sainte représentent un test majeur et urgent de cet engagement dont vous parlez. Pourquoi ne pas vous rendre à Gaza ? Demandez à Brown et à Blair pour en décider, et ne prenez pas le « non » comme réponse. Relancez le gouvernement et rappelez-leur leur devoir de chrétien de défendre et de protéger les faibles : quelqu’un le doit. Bien sûr, c’est le devoir de tous les honnêtes gens, chrétiens ou non.
Voyez Mr Haniyeh. Imaginez : un archevêque rencontre le Premier ministre et imam d’un peuple soumis à une attaque terroriste permanente – les enfants oubliés d’un Dieu inférieur, apparemment – pendant que la communauté internationale reste les bras croisés. Ce serait une très intéressante conversation, suffisamment novatrice et symbolique pour faire une différence… et, si je peux oser m’exprimer ainsi, pour amener un sourire sur le visage de Dieu.
Puissé-je être là pour le rapporter.
Stuart Littlewood a écrit Radio Free Palestine, qui raconte la situation désespérée des Palestiniens sous occupation. Ecoutez : http://www.radiofreepalestine.co.uk/
Londres le 1er décembre 2009
http://www.palestinechronicle.com/v...
traduction : JPP