Georges Malbrunot
« Mahmoud Abbas est sincère quand il dit qu’il ne se représentera pas à la tête de l’Autorité palestinienne. Il en a assez. Il a le sentiment que personne ne l’aide. Il ne croit plus aux négociations avec Israël », explique un diplomate européen, qui rentre de Ramallah, en Cisjordanie.
Bernard Kouchner et Tony Blair, qui l’ont rencontré récemment, l’ont également trouvé « déprimé et abattu ». « Abbas n’a plus envie de se battre », ajoute un diplomate français.
Le 5 novembre, devant ses proches, Mahmoud Abbas annonçait qu’il ne se représenterait pas aux prochaines élections législatives et présidentielles, fixées au 24 janvier. Et quelques jours après, dans une sorte de testament politique, il énonçait les grandes lignes d’un plan de règlement du conflit entre Israël et les Palestiniens. Comme pour contraindre son successeur à se déterminer par rapport à ses critères.
Après quinze ans de pourparlers infructueux, « les Israéliens ne veulent pas nous donner notre Etat. Les Américains, de leur côté, sont incapables de les faire bouger. Pourquoi, dans ces conditions, continuez à négocier », se dit Abou Mazen (le nom de guerre de Mahmoud Abbas).
« Il ne manque pas de soutien de la part de son peuple pour reprendre les négociations avec Israël, ce n’est pas cela le problème, poursuit le diplomate européen. Le hic, c’est qu’Abou Mazen n’y croit tout simplement plus », ajoute ce fréquent visiteur du chef de l’Autorité palestinienne.
Le successeur de Yasser Arafat a été profondément déçu par l’incapacité américaine d’arracher à Israël un gel total de la colonisation des territoires occupés. « C’est son négociateur, Saeb Erakat, qui lui avait vendu cette idée. Abbas y croyait, sans doute un peu naïvement d’ailleurs. Aujourd’hui, il a l’impression d’avoir été abandonné ».
Sur un plan personnel, le chef de l’Autorité palestinienne a été blessé par l’attaque dont vient d’être victime à l’école son petit-fils de la part d’un autre enfant palestinien.
L’affaire Golstone a encore entamé sa crédibilité auprès de la rue. Mahmoud Abbas a été sévèrement critiqué pour avoir cédé à la pression, et soutenu le report de l’examen par l’ONU de la guerre à Gaza, qui opposa en début d’année Israël au Hamas.
En fait, depuis un certain temps déjà, Abbas a pris du recul avec le pouvoir. Plusieurs indices le prouvent. Les forces de sécurité qui dépendaient de son autorité sont passées sous la coupe de son Premier ministre, Salam Fayyad. En outre, Mahmoud Abbas n’a toujours pas présidé la moindre réunion du Conseil des ministres palestinien. Et il ne passe pas plus d’une semaine désormais en Cisjordanie. « Il est vraiment fatigué par l’exercice du pouvoir », ajoute le diplomate français.
Soucieux d’éviter de créer un dangereux vide derrière lui, Mahmoud Abbas devrait rester au pouvoir jusqu’aux prochaines élections législatives et présidentielle palestiniennes. Elles avaient été prévues pour le 24 janvier prochain. Mais le Hamas ayant refusé que le scrutin se tienne dans la bande de Gaza, sous contrôle islamiste, ces élections ont été reportées à une date ultérieure.
publié sur le blog du Figaro "De Bagdad à Jérusalem" ; l’Orient indiscret